La websérie 18 h 30, diffusée sur Arte en 22 épisodes de 5 minutes, nous parle de la rencontre de deux collègues à la sortie du bureau, qui rejoignent le même arrêt de bus et font de ce trajet quotidien un rituel espéré, à la marge de leur vie respective. Derrière cette pépite, le duo d’auteurs toujours gagnant, Maxime Chamoux et Sylvain Gouverneur, déjà signataires de la série à succès Ploup.
Il est 18 h 30, Mélissa sort de son premier jour de boulot dans une nouvelle boîte où Éric, lui, travaille depuis treize ans. Alors que notre montre affiche cinq minutes par épisode, au nombre de vingt-deux, on assiste à la naissance progressive d’une relation, traversée par un crescendo de sentiments contraires, passant de l’agacement à la bienveillance, du malaise à l’émoi, de la politesse excessive à l’élan amoureux. Les comédiens Pauline Étienne et Nicolas Grandhomme, emmenés par le duo Maxime Chamoux et Sylvain Gouverneur à l’écriture, y sont troublants de justesse.
Si l’horaire du rendez-vous ritualisé est invariable, il en est de même pour le décor du trajet quotidien : l’architecture très minérale du quartier d’affaires bordelais Meriadeck nous devient familière. On en repère les passages et les détours et on se désole, comme parfois Éric et Mélissa, d’arriver trop tôt à l’arrêt de bus et donc à la fin de l’épisode.
Mais ne vous y trompez pas, si vous rentrez dans le bal de cette websérie, vous danserez avec les deux protagonistes jusqu’au bout, en laissant défiler l’ensemble des chapitres, entrecoupés des notes légères et poétiques du générique, composées par David Sztanke.
Par des plans rapprochés et tournés en séquence, on se sent invité·es dans ce chassé-croisé sentimental, qui dit beaucoup de nous, de nos luttes et nos renoncements intimes.
Tels des funambules du sentiment, Mélissa et Éric communiquent en sous-textes.
« J’ai un pote, son talent, c’est de tout faire pour éviter les discussions importantes… », s’aventure la jeune femme, qui entendra une réaction maladroite, mais empreinte d’un romantisme subtil, lequel ne s’imposera jamais. Nous voilà en quête d’absolu dans ces parenthèses de vie, parfois distancées de plusieurs semaines, à voyager dans les méandres de l’indécision. On se régale de scènes au ressort comique, grâce, notamment, à des personnages secondaires, parfois imaginaires, de toute fantaisie. On s’attriste aussi de sujets de société à la gravité parfaitement incarnée, comme le harcèlement ou le terrorisme. Le spectateur est rattaché à une réalité, qui est aussi la sienne.
On remonte le couloir d’un temps suspendu, entre vie professionnelle et vie de famille, qui viennent nourrir les conversations du duo complice, lequel ne se dévoilera jamais complètement.
L’intrigue court sur une année entière, dans une saisonnalité narrative. Si les sujets sombres sont abordés la nuit tombée, calfeutrés dans la pudeur comme dans les écharpes et les bonnets, c’est en robe fleurie et casques aux oreilles que l’on retrouve la légèreté aux beaux jours. Il est difficile de renoncer à cette histoire, dont on ne voit pas la fin venir. Mais les réalisateurs Maxime Chamoux et Sylvain Gouverneur, qui ont cosigné l’enquête parue cet été dans Society sur Xavier Dupond de Ligonnès et qu’on connaît aussi pour la websérie Ploup, songent à écrire la suite… On s’en réjouit.