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© Aimée Hoving

Témoignages : un couple face à un choix contre nature

Chaque mois, Causette donne la parole à un duo sen­ti­men­tal pour com­prendre com­ment les visions diver­gentes de chacun·e n’empêchent pas (tou­jours) le ménage de tour­ner. Pour Magali et Guillaume, le grand saut vers la Norvège était un pro­jet de couple. Mais pour Magali, il a signé une assi­gna­tion à son rôle d’épouse. Une épreuve dont il et elle sont sorti·es ensemble.

Magali, 41 ans

« J’ai tou­jours ado­ré voya­ger. Alors quand, il y a dix ans, peu de temps après notre mariage, Guillaume m’a par­lé d’expatriation, j’ai été embal­lée. J’étais alors le cli­ché de la Parisienne, sor­tant tous les soirs, au théâtre, au res­to. Il m’avait par­lé de Milan ou de Londres, l’idée m’excitait. En fait, ça a été Stavanger, qua­trième ville de Norvège, 130 000 habi­tants. Mais, comme je m’ennuyais au bou­lot, je me suis dit : “Pourquoi pas chan­ger de vie ?” J’étais per­sua­dée de trou­ver rapi­de­ment du tra­vail. Trois mois de cours d’anglais et tout roulerait.

Quand nous sommes arrivé·es là-​bas, j’ai déchan­té. Nous avons fait le tour de la ville en un quart d’heure et j’ai pen­sé que ces trois années allaient être très très longues. Assez rapi­de­ment, je me suis ren­du compte que je ne trou­ve­rai pas de tra­vail. Je suis donc pas­sée de jeune cadre dyna­mique à femme au foyer. Même pour obte­nir une carte ban­caire, comme le compte n’était ali­men­té que par le salaire de Guillaume, je devais avoir son autorisation ! 

La situa­tion de notre couple s’est com­plè­te­ment inver­sée : à Paris, je n’étais jamais là et Guillaume était très casa­nier. À Stavanger, il enchaî­nait les week-​ends de team buil­ding et les soi­rées avec ses col­lègues. Et moi, je l’attendais à la maison…

Je suis tom­bée en dépres­sion pen­dant un an. Je ren­trais en France trois semaines par mois. Je pleu­rais dès que je met­tais le pied en Norvège. J’étais infecte avec lui. Je n’étais que griefs. Lui, de son côté, tenait le cap. Ne m’a jamais repro­ché mon atti­tude. Il a tou­jours pro­po­sé des solu­tions pour que je me sente au mieux. 

J’ai bien cru que nous allions nous sépa­rer. Mais au final, cette expé­rience nous a appris à trou­ver du bon­heur dans celui de l’autre. Et ain­si à éta­blir notre com­pro­mis de couple. Je m’en suis quand même sor­tie. Grâce au béné­vo­lat. À la Croix-​Rouge, j’ai ren­con­tré des femmes en bien plus grande dif­fi­cul­té que moi et j’ai relativisé. 

Nous sommes rentré·es à Paris après trois ans d’expatriation – j’avais dit non à une pro­lon­ga­tion ! – et grâce à l’argent que nous avions éco­no­mi­sé du fait de son contrat d’expatrié, nous avons pu ache­ter une mai­son avec un petit jar­din, en ban­lieue. C’est notre arbi­trage : à moi Paris, à lui, le bout de nature. »

Guillaume, 43 ans

« J’étais arri­vé à Paris pour des rai­sons pro­fes­sion­nelles, alors que j’ai pas­sé mon enfance au bord de la mer, dans le Pas-​de-​Calais. Ce poste en Norvège, sur la mer du Nord, c’était un retour aux sources. J’ai pu me mettre à sur­fer tous les jours, me recon­nec­ter avec la nature. Mais Magali allait mal et je ne savais pas quoi faire si ce n’est la lais­ser ren­trer à Paris autant qu’elle le sou­hai­tait et lui faire décou­vrir la beau­té des pay­sages scandinaves.

Elle n’avait jamais connu de période de chô­mage et vivait très mal de ne plus pou­voir tra­vailler. Elle s’inquiétait aus­si beau­coup de sa dépen­dance finan­cière à mon égard. Ces trois années d’expatriation repré­sen­taient aus­si pour elle des années sans coti­sa­tions pour la retraite. Il m’a sem­blé natu­rel de faire un emprunt pour un petit appar­te­ment à Paris, comme nous ne payions pas de loge­ment à Stavanger. Et de lui en léguer la moi­tié de la pro­prié­té. C’était une manière de dire que la situa­tion était par­ta­gée et bien vécue à deux et non pas seule­ment de mon côté.

J’étais prêt à cas­ser mon contrat. Nous en avons beau­coup dis­cu­té. Mais même si elle se sen­tait très mal, reve­nir en France avant le terme des trois ans aurait repré­sen­té un échec qu’elle ne par­ve­nait pas à accep­ter, étant don­né son tempérament.

De mon côté, après l’adaptation de Magali grâce à ses actions de béné­vo­lat, j’aurais bien pour­sui­vi mon contrat. Les condi­tions de tra­vail étaient très appré­ciables et j’ai beau­coup aimé la rela­tion des Norvégiens au bou­lot. Mais pour elle, il c’était hors de ques­tion. Je ne le regrette pas, à pré­sent. Parce que quit­ter Stavanger m’a per­mis de chan­ger de domaine et de tra­vailler désor­mais dans les éner­gies renou­ve­lables. Plus en phase avec mon enga­ge­ment écologique.

Aujourd’hui, je me dis qu’on ne quit­te­ra plus jamais la région pari­sienne. En tout cas, si c’est moi qui lui pro­pose de repar­tir, je suis sûr qu’elle dira non. Mais si l’initiative venait d’elle… Son entre­prise actuelle a un bureau à New York et elle me parle par­fois de son envie de ten­ter l’aventure. Dans le genre grande ville, New York, on ne peut pas faire pire ! Mais nous fonc­tion­nons comme ça, par com­pro­mis suc­ces­sifs. Et il paraît qu’il y a quelques bons spots de surf ! » 

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