thumbnail IMG 1912
© Clément Boutin

On s’est ren­du à l’avant-première du nou­veau “Mean Girls” : alors, tou­jours aus­si culte et fémi­niste le teen-movie ?

Vingt ans après la sor­tie du pre­mier Mean Girls (Lolita mal­gré moi, en fran­çais), une relec­ture moderne et musi­cale du film vient de sor­tir en salles. On a pas­sé au crash-​test fémi­niste cette comé­die, légère en appa­rence, mais qui se révèle bien plus com­plexe. Et inter­ro­gé ses fans pour com­prendre son impor­tance, encore aujourd’hui, dans la pop culture. 

Devant la façade entiè­re­ment éclai­rée de rose du Grand Rex, dans le 2arron­dis­se­ment de Paris, plu­sieurs dizaines de per­sonnes ont bra­vé le froid et la neige ce lun­di soir. Affublées de bérets, col­lants et man­teaux assor­tis à la cou­leur de cette salle de ciné­ma mythique, toutes attendent de décou­vrir l’adaptation en comé­die musi­cale du cultis­sime Mean Girls (Lolita mal­gré moi, dans sa ver­sion fran­çaise). Sorti en France en 2005, ce long-​métrage met en vedette l’ex-star ado­les­cente Lindsay Lohan dans le rôle de Cady Heron, une lycéenne pau­mée qui débarque pour la pre­mière fois dans un éta­blis­se­ment amé­ri­cain, après avoir pas­sé sa vie à l’étranger. Elle se retrouve face à un trio de pestes, “Les Plastiques”, mené par la sour­noise Regina George, inter­pré­tée par Rachel McAdams. Sous ses airs de comé­die légère, le film, signé par l’humoriste amé­ri­caine Tina Fey, se révèle fina­le­ment plus com­plexe et s’avère, pour l’époque, plu­tôt avant-​gardiste puisqu’il traite notam­ment du culte de l’apparence, des injonc­tions subies par les ado­les­centes et du dif­fi­cile amour de soi. 

Son impor­tance, en tout cas, est réelle dans la pop culture. Au point que cer­taines de ses phrases (“Le mer­cre­di, on porte du rose”) ou de ses scènes (la cho­ré­gra­phie de mères Noël sexys sur la chan­son Jingle Bell Rock) l’irriguent encore aujourd’hui. Et fait même se dépla­cer de nombreux·euses fans, de tous les âges, un soir gla­cial à Paris. “Je crois que je l’ai regar­dé une fois par an, au moins, pour ne pas dire deux, depuis sa sor­tie, nous raconte Margot, 25 ans, devant le Grand Rex. Je suis une grande fan. Je me suis beau­coup iden­ti­fiée au per­son­nage prin­ci­pal, au fonc­tion­ne­ment du lycée. Mais plus j’ai gran­di, plus j’ai com­pris le mes­sage du film qui dénonce le culte des apparences.”

C’est aus­si long­temps après l’avoir vu pour la pre­mière fois, avec du recul, que Pauline, 30 ans, a remar­qué qu’il met­tait en lumière des pro­blé­ma­tiques socié­tales. “Comme le besoin d’hyperféminiser cer­tains aspects de sa per­son­na­li­té pour s’intégrer, de devoir chan­ger pour être accep­tée… C’est un film léger, mais qui porte des mes­sages”, nous détaille-​t-​elle. Yamélie, 23 ans, a aus­si appré­cié le trai­te­ment que fait Mean Girls des filles popu­laires : “On observe qu’elles sont des pestes, mais qu’elles subissent aus­si cer­taines choses dans notre socié­té. Bref, que rien n’est simple.” 

Une simple copie ?

Dans la salle du Grand Rex, qua­si pleine, des pots de pop-​corn sont dépo­sés sur chaque siège et des gin-​tonics sans alcool attendent les spectateur·rices du par­terre. Des drag queens, dont une poi­gnée de l’émission Drag Race France, attendent éga­le­ment de décou­vrir la ver­sion musi­cale de Mean Girls. Quatre d’entre elles appa­raissent d’ailleurs dans une courte vidéo dif­fu­sée avant la pro­jec­tion, où elles repro­duisent la fameuse cho­ré­gra­phie en mères Noël. Cookie Kunty, qui se déhanche dans ce court clip, sou­ligne à quel point le groupe des losers du film per­met­tait de “repré­sen­ter les per­sonnes reje­tées par le reste de la socié­té”. Et à cer­taines de s’identifier. “Il y avait même un per­son­nage gay, ce qui était assez nova­teur à l’époque, se souvient-​elle. J’attends de voir si cette nou­velle ver­sion est sim­ple­ment une actua­li­sa­tion du scé­na­rio ou si de nou­velles idées vont être ame­nées, de nou­velles repré­sen­ta­tions ou une nou­velle morale !”

Après un autre inter­mède musi­cal, assu­ré par la chan­teuse Alizée venue inter­pré­ter son tube Moi… Lolita, en clin d’œil au titre fran­çais de la comé­die, il est jus­te­ment temps de décou­vrir ce que vaut cette mou­ture 2024 de Mean Girls. Premier constat, il s’agit d’une adap­ta­tion ultra fidèle, au mot près, de la ver­sion ori­gi­nale, les chan­sons en plus. Rien de sur­pre­nant, Tina Fey est de retour pour signer l’adaptation et réap­pa­raît dedans. Quelques scènes ont dis­pa­ru pour lais­ser de la place aux chan­sons et de nou­velles ont cepen­dant été ajou­tées. Comme celle (atten­tion spoi­ler !) d’une appa­rente récon­ci­lia­tion entre les deux anta­go­nistes à la fin du film, au cours de laquelle Regina George concède qu’elle doit chan­ger car elle est méchante et que les gens la traitent de “garce” (bitch en anglais), inci­tant éga­le­ment Cady à s’affirmer et à ne pas s’excuser pour les choses qui ne la concernent pas. 

Parmi les quelques chan­ge­ments notables, Damian Hubbard, le per­son­nage gay du trio de losers, semble éga­le­ment plus déve­lop­pé et récolte un copain lors de la scène de bal du lycée. Janis, dont le les­bia­nisme est sup­po­sé tout au long de la ver­sion de 2005 (avant qu’elle ne se retrouve avec un gar­çon), est une les­bienne assu­mée dans celle de 2024. Le cas­ting est moins blanc : Damian est cam­pé par un comé­dien afro-​américain, Janis par une comé­dienne hawaïenne, et Karen Shetty, l’une des Plastiques, par une actrice d’origine indienne.

Les idées et mes­sages fémi­nistes de cette nou­velle ver­sion se noient cepen­dant très vite dans les inter­mèdes musi­caux. Certaines chan­sons sur la décou­verte ou l’acceptation de soi abusent de miè­vre­rie, quand d’autres qui se vou­draient une réap­pro­pria­tion du slut-​shaming n’ont pas un mes­sage si clair et effi­cace que ça. Certaines vannes ten­tant de dénon­cer la dic­ta­ture de la min­ceur, se vautrent fina­le­ment dans la gros­so­pho­bie. Bref, le Mean Girls moderne, s’il repré­sente avec plus d’acuité la socié­té actuelle et porte tou­jours cer­tains mes­sages fémi­nistes, semble aus­si plus poli­cé et fina­le­ment moins nova­teur que celui de 2005. La mean girl que nous avons tous et toutes en nous passe tout de même un bon moment devant ce diver­tis­se­ment éclairé.

Partager
Articles liés

Inverted wid­get

Turn on the "Inverted back­ground" option for any wid­get, to get an alter­na­tive sty­ling like this.

Accent wid­get

Turn on the "Accent back­ground" option for any wid­get, to get an alter­na­tive sty­ling like this.