Une vie de moche, de Cécile Guillard et François Bégaudeau
Guylaine est une petite fille joyeuse, qui aime jouer dans la plus grande insouciance avec son meilleur copain, Gilles. Ses parents l’aiment beaucoup, et elle ne se doute de rien. Surtout pas qu’elle est une petite fille laide. Elle l’apprendra, brusquement, le jour où d’autres enfants le lui balancent à la figure. « On veut bien jouer avec toi, Gilles, mais pas avec “la moche”. »
La moche, c’est elle, donc. Toute sa vie, Guylaine se traînera ce fardeau. Comment planquer ce physique ingrat ? Comment vivre alors qu’on a qu’une envie : se planquer chez soi, les volets fermés, pour ne pas imposer au monde hostile sa laideur ? Comment respirer quand les autres ne vous regardent pas tant vous n’existez pas socialement, quand vous avez l’audace de déroger aux critères de beauté classiques ? Eh bien Guylaine finit par trouver, seule, sa voie à elle. Par s’arranger avec sa réalité. Et par s’émanciper pleinement dans la force de l’âge.
C’est ce chemin que raconte Une vie de moche, scénarisée par François Bégaudeau, qui signe là un récit très profond sur un sujet rarement abordé et qu’il embrasse pleinement, sans édulcorer son propos. Le trait vif et délicat de Cécile Guillard, dont c’est le premier album, donne vie à cette bouleversante Guylaine.
Une vie de moche, de Cécile Guillard et François Bégaudeau. Éd. Marabulles, 208 pages, 25 euros. Sortie le 18 septembre.
Mamas. Petit Précis de déconstruction de l’instinct maternel, de Lili Sohn
Vous connaissez peut-être la très sympathique Lili Sohn, pour sa série de BD en trois tomes La Guerre des tétons dans laquelle elle racontait (avec humour, quelle politesse du désespoir !) son combat contre le cancer, diagnostiqué à 29 ans. Quelques années plus tard, elle sortait Vagin Tonic, son Petit Guide décontracté de la foufoune. La voilà qui poursuit aujourd’hui ses réflexions féministes en dessins dans Mamas. Petit Précis de déconstruction de l’instinct maternel. Car, entre-temps, Lili Sohn est devenue mère. Ce qui ne manque pas de l’interroger. Comme à son habitude, elle mêle son expérience intime aux témoignages de ses congénères et à ses recherches historiques, sociologiques et philosophiques. Où l’on croise Simone de Beauvoir, Élisabeth Badinter, Françoise Héritier, mais aussi Jean-Jacques Rousseau, Aristote et Platon. On fait même un détour par la préhistoire et l’Égypte antique. Le tout, sans se prendre au sérieux. Aussi instructif que rigolo.
Mamas. Petit Précis de déconstruction de l’instinct maternel, de Lili Sohn. Éd. Casterman, 296 pages, 20 euros. Sortie le 11 septembre.
Putain de vies !, de Muriel Douru
Parce qu’il existe autant de situations que de travailleurs du sexe (TDS), les associations Médecins du monde et Paloma, qui agissent au plus près des TDS depuis des années, ont souhaité mettre en dessins et en mots, et loin des clichés, les parcours de vie des femmes et des hommes qu’elles rencontrent tous les jours sur le terrain. C’est la dessinatrice Muriel Douru qui a pris la plume pour nous transmettre les récits de celles et ceux qu’elle a croisé·es
pendant les maraudes : Vanessa, mère de famille nombreuse et TDS ; Amelia, victime d’un mariage forcé obligée de fuir sa belle famille violente au Nigeria ; Mei, passée des rizières chinoises aux trottoirs de Belleville ; Giorgia, femme trans venue de Bogota ; Laurianne, escort girl qui a toujours adoré le sexe ; ou encore Louis, qui reçoit ses clients à domicile. Une série de portraits intimistes qui finit par faire émerger un trait commun : la force de vie et le courage hors normes des travailleurs du sexe.
Putain de vies !, de Muriel Douru. Éd. La Boîte à bulles, 212 pages, 24 euros.