Ce mois-ci prenez en plein les oreilles avec Matt Low, St. Vincent et Yndi.
Hisse haut
Avec le Delano Orchestra ou le trio pop Garciaphone, cela fait quelques années déjà que Matt Low arpente les scènes et les studios. Comme bassiste d’abord, avant de s’essayer à l’écriture et au chant, encouragé, entre autres, par Jean-Louis Murat lorsque celui-ci a entendu ses premières compositions.
La Ruée vers l’or est le fruit d’un long cheminement. Matt Low a pris le temps de contempler les paysages et les choses de la vie. Son processus l’a vu composer des dizaines de chansons, polies en solitaire pour la plupart, sources de collaborations parfois, comme le très enlevé Vert pomme dont le texte a été écrit par Murat. Huit d’entre elles ont paru sur deux EP au milieu de la décennie, d’autres ont été mises en ligne au gré des mois sur le Net.
Ce sont dix autres encore qui voient le jour dans La Ruée vers l’or, disque aux subtiles couleurs pop et folk. Nés d’une période de fusion des sentiments, où le deuil d’un ami cher a croisé celui de la naissance d’un premier enfant, les textes racontent la vie, l’amitié, l’absence, le présent, le passé. Peaufiné patiemment par un artisan très doué, l’album est un petit bijou. C. K.
La Ruée vers l’or, de Matt Low. Modulor Records.
Libérée
Avec St. Vincent, il faut toujours s’attendre à l’inattendu. Artiste avant-gardiste, Annie Clark pour l’état civil américain, façonne une musique complexe et ambitieuse sur laquelle elle dépose toujours une couche de vernis pop. Successeur du sensuel et clinique Masseduction (2017), Daddy’s Home, son sixième album, est une réinvention. Ou plutôt une libération, puisqu’il est inspiré par la sortie de prison de son père en 2019 (condamné à douze ans de détention pour escroquerie à la Bourse), et par la musique des années 1970 avec laquelle Clark a grandi. Habituée à jouer les dominatrices, St. Vincent baisse la garde et offre un disque baigné de soul, qui lorgne du côté d’un funk moite à la Sly and the Family Stone et d’un rock raffiné à la Steely Dan. Avec sa guitare-sitar, ses claviers envoûtants et sa rythmique ondoyante, ce Daddy’s Home est une arme de séduction massive. J. B.
Daddy’s Home, de St. Vincent. Loma Vista/Caroline.
Saudade enlevée
Connue en tant que Dream Koala (trois EP entre 2013 et 2015), la compositrice franco-brésilienne Yndi Ferreira Da Silva a goûté au succès avec une pop éthérée. En 2017, elle s’éclipse pour mieux renaître quatre ans plus tard sous son seul prénom. À 27 ans, Yndi revient profondément transformée, les bras chargés des trésors intimes de Noir Brésil. Sa voix fragile (elle chante en français et en portugais) et sa guitare acoustique aux effluves bossa apaisent d’une douce langueur tropicale le tumulte saccadé des tambours de batucada et les pulsations des machines. Entre Brésil et Europe, saudade et frénésie, l’artiste raconte un cheminement douloureux à travers les identités, les continents, les corps et les cœurs brisés. Yndi surfe le vague à l’âme et invente un métissage culturel contemporain totalement bouleversant. J.B.
Noir Brésil, de Yndi. Grand Musique Management.