La recom­man­da­tion lec­ture de Sophia Aram : "Le Plongeon", de Séverine Vidal et Victor L. Pinel

Chaque mois, un auteur, une autrice, que Causette aime, nous confie l’un de ses coups de cœur littéraires. 

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© Geoffroy de Boismenu

"N’ayant pas une vraie culture BD et aucun pen­chant pour les his­toires d’Ehpad – je ne dois pas être la seule dans ce cas –, il y avait peu de risques que je tombe sur Le Plongeon, de Séverine Vidal et Victor L. Pinel, si ce n’est d’avoir eu la chance de connaître la coau­trice et d’avoir par­ta­gé un pro­jet d’écriture radio­pho­nique avec elle. C’est une his­toire de vieux, enfin, de vieille qui dégrin­gole, un peu comme nous tous. Sauf qu’elle le sait. Elle doit quit­ter sa mai­son, sa vie, renon­cer et puis par­tir, rejoindre l’Ehpad des Mimosas pour être prise en charge. 

On ne sait pas tou­jours dire pour­quoi une his­toire vous touche et après tout, on s’en fout un peu du pour­quoi. C’est une somme de détails, de jus­tesse des dia­logues, de sim­pli­ci­té du des­sin. Je ne sais pas non plus vous dire à quel moment j’ai écra­sé ma pre­mière larme. C’est idiot, je sais. Comme sa mai­son, le corps d’Yvonne a encore de beaux volumes, même s’il fau­drait pré­voir quelques travaux. 

Et si on par­lait un peu d’une femme de 80 balais ? À com­men­cer par ­mon­trer son corps. Comprendre ses envies, ses peurs, ses aspi­ra­tions, ses com­bats. Sa force aus­si. Sa capa­ci­té à résis­ter à tout et avant tout à l’infantilisation des vieux. Yvonne plonge, et ce plon­geon fait par­tie de la vie. On a tous un peu com­men­cé à plon­ger. Il faut pas­ser cette angoisse, arrê­ter de ne pas voir. Car quel que soit votre âge, vous ver­rez que vous fini­rez par vous dire que c’est pour bientôt. 

Yvonne a le temps d’être drôle, mélan­co­lique, heu­reuse aus­si. Elle a le temps de se faire belle pour son petit-​fils, Tom, qui, lui, n’a pas tou­jours le temps. D’autres perdent la boule. Ils font par­tie de la vie d’Yvonne. Le col­lec­tif se crée. Vivre ensemble. Vieillir ensemble, encore. S’aimer aus­si. Être vieux, c’est vivre encore. Je ne sais plus à quel moment j’ai pleu­ré, mais je sais pour­quoi. Ce livre donne à voir ce long plon­geon que nous avons tous déjà enta­mé, même si nous ne sommes pas tous au même moment du parcours. 

On n’a peut-​être pas la chance d’avoir une grand-​mère comme Yvonne, mais une chose est chouette, c’est de com­men­cer à pen­ser à cette vieille ou à ce vieux que l’on veut deve­nir. On veut être celle qui place « ÉJACULE » en mot compte triple au Scrabble, on veut ­mou­ler une bite à l’atelier pote­rie et on veut orga­ni­ser des boums avec nos copains vieux dans notre chambre parce que, après tout, si on ne le fait pas à 80 ans, quand le fera-​t-​on ? Après avoir refer­mé Le Plongeon, je sais au moins que quand je serai vieille, j’aimerais être au moins la moi­tié d’une Yvonne !"

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Le Plongeon, de Séverine Vidal et Victor L. Pinel. Éd. Bamboo/​Coll. Grand angle, 80 pages, 17,90 euros. 


En librai­rie : La ques­tion qui tue de Sophia Aram

Le matin, sur France Inter, elle nous réveille avec son humour et son humeur, en épin­glant avec talent les ­tra­vers de ses contem­po­rains. Dans son pre­mier livre, La ques­tion qui tue, Sophia Aram raconte l’envers du décor, ce qui arrive en off, dans la soli­tude des réseaux sociaux et des dîners mon­dains. Ces com­men­taires mal pla­cés que les Américains ­nomment « micro-​agressions » et dont la récur­rence finit par pro­vo­quer l’usure et la colère. Quelques exemples : « À la radio, on n’entend pas que tu es maro­caine ! », ou encore : « Tu viens de Trappes, t’as du shit ? » Parfois, la bonne réplique sur­vient d’elle-même, ce jour-​là, Sophia Aram aura l’audace de répondre : « Tu viens de Boulogne, t’as un plan pute ? » Mais la plu­part du temps, ces « piche­nettes » lan­cées sans méchan­ce­té n’appellent pas vrai­ment de réponse. Pourtant, elles heurtent, et de plus en plus avec le temps. Peut-​on se reven­di­quer micro-​victime ? Entre ques­tion­ne­ments ­sin­cères, déso­la­tion et éclats de rire, Sophia Aram signe un livre à son image. Et ça réveille. L.M.

La ques­tion qui tue. Perfidies ordi­naires, mal­adresses et autres micro-​agressions, de Sophia Aram. Éd. Denoël, 176 pages, 14 euros.

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