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Smoke Saune Sisterhood / Les Alchimistes

"Smoke Sauna Sisterhood", "Vampire huma­niste cherche sui­ci­daire consen­tant", "Laissez-​moi" : les sor­ties ciné de la semaine

Des femmes de tous âges se mettent à nu dans un sau­na en Estonie, une jeune vam­pire refuse de mordre dans une ban­lieue du Québec, une quin­qua mys­té­rieuse s’envoie en l’air dans les Alpes suisses : voi­ci les sor­ties ciné du mer­cre­di 20 mars.

Smoke Sauna Sisterhood

Elles se mettent à nu, au sens propre comme au sens figu­ré, et l’on n’est pas près de les oublier ! Lauréat du prix de la mise en scène au pres­ti­gieux fes­ti­val de Sundance, le pre­mier long-​métrage d’Anna Hints nous immerge dans l’intimité des sau­nas tra­di­tion­nels d’Estonie. Où les femmes s’y racontent comme jamais dans la fumée des pierres brû­lantes. Où cette docu­men­ta­riste a su cap­ter la condi­tion fémi­nine dans toute sa véri­té. Un moment rare de ciné­ma, à la fois doux et puis­sant, bouleversant.

Le fait qu’elle ait fil­mé durant sept ans les conver­sa­tions de ces femmes de tous âges, par­fois ses amies, par­fois des incon­nues, par­ti­cipe pour beau­coup, sans doute, de cette force pro­fonde, irré­sis­tible. Mais le cadre de son récit est éga­le­ment magné­tique : son sau­na en bois est niché dans une forêt au milieu de nulle part. Ajoutez à cela de mys­té­rieux rituels chan­tés çà et là, entre deux échanges, et vous aurez une petite idée de la direc­tion sur­na­tu­relle, voire sacrée, qu’emprunte par­fois son film.

Rien de pesant ni de mystico-​bizarre pour autant. Ce qui pré­vaut, ici, c’est cette cir­cu­la­tion for­mi­dable de la parole, qui rebon­dit de sou­ve­nirs rieurs en sou­ve­nirs trau­ma­ti­sants ou poi­gnants, et l’atmosphère gal­va­ni­sante de beau­té et de res­pect qui l’accompagne. De fait, dans l’espace téné­breux du sau­na, la lumière ne filtre qu’à tra­vers une petite fenêtre ou quelques inter­stices entre deux planches. Ambiance douce, tami­sée, cha­leu­reuse. Par ailleurs, Anna Hints prend soin de ne fil­mer ces corps nus, offerts, confiants, que par mor­ceaux (un sein, un ventre, une épaule), pri­vi­lé­giant donc à la fois la proxi­mi­té et l’anonymat. Une approche qui témoigne autant de sa déli­ca­tesse que de sa jus­tesse. Parce qu’ainsi ces corps fémi­nins ne sont jamais sexua­li­sés, pre­mier bon point. Et parce que ce fil­mage dif­fé­rent, déto­nant, nous incite à écou­ter encore davan­tage les confi­dences de ces femmes. Bien joué ! Telle la fumée qui les couvre par vagues, un sen­ti­ment de soro­ri­té pro­fonde (le “sis­te­rhood” du titre, en anglais) se dif­fuse peu à peu… et nous enve­loppe tout à fait.

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Smoke Sauna Sisterhood, d’Anna Hints. © Les Alchimistes
Vampire huma­niste cherche sui­ci­daire consentant

Les jeunes réa­li­sa­trices qué­bé­coises sont épa­tantes, qui n’hésitent pas dès leur pre­mier long-​métrage à ravi­ver les cou­leurs un peu fati­guées de la comé­die roman­tique en leur injec­tant une bonne dose de macabre ! Ariane Louis-​Seize (oui, oui, c’est son vrai nom) nous pro­pose rien de moins, en effet, que de nous bala­der au côté de Sasha, une jeune vam­pire nan­tie d’un sérieux pro­blème : elle est trop huma­niste pour mordre. Autant dire que sa sur­vie est mena­cée, d’autant que ses parents exas­pé­rés finissent par lui cou­per les vivres (à savoir des poches de sang frais non­cha­lam­ment englou­ties à la paille !). Heureusement, Sasha fait la ren­contre de Paul, un ado­les­cent soli­taire aux com­por­te­ments sui­ci­daires qui consent à lui offrir sa vie. Le tan­dem s’embarque alors dans une ultime épo­pée nocturne… 

Salué au Festival du film fan­tas­tique de Gérardmer, Vampire huma­niste cherche sui­ci­daire consen­tant (quel titre !) se situe au car­re­four mali­cieux de plu­sieurs registres : le récit d’apprentissage, façon teen movie, le film de vam­pires, dans le sillon admi­ra­tif de Only Lovers Left Alive, de Jim Jarmusch, et l’humour noir, bur­lesque, pince-​sans-​rire. Quand bien même le scé­na­rio semble un peu léger, voire assez vola­tile après-​coup, on suit volon­tiers la quête de Sasha et Paul. D’abord parce que rien n’est plus jubi­la­toire que des per­son­nages qui sont drôles sans le faire exprès (à part peut-​être l’ironie fleg­ma­tique des Anglais, mais on n’en est pas très loin). Et ensuite parce que l’univers visuel créé par Ariane Louis-​Seize et Shawn Pavlin, son direc­teur pho­to, est joli­ment mélan­co­lique, donc assez envoû­tant. Incidemment, ce drôle de “petit” film sonde une vraie grande ques­tion, celle du consen­te­ment. Cela aus­si bien du côté de Paul, sui­ci­daire consen­tant donc, que de Sasha, qui n’a de cesse d’affirmer sa dif­fé­rence sans par­ve­nir à se faire entendre ni res­pec­ter par sa com­mu­nau­té vam­pi­rique… Voilà un film mor­dant, décidément !

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Vampire huma­niste cherche sui­ci­daire consen­tant, d’Ariane Louis-​Seize. © Wayna Pitch
Laissez-​moi

Il est des scé­na­rios qui attirent, comme il est des actrices qui enflamment. Le pre­mier long-​métrage de Maxime Rappaz cumule les deux. Un bon début, à tout point de vue ! Voyez l’intrigue, qui nous entraîne dans les pas mys­té­rieux de Claudine, la cin­quan­taine élé­gante. Chaque mar­di, cette brune brû­lante se rend dans un hôtel de mon­tagne, en talons hauts, lunettes noires et trench cin­tré, pour y fré­quen­ter des hommes de pas­sage. Un rituel dis­cret, aus­si sen­suel que fur­tif… Jusqu’au jour où l’un d’entre eux décide de pro­lon­ger son séjour, bou­le­ver­sant son quo­ti­dien métho­di­que­ment cloisonné.

Nul hasard si Claudine s’envoie au 7e ciel non loin d’un immense bar­rage, sym­bole mani­feste de sa vie entre deux mondes (son vil­lage se situe dans la val­lée), deux rôles (mère sacri­fi­cielle d’un fils han­di­ca­pé quand elle est en bas, amante énig­ma­tique quand elle est en haut) et deux âges (le temps qu’il lui reste à vivre est désor­mais plus court que celui qu’elle a vécu) ! Et nul hasard, non plus, si on a envie de la suivre tout au long de ses excur­sions aléa­toires. D’abord parce qu’elle est joli­ment ser­vie par la réa­li­sa­tion de Maxime Rappaz, qui pri­vi­lé­gie comme elle l’allure et l’épure (réfé­rences à Hitchcock et Edward Hopper à l’appui). Et ensuite, sur­tout, parce qu’elle est incar­née par l’irrésistible Jeanne Balibar. Avec sa voix suave, son regard mélan­co­lique et sa démarche féline, elle donne un relief for­mi­dable à cette Claudine en quête (tar­dive) d’émancipation. Grâce à elle, le film atteint des sommets !

LAISSEZ MOI 40 BD
Laissez-​moi, de Maxime Rappaz. © Eurozoom
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