Littérature X, lec­tures préliminaires

Des clas­siques, des mécon­nus, des oubliés, des décou­vertes : notre top 10 des incon­tour­nables de la lit­té­ra­ture érotique. 

20210607 CAUSETTE DESCRAQUES 10 1212 copie A
© Emmanuelle Descraques pour Causette
Vénus Erotica, d’Anaïs Nin 

C’est le must have, le livre d’initiation à la lit­té­ra­ture éro­tique de qua­li­té (style, exci­ta­tion, sub­ver­sion). Publié en 1977, soit l’année même de sa mort, c’est l’ouvrage le plus connu d’Anaïs Nin, l’une des pre­mières femmes à s’être adon­née à cette veine. Aussi expli­cite que sug­ges­tive, et donc taillée pour le désir, sa plume scan­da­li­sait d’autant plus qu’elle met­tait l’accent sur la bisexua­li­té fémi­nine. Écrites dans les années 1940, les quinze nou­velles qui forment Vénus Erotica mirent plus de trente ans à être publiées… 

Histoire d’O, de Pauline Réage 

À jamais la pre­mière. Publié en 1954, frap­pé par la cen­sure jusqu’en 1975, Histoire d’O marque l’incursion d’une plume fémi­nine dans une contrée jusqu’alors mas­cu­line : l’érotisme sado­ma­so. Le roman raconte la sou­mis­sion volon­taire d’une femme sexuel­le­ment libé­rée, « O », et met en scène les rituels jusqu’aux sévices sexuels cen­sés ser­vir une concep­tion mys­tique de l’amour. Ce qui cho­qua, c’était qu’une femme écrive cela. Elle dut d’ailleurs se cacher sous un pseu­do : Pauline Réage était en réa­li­té Dominique Aury (1907−1998), pre­mière femme à jouer un rôle d’influence aux édi­tions Gallimard. 

La Pharmacienne, d’Esparbec

Mort en 2020 à 87 ans, Esparbec (de son vrai nom Georges Pailler) signa plus d’une cen­taine de romans éro­tiques, pour la plu­part car­ré­ment por­no­gra­phiques, et notam­ment La Pharmacienne (2003), La Foire aux cochons (2004), Frotti-​frotta (2011) ou encore Le Fruit défen­du (2015) à LaMusardine. « Il y a de bons polars, de bons bou­quins de SF, pour­quoi pas de bons por­nos ? Pourquoi la por­no­gra­phie devrait-​elle être lais­sée à des écri­vains de second ordre ? Pourquoi la vouer aux pou­belles de la lit­té­ra­ture, aux sex-​shops ? » déclara-​t-​il. La Pharmacienne, son livre le plus connu, mixe ­vau­de­ville châ­tié et lan­gage cru. 

La Femme de papier, de Françoise Rey

Plus de trente ans après sa sor­tie (en 1989), le pre­mier livre de Françoise Rey, deve­nue depuis une réfé­rence de la lit­té­ra­ture éro­tique fran­çaise, n’a rien per­du de son aura sub­ver­sive. Une addi­tion de scènes por­nos assez hal­lu­ci­nantes, qui racontent une liai­son amou­reuse et maso­chiste, à côté de laquelle Cinquante nuances de Grey res­semble à une bluette. La femme est tel­le­ment maî­tresse de son corps que son amant devient son sujet, lui qui veut faire de sa maî­tresse un « dic­tion­naire de l’amour ». C’est aus­si par sa palette lexi­cale, hyper cha­toyante, que Rey ren­verse les codes d’une lit­té­ra­ture éro­tique qu’elle fait féministe.

Le Complexe d’Icare, d’Erica Jong

Née en 1942, la New-​Yorkaise a tou­jours été une figure de la lutte fémi­niste dans les milieux artis­tiques et intel­lec­tuels amé­ri­cains. D’inspiration auto­bio­gra­phique, Le Complexe d’Icare fut son pre­mier livre publié (en 1973, tra­duit en 1976 chez Robert Laffont). Il s’est ven­du à 20 mil­lions d’exemplaires et a été tra­duit en qua­rante langues. C’est l’histoire d’une femme qui délaisse son mari et raconte ses actes et rêve­ries éro­tiques avec un autre homme. Il popu­la­ri­sa la zipless fuck (la baise sans pré­li­mi­naires et sans sen­ti­ments), par la cru­di­té de sa prose qui déton­nait déjà, et n’a jamais ces­sé depuis. 

Tropique du Cancer , d’Henry Miller

Le roman décrit la vie et les plai­sirs d’un Américain exi­lé à Paris. Un homme qui veut deve­nir « écri­vain du vice » et qui écrit expli­ci­te­ment : récit lit­té­raire, auto­bio­gra­phique et amo­ral, Tropique du Cancer fut publié en France en 1934 et dut attendre 1961 pour l’être aux États-​Unis. Après une série de pro­cès pour obs­cé­ni­té, la Cour suprême cas­sa les juge­ments pré­cé­dents en 1964. Affirmant la valeur lit­té­raire d’une œuvre, celle d’Henry Miller, qui avait acquis la notoriété. 

Le Goût du bai­ser, de Camille Emmanuelle

La jour­na­liste et édi­trice, bien connue des lec­trices de Causette, offrait en 2019 un roman éro­tique… pour ados. Un défi peu évident, qu’elle rele­vait avec brio et péda­go­gie. On suit Aurore, 16 ans, qui perd le goût et l’odorat après une chute à vélo. De peur que cela lui coûte une baisse de sa libi­do, elle décide d’accélérer son ini­tia­tion au sexe et à la sen­sua­li­té. Jouant avec les sens qui lui res­tent, elle se réap­pro­prie ain­si son corps. Écrivant cru mais jamais cucul, dans un style direct et joyeux, Camille Emmanuelle par­vient aus­si à défier les cli­chés (l’injonction à la fel­la­tion) et les tabous (la masturbation). 

Emmanuelle, de Marayat Andriane (alias Emmanuelle Arsan)

Parce qu’il fait tou­jours bon relire un clas­sique du ciné­ma… dont on a oublié qu’il est avant tout un roman. Publié en 1959 (chez Éric Losfeld), il avait tout de suite été inter­dit de publi­ci­té, avant de res­sor­tir en 1968. L’histoire est en bonne par­tie auto­bio­gra­phique : une jeune fille de 16 ans épouse un diplo­mate fran­çais, qu’elle suit à Bangkok, où elle mul­ti­plie les amants et les amantes. Mais gardons-​nous de limi­ter ce clas­sique aux fau­teuils en osier et aux adap­ta­tions plus ou moins ridi­cules. Il s’agit aus­si d’un récit sur le poly­amour, sur la jouis­sance soixante-​huitarde,
et d’une écri­ture certes datée, mais réfléchie. 

La Philosophie dans le bou­doir, de Sade

C’est le moins sca­to, et sur­tout le moins miso­gyne, des livres du mar­quis de Sade. On y suit Eugénie, 15 ans, qui va être édu­quée aux plai­sirs de la chair par quelques adultes. Ce, dans un « bou­doir », cette petite pièce qui, dans les châ­teaux, est située entre la chambre (où l’on couche) et le salon (où l’on cause). Écrite entre les murs de la Bastille, publiée en 1795, cette ode à la liber­té et au liber­ti­nage est truf­fée de dis­cours phi­lo­so­phiques, de pas­sages contre le cler­gé, la monar­chie, et même du fameux texte inti­tu­lé Français, encore un effort si vous vou­lez être répu­bli­cains. 

Thérèse et Isabelle, de Violette Leduc

Écrit en 1954, publié sous forme cen­su­rée en 1966, puis inté­gra­le­ment en 2000, ce roman est, comme la quasi-​totalité de ceux de Violette Leduc (1907−1972), une auto­fic­tion. Dans le pen­sion­nat d’un col­lège, deux ado­les­centes découvrent la pas­sion phy­sique durant trois nuits : Thérèse et Isabelle reste le livre le plus connu d’une autrice, mi-​marginale mi-​mondaine, long­temps éprise de Simone de Beauvoir (qui la pro­té­geait) et qui excel­lait dans la des­crip­tion crue mais poé­tique des amours et sen­sua­li­tés lesbiennes.

Partager
Articles liés

Inverted wid­get

Turn on the "Inverted back­ground" option for any wid­get, to get an alter­na­tive sty­ling like this.

Accent wid­get

Turn on the "Accent back­ground" option for any wid­get, to get an alter­na­tive sty­ling like this.