La philosophe féministe Manon Garcia publie ce 6 octobre un essai stimulant sur le consentement pour distinguer accord et choix, concession et envie.
Où est la frontière entre sexe et viol ? La réponse semble évidente : là où se situe le consentement. Mais il suffit de se pencher sur trois situations dans lesquelles une femme initie volontairement un rapport (et y consent donc a priori) pour voir que ce n’est pas si simple. Premier cas : une nuit de sexe demandée à égalité par deux personnes dans une excitation commune. Deuxième cas : un rapport pour lequel une femme « se motive » dans l’idée de témoigner ainsi son amour à un partenaire. Troisième cas : un rapport qu’elle déclenche parce qu’elle anticipe les représailles de son conjoint et veut la paix. Entre le premier et le troisième exemple, souligne Manon Garcia, docteure en philosophie féministe et professeure à l’université de Yale, on s’éloigne progressivement du consentement et on se rapproche du viol. Alors, un rapport n’est-il consenti que si on se tord d’envie ? Quid des cas de « négociation avec soi-même » ? La philosophe décline ces questions avec une minutie de mathématicienne.
Pour distinguer accord et choix, concession et envie, elle sort l’artillerie lourde (et parfois ardue) : les classiques de philo (Kant, le harm principle de Stuart Mill…), les textes de théorie féministe (Linda Alcoff, Robin West…), ceux du BDSM (qui posent par exemple la question : quelle est la limite des contrats de soumission librement signés comme dans 50 Nuances de Grey ?) et moult cas concrets (à quoi tient notre libre arbitre quand on est conditionnée aux logiques du patriarcat, qui nous donnent parfois l’impression d’être obligée de coucher ? Comment vivre dans cette ambiguïté et ce risque permanent d’expériences banalement traumatisantes quand on est une femme ?). On en ressort avec l’idée qu’il est nécessaire d’affiner ses « projets sexuels » (la manière dont on veut offrir et recevoir du sexe) comme on réfléchirait à son projet de vie et de tout faire pour « muscler » nos ressentis, afin de toujours pouvoir (et vouloir) capter celui des autres. C’est ce que Manon Garcia nomme la « conversation ». Équation la plus importante qui soit, sur laquelle les dominants doivent urgemment plancher.
![Avec "La conversation des sexes", Manon Garcia nous invite au dialogue pour sortir du conditionnement 2 9782080242365](https://www.causette.fr/wp-content/uploads/2021/10/9782080242365.jpg)
La conversation des sexes. Philosophie
du consentement, de Manon Garcia. Éd. Flammarion, 300 pages, 19 euros. Sortie le 6 octobre.