Une enfance violente avec La Réparation de Nina Bunjevac, le drôle de quotidien d'une jeune fille californienne avec Imperturbable, de Miranda Tacchia et un conte fantastique sur les conséquences du dérèglement climatique avec Pizzly de Jérémie Moreau.
![Bande dessinée : qu'est-ce qu'on lit en ce début octobre ? 1 Screenshot 2022 10 06 08.51.16](https://www.causette.fr/wp-content/uploads/2022/10/Screenshot-2022-10-06-08.51.16.jpg)
Autrice canadienne d’origine serbe, Nina Bunjevac s’était déjà retournée sur son passé dans Fatherland (Ici-Même, 2014) en exhibant de la guerre en ex-Yougoslavie la figure traumatisante d’un père terroriste nationaliste. Elle se livre encore plus intimement avec La Réparation. Publié dans la collection « 25 images » de l’éditeur
Martin de Halleux, cet album en reprend la contrainte de style : un récit court, sans paroles, dans la lignée du travail de l’illustrateur belge Frans Masereel (1889−1972).
Bunjevac s’empare magistralement de l’exercice et recourt à de bouleversantes trouvailles graphiques pour revenir sur des violences subies pendant l’enfance. Une
goutte d’encre versée par sa plume suffit pour faire de la feuille blanche une machine
à remonter le temps. Et c’est de sa propre main qu’elle va littéralement arracher de
la page la petite fille maltraitée qu’elle fut autrefois, pour sécher ses larmes et l’apaiser. Un récit gigogne à la poésie poignante, où le regard rebondit d’un écho à l’autre.
Tout aussi silencieux mais à l’insouciante légèreté, Imperturbable, de Miranda Tacchia, constitue une sorte d’album photo du quotidien d’une jeune fille des années 2020, entre déceptions et épanouissements. Armée d’une boîte de feutres, d’une pile de Post-it et d’un humour contemporain piquant et sans tabous, l’autrice californienne dessine un éloge du mème à travers ces multiples visages aux expressions figées pourtant si éloquentes. Dans ce grand zapping de la physionomie, ses talents d’animatrice pour de nombreux studios (Disney, Nickelodeon, etc.) permettent à l’épaisseur ou à l’orientation d’un sourcil de faire toute la différence.
Son éditeur américain (Fantagraphics, pilier de la BD indépendante) la compare à Phoebe Waller-Bridge, la créatrice de la série télévisée Fleabag : souhaitons-lui le
même succès !
![Bande dessinée : qu'est-ce qu'on lit en ce début octobre ? 2 Imperturbable extrait 01](https://www.causette.fr/wp-content/uploads/2022/10/Imperturbable_extrait_01-1024x370.jpg)
Mais aussi : trouver le nirvana en Alaska
![Bande dessinée : qu'est-ce qu'on lit en ce début octobre ? 3 9782413040811 001 X](https://www.causette.fr/wp-content/uploads/2022/10/9782413040811-001-X-777x1024.jpeg)
« Pizzly » : le mot sonne fantastique, comme pour désigner un petit monstre tout droit sorti d’un cartoon du samedi matin. L’animal qui se cache derrière est pourtant bien réel : mélange d’ours polaire et de grizzly, cette nouvelle espèce est une conséquence du réchauffement climatique et de la migration vers le sud des ours blancs. Les pizzlys s’observent notamment en Alaska, là où Nathan, un chauffeur VTC parisien en bout de course, vient de débarquer avec son frère et sa sœur à l’invitation d’une cliente rencontrée lors d’un trajet mouvementé. Désorientés dans ce nouveau monde, ces trois orphelins vont progressivement comprendre qu’eux aussi doivent se métamorphoser pour survivre dans cette nature changeante. Jérémie Moreau (La Saga de Grimr) poursuit son œuvre fascinante, nourrie de questionnements métaphysiques sur l’humanité et son futur. Son style graphique évolue encore, avec des couleurs très vives qui fusionnent habilement les mythologies amérindiennes et les références pop de ses jeunes héros urbains.
La Réparation, de Nina Bunjevac. Martin de Halleux, 32 pages, 19,90 euros. Sortie le 6 octobre.
Imperturbable, de Miranda Tacchia-Cambourakis, 200 pages, 18 euros. Sortie le 5 octobre.
Les Pizzlys, de Jérémie Moreau, Delcourt/Mirages, 200 pages, 29,95 euros. Sortie le 5 octobre.