Dans son livre passionnant publié mi-septembre aux éditions Les Arènes, la journaliste Annabelle Hirsch explore de manière originale l’histoire des femmes à travers cent objets. Causette vous propose de découvrir comment le bidet, l’épingle à chapeau, le battoir ou encore le téléphone ont pu jouer un rôle dans l’émancipation des femmes.
Que peuvent bien avoir en commun un bidet, une épingle à chapeau, un battoir et une planchette de spiritisme ? À priori rien du tout. Mais en creusant un peu, tous ces objets ont participé chacun à leur manière à l’histoire des femmes. Ces quatre objets – et quatre-vingt-seize autres – font partie du livre passionnant, Cent objets racontent une histoire des femmes, de la journaliste franco-allemande Annabelle Hirsch, publié mi-septembre aux éditions Les Arènes.
D’un os humain préhistorique à la première pilule contraceptive, en passant par la bague en diamant de Kim Kardashian, Annabelle Hirsch raconte avec humour des siècles d’histoire féminine. On y retrouve de nombreux objets du quotidien, aujourd’hui un peu désuets, et d’autres totalement inconnus au bataillon. Ils ne commémorent rien de particulier. Ils ne sont témoins d’aucune victoire militaire, aucun évènement historique, et pourtant, ils sont, chacun à leur manière, les marqueurs de l’émancipation des femmes, de la lutte pour leurs droits, et aussi, de leur audace. Ces objets n'appartiennent qu'à la petite histoire, à l’histoire intime. Mais parce que justement, l’intime est toujours politique, Causette vous propose d’en découvrir six.
Une poche de vêtement
Imaginez un monde où les poches des vêtements pour femmes seraient aussi grandes et pratiques que celles des vêtements pour hommes. Ça vous semble impensable ? C’est normal, selon une étude publiée en 2021, en moyenne les poches avant des jeans pour femmes sont aujourd'hui 48 % plus courtes et 6,5 % plus étroites que celles des hommes. Il fut pourtant un temps où hommes et femmes étaient logé·es à la même enseigne. À l’époque médiévale, par exemple, chacun·e transportait ses effets personnels dans une petite poche, attachée à sa taille, sous ses vêtements. L’ancêtre de la banane en somme.
C’est à la fin du XVIIe siècle que les poches prennent leur quartier, de façon permanente, dans les manteaux, les gilets et les pantalons. Mais cette libération de mouvement ne concerne que les hommes. Les femmes, elles, doivent toujours se contenter de petites pochettes plates à nouer autour de la taille. "La nuit, beaucoup d’entre elles glissaient ces pochettes sous leur oreiller. C’était leur cassette à trésor, une sorte de coffre-fort", souligne Annabelle Hirsch dans son livre. Et attention, ces pochettes ne devaient pas être trop pleines. Véritable baromètre de la vertu d’une femme, une pochette pleine signifiait des mœurs douteuses.
Puis, la mode féminine évolue, les vêtements se resserrent pour épouser davantage le corps des femmes. Les pochettes sont alors de trop, c’est à cette époque qu’on voit apparaître le sac à main. Encore moins pratique que la pochette.
La question de la poche devient alors une véritable lutte politique. Au point qu’aux yeux des suffragettes, les poches pour femmes étaient quasi aussi importantes que le droit de vote. Au tournant du XIXe siècle, le New York Times relayait leur revendication : « maintenant que nous sommes civilisés, nous avons besoin de poches,(…) le sexe féminin ne peut rivaliser s’il n’a pas de poches ». On est en 1908. Si plus d’un siècle plus tard, les femmes ont fini par obtenir le droit de vote, l’égalité entre les poches est, hélas, toujours un fantasme.
Un bidet
Aujourd’hui boudé, il fut un temps, pas si lointain, où chaque salle de bain française possédait son bidet. Apparu en France à l’orée du XVIIᵉ siècle, l'objet est destiné à laver ses parties intimes. Et c’était d’ailleurs le seul moyen de se laver. Car si aujourd’hui Versailles est synonyme de luxe, de dorures et de volupté, sous le règne de Louis XIV, le château ne rimait pas vraiment avec propreté. Parce qu’on craignait que l’eau communique des maladies, on se lavait peu, pour ainsi dire, jamais. Mais[…]