Romane Bohringer : « Le regard sur le monde d'Annie Ernaux me rend meilleure »

Déjà, L’Amour flou ver­sion grand écran, on avait aimé, mais alors là, en série sur Canal+ à par­tir du 8 novembre, on adore. Romane Bohringer y raconte sa vie de famille à la suite de sa sépa­ra­tion avec le père de ses enfants. Et leur fameux concept de « sépar­te­ment ». Drôle, pro­fond et bour­ré d’autodérision.

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Romane Bohringer © Philippe Mazzoni/​Canal+

Causette : Les livres mar­quants de la « biblio­thèque » de vos parents ?
Romane Bohringer :
Dans l’appartement de mon arrière-​grand-​mère, dans la chambre où je dor­mais, il y avait sur l’étagère toute une col­lec­tion de Série noire appar­te­nant à mon père. La nuit, je me sou­viens, j’étais à la fois effrayée et intri­guée par ces cou­ver­tures noir et jaune, et leurs titres inquié­tants. Et puis Jack London, dont Martin Eden est un de mes romans pré­fé­rés. Et Albert Cossery, écri­vain égyp­tien, dont La Maison de la mort cer­taine me bouleverse.

Les lieux de votre enfance ?
R. B. :
Les pre­mières années de ma vie, avec mon père, dans le petit appar­te­ment de mon arrière-​grand-​mère, à Deuil-​la-​Barre, dans le Val‑d’Oise. Quel nom ! Et puis, vers l’âge de 8 ans, nous avons refait famille et mon père a ache­té sa pre­mière mai­son dans un lotis­se­ment moderne vers Gif-​sur-​Yvette, dans la val­lée de Chevreuse. Mon père ado­rait cette mai­son alors qu’il s’agissait d’une mai­son tout à fait banale. Mais c’était la sienne, la pre­mière, celle qu’il avait rêvée pour nous. Depuis, quand j’aperçois des ­vil­lages de ce type, que les gens trouvent ça moche, moi, ça m’émeut. Je les trouve récon­for­tants, ces villages.

Avec qui aimeriez-​vous entre­te­nir une longue cor­res­pon­dance ?
R. B. :
Avec Annie Ernaux. J’ai joué au théâtre un texte d’elle, L’Occupation. Elle me pas­sionne. Ses mots m’accompagnent sou­vent. Son regard sur le monde me rend meilleure.

Que faites-​vous dans vos périodes de dépres­sion ?
R. B. :
Je ne suis pas sujette à la dépres­sion. Si je suis tra­ver­sée par un moment de moins bien, je regarde autour de moi… Les êtres qui me sont chers vont bien, j’ai un toit sur la tête, un fri­gi­daire plein et un métier qui me comble. Je pense à ma chance, et ça repart.

Que faites-​vous dans vos périodes d’excitation ?
R. B. :
Je pro­fite.

Votre remède contre la folie ?
R. B. :
Je ne crois pas non plus être sujette à la folie… Ou alors une folie douce qui n’est pas dan­ge­reuse, qui met juste un peu de fan­tai­sie et de roma­nesque dans ma vie.

Vous créez votre mai­son d’édition. Qui publiez-​vous ?
R. B. :
Je publie­rais les œuvres de Philippe Rebbot, le père de mes enfants… Ses col­lages, ses inven­tions pho­to­gra­phiques, ses jeux de mots, ses mor­ceaux de pen­sées grif­fon­nés ici et là… Un bout de son monde inté­rieur, si poé­tique et si sin­gu­lier. Mais je crois qu’un édi­teur est déjà sur le coup !

Vous tenez salon. Qui invitez-​vous ?
R. B. :
Une troupe. Pour faire du théâtre en appartement.

Le secret d’un couple qui fonc­tionne ?
R. B. :
Je ne sais pas… Rester sen­sible. Rester curieux. Se sou­ve­nir des belles choses. Rester amis. Travailler sur soi pour ne pas faire payer à l’autre les trau­ma­tismes passés.

Si vous aviez une seule ques­tion à poser à Freud ?
R. B. :
« Oh, Docteur… par pitié… dites-​moi que je ne fais pas si mal… »

LA chose indis­pen­sable à votre liber­té ?
R. B. :
Pouvoir vivre du métier que j’aime.

Le deuil dont vous ne vous remet­trez jamais ?
R. B. :
Je me suis remise. Comment faire autre­ment ? Je me remets moins des conver­sa­tions inter­rom­pues par l’absence, des mots qu’on n’a pas dits, des ques­tions lais­sées en sus­pens… Qui laissent des vides dif­fi­ciles à combler.

Que trouve-​t-​on de par­ti­cu­lier dans votre « chambre à vous » ?
R. B. :
Une bou­gie pour éclai­rer, dans la nuit, le visage de l’homme que j’aime.

À quoi reconnaît-​on un ami ?
R. B. :
Se perdre peut-​être, mais se retrou­ver avec la sen­sa­tion de ne s’être jamais quittés.

Quel est le comble du sno­bisme ?
R. B. :
Quelqu’un qui vous salue sans cal­cu­ler la per­sonne qui est à vos côtés. Je sais pas si c’est du sno­bisme, mais c’est très désagréable.

Qu’est-ce qui occupe vos pen­sées « nuit et jour » ?
R. B. :
Mes enfants.

Vous démar­rez un jour­nal intime. Quelle en est la pre­mière phrase ?
R. B. :
« Cher Journal… Aujourd’hui, il est arri­vé une chose extraordinaire… »

Bande annonce de la série

L’Amour flou. Série de 9 épi­sodes de 30 min. Sur Canal+ et MyCanal à par­tir du 8 novembre.

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