« Gore », de Lous and The Yakuza

Elle a le charme enga­gé d’Angèle, la poé­sie bru­tale de Damso et la gra­vi­té pop de Stromae. À 24 ans, Marie-​Pierra Kakoma est la nou­velle sen­sa­tion venue de Belgique.

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© Lee Wei Swee

Avec une poi­gnée de singles sai­gnants, pré­ludes à la sor­tie, le 16 octobre, de Gore, un pre­mier album très atten­du, Marie-​Pierra Kakoma, 24 ans, s’est déjà fait un nom dans le pay­sage musi­cal fran­co­phone sous l’alias Lous and The Yakuza. Un nom de guerre digne d’un remake de série B asia­tique signé Quentin Tarantino. La jeune Belge n’a pas rete­nu le char­mant sobri­quet dont l’avaient affu­blée ses parents durant son enfance au Congo, son pays natal : Kabwabwa. « Cela signi­fie “l’enfant qui parle tout le temps” en kis­wa­hi­li, confie celle qui, atta­blée sur le bal­con de son appar­te­ment bruxel­lois devant une ome­lette, n’a rien per­du de sa faconde. J’adorais poser des ques­tions aux adultes. Ma pre­mière pas­sion, c’est le savoir. » 

Sur les éta­gères de la biblio­thèque de ses parents méde­cins, elle sai­sit Inconnu à cette adresse, de Katherine Kressmann Taylor, La Chanson de Roland, L’Énéide, L’Élue, de Lois Lowry… Entre roman d’apprentissage et nou­velles épis­to­laires, la petite Marie-​Pierra attrape d’abord le virus de l’écriture avant celui du chant. Au plus loin qu’elle se sou­vienne, Lous (pour soul en ver­lan) a tou­jours eu l’envie de s’exprimer. C’est déci­dé, elle sera artiste.

Une foi inébranlable

Son père, congo­lais, et sa mère, rwan­daise, ne voient pas d’un très bon œil que leur fille n’empreinte pas la filière médi­cale. Chanteuse ? Pour eux, ce n’est pas un métier. Pour elle, c’est une voca­tion. « Je n’ai aucun talent inné. Je crois uni­que­ment au tra­vail. Parvenir jusqu’ici a été un che­min de croix. J’ai essuyé de nom­breux échecs, mais ma foi était inébran­lable. J’ai toqué aux portes jusqu’à ce que mes mains saignent. » 

Le par­cours de Lous and The Yakuza est fait d’allers-­retours entre l’Europe et l’Afrique, de sacri­fices et de disci­pline. Le tra­vail paie, mais il a aus­si mal­heu­reu­se­ment un coût. « J’ai connu le déses­poir, des déchi­re­ments. J’ai per­du des amis, ma digni­té. J’ai dor­mi dans la rue. » 

Son album est le jour­nal intime des quelques vies qu’elle a lais­sé en che­min. Elle y par­tage ses véri­tés et ses drames. Sur des pro­duc­tions retra­vaillées par le sor­cier du son El Guincho (pro­duc­teur de Rosalia), elle raconte le viol (4 Heures du matin), la pros­ti­tu­tion (Courant d’air), les tra­hi­sons (Messes basses). Entre chan­son et hip-​hop, Dalida et Booba, Gore est le reflet des contrastes d’une jeune artiste prête à tout mais pas n’importe com­ment pour réus­sir seule contre tous. « Être une femme noire est un double han­di­cap. J’ai visi­té trente-​sept appar­te­ments avant de pou­voir louer celui que j’occupe aujourd’hui à Bruxelles. Ce n’était pas un pro­blème de fiche de paie. C’est lié à la cou­leur de ma peau. On m’a déjà cra­ché des­sus parce que j’étais noire. Je suis une artiste enga­gée, car je n’ai pas le choix. C’est un com­bat natu­rel que je porte dans ma musique. »

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Gore, de Lous and The Yakuza.
Columbia/​SonyMusic.
Sortie le 16 octobre

Curieuse de tout, Lous and The Yakuza trace sa route, confiante en un des­tin dont elle a déci­dé d’être, avec Dieu, la cos­cé­na­riste. On n’est jamais aus­si bien ser­vi que par soi-même.

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