Trois ans après l’immense succès de De pierre et d’os, Bérengère Cournut revient avec un récit sur la disparition en forme de fable.
![«Zizi Cabane» : Bérengère Cournut, îlot de consolation 1 couv zizi cabane cmjn copie](https://www.causette.fr/wp-content/uploads/2022/08/couv_zizi-cabane_cmjn-copie-320x427.jpg)
Collectionneuse de rêves. Ce devait être le métier de Bérengère Cournut dans une vie antérieure. Depuis plus de dix ans, cette romancière française navigue entre l’ethnographie et la fiction. Dans ses deux précédents romans, Née contente à Oraibi et De pierre et d’os, qui lui a valu le prix du roman Fnac 2019 et les acclamations de plusieurs centaines de milliers de lecteur·rices, elle tressait des vies contemporaines, auxquelles on s’identifiait, avec une dimension mythologique inspirée de sa passion pour les peuples autochtones.
Avec Zizi Cabane, son neuvième roman, elle poursuit cette ascension poétique et nous ouvre les portes d’un monde dans lequel on ne serait jamais entré sans elle, « pétochards » que nous sommes (dirait son personnage). Car l’histoire, simple comme un mythe, illustre une peur archaïque. Odile, femme amoureuse de son homme, mère d’une joyeuse fratrie, disparaît du jour au lendemain, sans explication, laissant derrière elle ses trois enfants aux surnoms farfelus – Chiffon et Béguin pour les garçons, Zizi Cabane pour la plus petite. Une tragédie ? « Non, je ne dirais pas cela, répond la romancière avec aplomb – la même joie de vivre étonnante que ses personnages. Étant moi-même mère de trois enfants et ayant perdu mon père à 11 ans, j’ai probablement voulu affronter, à travers une fiction pure, ce mélange de fantasme et de peur. Mais, en écrivant ce livre, j’ai surtout admis que la mort d’un proche n’était pas nécessairement un traumatisme. Le manque peut construire un destin. »
Une vibration qui dépasse le temps
Quelques jours après cette disparition, les membres de la famille ressentent mystérieusement la présence d’Odile dans les éléments de la nature. Pour l’un, c’est le ruisseau qui traverse le jardin de la maison ou le chant du vent ; pour l’autre, une roche de granit trouvée, en rêve, au fond d’un lac d’eau claire ; pour Zizi Cabane, petite héroïne bouleversante, la mère devient le paysage tout entier et le moteur d’une existence incandescente. « Ils sont fous de chagrin, tente d’expliquer la romancière. Chacun à leur manière, ils tentent de survivre en cherchant cette femme partout ; elle leur donne l’énergie de parcourir le monde, d’interroger leurs rêves et de se découvrir eux-mêmes. »
Cette conception « animiste » des êtres et de la nature, Bérengère Cournut la portait déjà en elle avant de découvrir les récits des « peuples racines », comme elle les appelle. « C’est un réflexe d’écriture que j’avais dès le début. Je confiais d’instinct aux paysages et aux rêves le soin d’exprimer, parfois même de guérir, les émotions de mes personnages. Lorsque j’ai découvert que les cultures amérindiennes et inuites fondaient leur existence sur ces visions, j’ai trouvé en eux un écho à ma façon de voir le monde. Et une consolation face aux détresses de notre époque. »
En nous faisant sentir cette vibration qui dépasse le temps et les lieux, à travers les voix si vraies et malicieuses de Zizi Cabane et des siens, Bérengère Cournut nous offre mieux qu’une consolation. Un rêve que l’on peut interpréter sans fin, comme un oracle.