La chanteuse à la voix rauque et au verbe haut revient le 22 avril avec un quatrième album, Les Enfants de Maldonne. Colérique, contestaire et vivifiant, comme une pulsation électrique dans les veines.
![Melissmell, chanson innervée 1 Resized IMG 08691](https://www.causette.fr/wp-content/uploads/2022/04/Resized_IMG_08691.jpeg)
Elle se perçoit comme une « guérisseuse par la musique », qui écrit des chansons d'abord pour se soigner elle-même et ensuite les autres, si cela a marché sur elle. « J'ai passé des années à marcher sur le bord /à rejoindre la marge, à frôler le décor /dans ce monde inquiétant j'ai croisé des tordus /Mais toujours évité la valse des pendus », chante ainsi Melissmell dans Petite chanson du maquis, en ouverture de son nouvel album. A 41 ans, l'artiste née en Ardèche sort un quatrième opus, Les Enfants de Maldonne, dans lequel elle oscille entre saine révolte contre l'injustice de notre société et espoir d'un sursaut collectif créant les moyens du changement.
La « Maldonne », la chanteuse l'a bien connue. Celle dont la voix rauque et puissante lui permet de porter des titres où le chant se fait cri pour déployer la rage a connu les impasses et même la rue. Jeune adulte, Mélanie Coulet de son vrai nom perd son toit plusieurs fois et « crèche à droite à gauche », jusqu'au jour où la seule solution devient « une tente plantée dans le Bois de Vincennes, avec des copains rencontrés sur le trottoir ». Cela dure un an et demi et la pudeur s'installe dans la voix de Melissmell quand on cherche à lui faire raconter. « En tant que femme, de mon point de vue, c'est très dangereux », lâche-t-elle pour conclure la conversation sur cette partie de sa vie. Melissmell préfère raconter la solidarité, comme lorsque au début des années 2000, elle habite à L'Isle-sur-la-Sorgue dans le Vaucluse et se rend tous les mercredis bénévolement dans un centre social qui accueille des personnes porteuses d'handicap – moteur ou psychique – et anime des ateliers d'art thérapie. Encore cette notion d'art qui répare et console.
Maraudes avec les Restos du cœur
Rien d'étonnant donc que le premier clip issu des Enfants de Maldonne mette en images la chanson Bérézina et immerge le public dans une maraude des Restos du cœur de Rouen (la baroudeuse vit aujourd'hui dans une petite ville à côté). Ouvert sur une citation de Coluche – « C'est pas vraiment de ma faute si y en a qui ont faim, mais ça le deviendrait si on ne changeait rien » – il montre le discret mais si noble travail des bénévoles de l'association pour tendre la main aux miséreux.euses qui peuplent les trottoirs de nos villes. « On peut encore dis-moi décider ce qu'on s'aime, on peut s'aimer quand même, chante Melissmell. On peut encore dis-moi éviter la bérézina. »
Pour les quinze titres des Enfants de Maldonne, Melissmell s'est entourée d'une bande d'hommes qu'elle admire et qui correspondaient aux morceaux – un jour, dit-elle, elle aimerait faire un album avec des artistes femmes. Bien sûr, il y a sur cet album les Ogres de Barbak, indispensables à l'équilibre musical de Melissmell : « Avec leur sens des mélodies, les Ogres adoucissent mon côté brut de pomme, dit celle qui a fait leur première partie durant une tournée. Leur histoire et leur parcours corrrespondent, ils se battent pour un monde serein, ils ont embarqué beaucoup de monde sur la route et je leur serai éternellement reconnaissante de m'avoir montré le chemin. » Mais aussi, pêle-mêle, voici donc les talentueux Imbert Imbert, Christian Olivier (des Têtes Raides), Denis Barthe (Noir Désir) ou encore Matu (Indochine, Mano Solo), Guillaume Favray au service de la niaque retrouvée de celle qui avait laissé son public en 2016 avec l'album L'Ankou. Si l'Ankou annonce la mort dans le folklore breton, Les Enfants de Maldonne promettent la renaissance, notamment sur des titres comme Eldorado ou Phoenix.
L'hymne "Aux armes"
La dernière fois que Causette l'avait rencontrée, c'était il y a pile dix ans, en 2012. La chanteuse s'était faite notamment connaître avec Aux armes, une réinterprétation de l'hymne national français, composé en 2008 dans un moment de dégoût face à un pays qui a à ses yeux perdu la boussole de sa devise « Liberté, égalité, fraternité ». Le titre est devenu depuis un hymne pour tout ce que la France compte de contestataires revendiquant de la justice sociale, des Anonymous aux Gilets jaunes en passant par la France insoumise, qui lui a demandé de chanter lors de rassemblements.
2012 et 2022 : par deux fois et par hasard, l'échange entre Causette et Melissmell s'est fait à la veille d'une élection présidentielle. A l'époque, essorée par cinq ans de sarkozysme devant débouter sur l'arrivée de François Hollande, elle balançait joyeusement des choses comme ça : « Et ben, moi, je chie dans l’urne ! » Gonflée, celle qui se décrivait comme « consternée, impliquée, mais pas engagée ». Elle s'en expliquait ainsi : « J’ai cramé ma carte d’identité en chantant Les Petits Papiers, de Gainsbourg. Je me suis cramé la main et j’ai mis le feu à mon bureau. Donc, voilà, je n’appelle pas aux urnes, mais à la responsabilité de chacun. Chacun doit s’occuper de sa révolution intérieure ; si on veut un changement, c’est chez soi qu’il faut le faire. C’est ça, mon engagement, si j’en ai un. »
"Le troupeau te rattrape"
Depuis, Melissmell est devenue mère d'un petit garçon, il y a deux ans, et comme tant d'autres, cette parentalité la responsabilise. « Je suis toujours une grosse anarchiste à n’avoir ni dieu ni maitre, sourit-elle. Seulement, le troupeau te rattrape, on peut pas être toujours dans la posture en dehors. Face à une crise aussi grande [sociale et écologique, ndlr], on va être tous dans le même bateau et il va falloir s’entendre. Il faut aller voter parce que c’est le seul droit qu’il nous reste. Je me sens responsable, j’ai un enfant, je me dois d’aller voter pour son avenir. »
Mais puisque Jean-Luc Mélenchon, le candidat qui portait l'espoir de Melissmell pour une sixième République, a à nouveau raté la marche du deuxième tour de l'élection ce 10 avril 2022, il reste à l'artiste ses chansons qu'on sent désormais pleines de maturité et d'ores-et-déjà tournées vers l'après Bérézina. Dans Notre siècle a vingt ans, elle s'adresse ainsi à la génération qui vient : « Que feras-tu des lendemains ? Oseras-tu prendre la main ? Lèveras-tu le doigt en l'air, dire aux puissants d'aller se faire ? » En fait, Melissmell chante comme d'autres haranguent avec des « Hauts les cœurs ! » : « La vois-tu briller, seule au firmament, l'étoile du berger ? », questionne-t-elle dans la jolie ballade L'étoile du berger, la voix encore tiraillée mais presqu'apaisée.
Mais avec Melissmell, la colère combattive ne s'éteint jamais. Pour preuve, ce morceau qui vient conclure l'album, Putain de miracle, incantation rageuse écrite au soir de l'attentat de Charlie Hebdo, le 7 janvier 2015. Elle aurait pu la sortir « de [son] placard » sur L'Ankou, l'album précédent, mais jugeait « qu'elle n'était pas prête à être entendue ». Dans son placard de guérisseuse par l'expression artistique, il y a aussi le projet d'un mouvement collectif intitulé Organisation d’appel au rassemblement et mélange des arts (OSARMA, pour sonner comme Aux armes). Melissmell invite les lectrices intéressées à rejoindre l'aventure en lui écrivant à cette adresse.
![Melissmell, chanson innervée 2 Pochette NouvelAlbum Melismell 2022](https://www.causette.fr/wp-content/uploads/2022/04/Pochette_NouvelAlbum_Melismell_2022-1024x921.jpg)
Les Enfants de Maldonne, de Melissmell, sortie le 22 avril. En concert le 31 mai au Café de la danse à Paris.