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©Nick Fewings

"Débrouille-​toi avec ton vio­leur", d’Infernus Iohannes, "Questions brû­lantes", de Margaret Atwood… nos pépites lec­tures du mois d'octobre

Ce mois-​ci, on vous pro­pose six lec­tures idéales pour pas­ser l'automne.

Débrouille-​toi avec ton vio­leur, d’Infernus Iohannes

Attention OLNI ! Cet objet lit­té­raire non iden­ti­fié est signé d’un nom incon­nu : Infernus Iohannes. Levons le voile illi­co : il s’agit du nou­veau nom de plume d’Antoine Volodine, écri­vain qui varie les pseu­do­nymes et hété­ro­nymes (Volodine, Elli Kronauer, Manuela Draeger, Lutz Bassmann) pour abor­der plus libre­ment des genres lit­té­raires très dif­fé­rents. L’entité Iohannes signe ce Débrouille-​toi avec ton vio­leur, pré­sen­té comme un recueil de témoi­gnages de trois femmes, de pays et de cultures dif­fé­rentes. Il est ques­tion de la bes­tia­li­té de l’acte de péné­tra­tion entre un homme et une femme, et de la pré­da­tion mas­cu­line comme cou­tume occi­den­tale. Une somme d’insurrections tex­tuelles, au croi­se­ment du mani­feste, du cri poli­tique et de l’expérimentation littéraire. 

Débrouille-​toi avec ton vio­leur, d’Infernus Iohannes. Éditions de L’Olivier, 256 pages, 19 euros. Sortie le 7 octobre.

GPS, de Lucie Rico

« Jouer avec le public comme le chat avec la sou­ris » : cette phrase de Hitchcock semble gui­der la voie roma­nesque de Lucie Rico. Un an après Le Chant du pou­let sous vide, une irré­sis­tible satire éco­lo­gique, elle revient avec un thril­ler psy­cho­lo­gique encore plus noir et jouis­sif : GPS. On y suit le fil men­tal d’Ariane, qui vit cloî­trée chez elle pour évi­ter son anxié­té sociale. Jusqu’au jour où Sandrine, sa meilleure (et seule) amie, lui demande d’être sa témoin de mariage, joi­gnant un lien GPS pour la loca­li­ser sur une carte. Plus tard, alors que la fête de fian­çailles bat son plein, Sandrine dis­pa­raît. Ariane s’en remet au point rouge du GPS pour suivre, espère-​t-​elle, la fuite de son amie. Mais ce point rouge est-​il vrai­ment Sandrine ou un tueur qui trim­balle son cadavre ? Une blague des­ti­née à sor­tir Ariane de chez elle, ou peut-​être une pure pro­jec­tion men­tale ? Et si le point rouge était le seul être qu’Ariane aimait vrai­ment, pos­sé­dait plei­ne­ment ? Dans une ten­sion qui monte cres­cen­do entre illu­sions d’optique et psy­chose, Lucie Rico déploie une carte aux inter­pré­ta­tions mul­tiples. Un iti­né­raire aux mille che­mins qui nous mènent tous au même ter­mi­nus : le som­met de nos délires contem­po­rains. Une pure pépite. 

GPS, de Lucie Rico. P.O.L, 224 pages, 19euros. 

Les Couleurs, d’Amandine Hamet

Attendrissement, rire jaune et colère noire. Dans Les Couleurs, Amandine Hamet raconte son quo­ti­dien de prof de fran­çais en « classes de pauvres », appe­lées « UPE2A ENSA ». Ces « uni­tés péda­go­giques » accueillent des migrant·es mineur·es non fran­co­phones qui n’ont, pour la plu­part, pas de loge­ment pérenne. Il y a Mouss, qui a vu la mort sur son canot de sau­ve­tage ; Ixi, 12 ans, qui semble en avoir 8 tant elle est recro­que­villée sur elle-​même. Parmi ces « petites per­sonnes abî­mées », la prof se défi­nit comme une « majeure non accom­pa­gnée ». Car com­ment exer­cer son métier, gérer les émo­tions de ces enfants dont elle ne sait rien, qui peuvent s’envoler du jour au len­de­main ? Comment défendre leur sort auprès d’une admi­nis­tra­tion aveugle ? Dans ce récit vivant et inci­sif, Amandine Hamet nous fait entendre la révolte étouf­fée sous les acro­nymes et la langue de bois. 

Les Couleurs, d’Amandine Hamet. Les Avrils, 224 pages, 20 euros.

Questions brû­lantes, de Margaret Atwood

Comme chaque automne ou presque, la Canadienne sera citée par­mi les favo­rites pour le prix Nobel de lit­té­ra­ture, et nous ver­rons bien si Atwood rejoint au tableau d’honneur Alice Munro et Doris Lessing, sur les­quelles nous trou­vons d’ailleurs ici deux textes élo­gieux. Questions brû­lantes est le troi­sième recueil d’articles, tri­bunes et autres essais écrits par l’autrice ces soixante der­nières années. Rédigés entre 2004 et 2021, ils portent sur des ques­tions lit­té­raires (l’adaptation télé de La Servante écar­late, quelques tri­bunes et pré­faces sur des écrivain·es actuel·les ou passé·es), ou sur des pro­blé­ma­tiques plus uni­ver­selles : le 11-​Septembre, Obama, la crise finan­cière, les pre­mières années Trump, le Covid et le mou­ve­ment #MeToo. On s’en doute : c’est sur les enjeux de féminisme(s), de place des femmes dans l’Histoire, ou encore sur les ques­tions envi­ron­ne­men­tales, que ces textes sont le plus atten­dus. Et on est servi·e : outre sa tri­bune contro­ver­sée de jan­vier 2018 (« Suis-​je une mau­vaise fémi­niste ? »), où elle met­tait en garde les jeunes fémi­nistes contre des dérives de « sor­cières », on trou­ve­ra ici quelques com­po­si­tions vibrantes qui, sur ce thème comme en toute chose, ont un but iden­tique à celui de ses fic­tions : étu­dier les bases d’un « monde nou­veau » – l’expression revient très sou­vent ici. Pour ses fans, mais pas seulement. 

Questions brû­lantes, de Margaret Atwood, tra­duit de l’anglais (Canada) par M. Albaret-​Maatsch, O. Demange, V. Leÿs-​Legoupil, R. Morin, I. Delord-​Philippe. Robert Laffont,
480 pages, 22,90 euros. Sortie le 13 octobre.

Supermarché, de José Falero

En ce mois d’élection pré­si­den­tielle au Brésil et de duel Lula/​Bolsonaro, c’est le moment par­fait pour décou­vrir ce pre­mier roman péta­ra­dant. Direction Porto Alegre, où Pedro et Marques, deux jeunes gars des fave­las, sont rayon­nistes dans un grand super­mar­ché. Le pre­mier est poli­ti­sé et révol­té, le second est pati­bu­laire, les deux veulent sor­tir de leur humi­liante condi­tion sociale. Voilà que Pedro trouve LE truc, LE plan sûr : depuis des années, seules les drogues dures se vendent dans ces fave­las, il faut donc relan­cer le deal d’herbe. Après tout, ils connaissent tout le monde. C’est par­ti pour une fic­tion assez unique : quelque part entre la guerre des gangs, la série B et l’antimanuel d’économie. Bâti sur un sérieux pro­pos socio­lo­gique, Supermarché est dopé par un argot et un humour hyper sti­mu­lants, avec une sacrée ruse et beau­coup de ten­dresse. Un plan parfait.

Supermarché, de José Falero, tra­duit du bré­si­lien par Hubert Tézénas. Métailié, 336 pages, 22 euros

L’été où tout a fon­du, de Tiffany McDaniel,

Révélée par le sub­ju­guant Betty, en 2020, l’Américaine Tiffany McDaniel revient avec un roman déjà publié en France en 2019 mais qui n’avait pas connu le suc­cès méri­té. Le voi­là repu­blié, en cette ren­trée, dans une nou­velle tra­duc­tion. Et cela valait le coup de s’y prendre à deux fois. Nous voi­ci donc en 1985, dans la petite ville (fic­tive) de Breathed, Ohio. Procureur, han­té par la lutte entre le bien et le mal, Autopsy Bliss veut voir le diable par lui-​même. Alors, il le pro­voque : par une petite annonce dans le jour­nal, il l’invite à Breathed. Le len­de­main, un gar­çon noir se pré­sente, pré­ten­dant être le diable. Dès lors, tout change pour le pire : les tem­pé­ra­tures montent, les actes de racisme et d’homophobie se mul­ti­plient, les acci­dents aus­si. Ce roman est une double lame : un por­trait de l’Amérique pro­fonde au moment où le sida devint une épi­dé­mie et une allé­go­rie sur le démon que nous avons tous en nous.

L’été où tout a fon­du, de Tiffany McDaniel, tra­duit de l’anglais (États-​Unis) par François Happe. Gallmeister, 480 pages, 25,60 euros

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