Alors que de nombreuses manifestations citoyennes sont réprimées brutalement en France, Un pays qui se tient sage propose d’interroger la place de la police dans une démocratie. Rencontre avec David Dufresne, son réalisateur.
![« Un pays qui se tient sage », radioscopie des violences policières 2 David Dufresne 1 copyright Patrice Normand HD A](https://www.causette.fr/wp-content/uploads/2020/10/David_Dufresne_1-copyright-Patrice-Normand-HD-A.jpg)
Causette : Vous avez déjà beaucoup traité des violences policières en France. D’abord en tant que lanceur d’alerte, Allo@Place_Beauvau, puis en tant qu’écrivain, Dernière Sommation. Pourquoi un film, à présent ?
David Dufresne : Le film me permet de compléter ma démarche. Les signalements factuels d’Allo@Place_Beauvau, sur Twitter, provoquent le débat ; mon roman le raconte de façon intime ; et Un pays qui se tient sage le nourrit puisque l’enjeu, ici, est d’analyser et même de décortiquer ces vidéos accumulées au fil des mois.
Du coup, ce n’est pas forcément le brûlot
auquel on aurait pu s’attendre ?
D. D. : Non, c’est un film de réflexion avant tout, parce que je reste convaincu de la nécessité d’un débat. C’est aussi pour ça que j’ai choisi le cinéma : un film se regarde collectivement et appelle à la discussion. De fait, plus que jamais, nous avons besoin de débattre de la question de la police, de son rôle, de sa place dans la société. La police, c’est le bras armé du pouvoir, ça nous concerne au premier chef. On doit pouvoir discuter de sa doctrine, de son armement. Comme on doit pouvoir discuter de la violence d’État. Aujourd’hui, tous les pays sont confrontés aux violences policières. Pour les démocraties, c’est devenu un enjeu crucial.
Vos images sont très fortes. D’où viennent-elles ?
D. D. : D’un côté, il y a les images dures, prises sur le vif, des manifestations et, de l’autre, des images posées, filmées après coup, qui donnent à voir et à entendre une parole articulée. Les images brutes, bien sûr, ce sont les vidéos que j’ai archivées depuis deux ans sur mon fil Twitter. Les mettre sur grand écran, pour moi, était important, un vrai geste cinématographique. J’avais tout rangé. On a donc retrouvé 95 % des auteurs et tout le monde a été crédité et payé. C’est la moindre des choses. C’est aussi un hommage à tous ces gens qui ont levé leur téléphone et filmé.
Les commentaires de vos intervenant·es sont puissants. Mais vous ne déclinez leur identité et leur profession qu’à la fin du film. Parlez-nous de ce dispositif…
D. D. : J’ai voulu gommer les statuts pour deux raisons. D’abord, c’est une façon d’éviter de dire aux spectateurs : lui, vous allez l’écouter parce que c’est un avocat, elle, parce que c’est une philosophe. Tout le monde est mis au même niveau, qu’il et elle soit cariste, assistante sociale ou sociologue. Et puis cela permet à chacun de jouer avec ses propres préjugés.
On comprend assez vite, quand même,
qu’il y a deux policiers parmi eux…
D. D. : Et un général de gendarmerie ! Les deux policiers sont membres d’un syndicat, Alliance pour l’un et Synergie-Officiers pour l’autre. C’est important qu’ils soient là : le film ne livre pas seulement la bataille des images, il livre aussi celle du récit. Mais je tiens à souligner leur courage. Certes, ces policiers parlent pour défendre leurs collègues, mais en tout cas ils ont accepté de parler. Les autorités, les institutions, elles, ont refusé. C’est le cabinet de Christophe Castaner, alors ministre de l’Intérieur, qui a tout bloqué.
Voir la bande annonce du film
![« Un pays qui se tient sage », radioscopie des violences policières 3 UN PAYS DATE A](https://www.causette.fr/wp-content/uploads/2020/10/UN-PAYS-DATE-A.jpg)
Un pays qui se tient sage,
de David Dufresne. En salles.