Au programme de ce mois de février, De sel et fumée, d'Agathe Saint-Maur, La vengeance m'appartient, de Marie NDiaye et Les fugitives. Partir ou mourir en Arabie saoudite, d'Hélène Coutard.
De sel et de fumée, d'Agathe Saint-Maur
Il y a celles et ceux qui vivent d’amour et d’eau fraîche, et celles et ceux qui vivent « de sel et de fumée ». Question d’énergie. Une caractéristique qui ne manque ni à ce premier roman, ni à ses deux protagonistes majeurs : Samuel et Lucas. Nous sommes ici en 2013, la loi Taubira se heurte à La Manif pour tous, pour qui la communauté gay est une cible. Lucas s’y heurte souvent, qui milite à Action antifasciste Paris-banlieue (groupe médiatisé lors de l’affaire Clément Méric). Samuel, lui, est d’une gauche qui vote mais ne s’engage pas. Les deux étudient à Sciences Po. Ils vont se rencontrer, se désirer, s’aimer. Mais quelque chose s’est passé, et Lucas est mort. Subtil, le récit alterne, entre des chapitres au passé – récent –, où le survivant se souvient (les discussions, les engueulades), et des chapitres sur le deuil toujours impossible. Il est question d’engagement, mais aussi de deux femmes que chacun des garçons aimait aussi. Avant. Aussi rageur qu’émouvant, ce premier roman rappelle ceux de Cyril Collard, il y a trente ans. Pourtant, Agathe Saint-Maur (pseudo) n’en a que 26. Et signe là un grand roman d’amour. H.A.
La vengeance m'appartient, de Marie NDiaye
Dans nombre de ses onze romans, la lauréate du Goncourt 2009 a mis en scène des protagonistes qui croisaient des fantômes de leur passé. Comme eux, l’héroïne de ce nouveau livre, Me Susane, se demande pourquoi elle croit reconnaître ce Gilles Principaux, qui, dès la première page, vient lui demander de défendre son épouse, laquelle vient de commettre… un triple infanticide. Et pourquoi il l’a choisie, elle, avocate peu expérimentée, célibataire qui s’occupe parfois de la fille de son ex-boyfriend ? Là où beaucoup auraient troussé une histoire qui révèle la clé de l’affaire, Marie NDiaye fait l’inverse : elle zoome sur les rapports sans cesse asymétriques entre les personnages. Pour mieux nous montrer l’horrible de cette histoire – qu’il vous appartiendra de voir –, par une écriture aussi belle que précise et incisive. H.A.
Les fugitives. Partir ou mourir en Arabie saoudite, d'Hélène Coutard .
Il y a Julia, qui a couru jusqu’au poste de police de Roissy le jour de son voyage de noces pour échapper à son mari de quarante ans son aîné. Il y a Sara et Munira, deux sœurs qui ont embarqué dans un avion vers Tbilissi avant de regagner la France, au péril de leur vie. Il y a Selma et Reda, un couple d’amoureux trop libéraux pour s’aimer librement qui décident de s’exfiltrer vers le Canada. Il y a Robin, jeune lesbienne, qui vit dans la rue en Grande-Bretagne, mais préférerait mourir que de regagner son pays. Hélène Coutard, journaliste à Society a rencontré ces femmes saoudiennes qui, pour échapper aux mariages forcés, à l’interdiction de conduire ou à l’impossibilité de marcher dans la rue sans un tuteur, n’ont d’autre choix que de tout quitter du jour au lendemain. Une enquête passionnante, très humaine, et qui se lit comme un roman. S.G.