Bernadette Chirac, féministe ? Bien moins potiche qu’ont voulu croire ces messieurs de la politique et des médias, la Bernie ? C’est le pari de la réalisatrice du film Bernadette, Léa Domenach. Interview.
Causette : Pourquoi et comment en vient-on à choisir Bernadette Chirac comme héroïne de son premier film de fiction ?
Léa Domenach : En fait, j’ai grandi avec elle ! J’avais 12 ans quand son mari est arrivé au pouvoir. Et comme mon père, Nicolas Domenach, est un journaliste politique et qu’il a beaucoup écrit sur Jacques Chirac, j’avais l’impression de les connaître ! Bon, étant de gauche et féministe, c’est sûr que je n’avais pas une bonne image d’elle au départ. Conservatrice, acariâtre, ringarde… Sans doute à cause des Guignols de l’info, que j’ai beaucoup regardés et qui étaient quand même ultra misogynes ! Et puis, un jour, je suis tombée sur le documentaire Bernadette Chirac, mémoire d’une femme libre. Réalisé par Anne Barrère, qui avait été sa conseillère en communication des années auparavant, il raconte l’histoire d’une revanche. L’histoire d’une femme qui, en gros, décide de mettre un coup de pied dans la fourmilière. Tout à coup, quelque chose m’a parlé à travers elle, quelque chose d’universel, par-delà les générations. De fait, Bernadette Chirac avait 80 ans au moment de ce tournage, et j’ai été surprise par son humour et sa liberté de parole. Très loin de l’idée que je m’en faisais !
Causette : Anne Barrère ayant été sa conseillère en communication, vous ne vous êtes pas dit que ce documentaire pouvait éventuellement, un peu, beaucoup, réécrire l’histoire afin de redorer son image ?
L. D. : Bah non, parce que j’ai travaillé après l’avoir regardé [rires] ! C’est vrai qu’Anne Barrère aime beaucoup Bernadette Chirac, mais c’est aussi vrai que lorsqu’elle la filme, il n’y a plus, alors, d’enjeux politiques. Donc, j’ai voulu creuser là-dessus. Et en lisant les livres qui lui étaient consacrés, en regardant les images d’archives aussi, j’ai compris, par-delà les moqueries et les caricatures de l’époque, pourquoi elle avait pu sembler aigrie. Elle appartient à une génération de femmes, issues d’un milieu privilégié, qui ont dû arrêter de bosser alors qu’elles avaient fait les mêmes études que leurs maris. En l’occurrence, Sciences Po pour Bernadette…
Pourquoi avoir opté pour le ton et le rythme de la comédie, enlevée et éminemment sympathique ?
L. D. : Parce que je voulais rire non pas d’elle, mais avec elle. Beaucoup de dialogues sont vraiment d’elle, vous savez !
Vous n’avez pas eu peur que l’on vous reproche une trop grande indulgence vis-à-vis de cette femme de pouvoir… malgré tout ?
L. D. : En fait… non ! Je suis tellement à mille lieues de la pensée politique de Chirac que cela ne m’a pas effleuré l’esprit. Bernadette, ma Bernadette, est une héroïne de fiction. Or, il fallait la filmer avec empathie pour que ça marche. Et puis, surtout, mon film n’est pas du tout politique. Enfin si, il l’est parce qu’il est féministe, mais il ne l’est pas au sens de “politique politicienne”.
Précisément, en quoi Bernadette Chirac, ex-Chodron de Courcel et parfois désignée comme la “dame aux pièces jaunes”, est-elle ou a‑t-elle été féministe selon vous ?
L. D. : Elle ne l’était pas au départ, mais je pense qu’elle l’est devenue. Pas comme moi, bien sûr, mais ça n’est pas grave, car moi non plus je ne suis pas féministe comme ma mère (Michèle Fitoussi, journaliste et autrice), c’est une question de génération ! Je rappelle quand même que Bernadette Chirac a été la première femme conseillère générale en France… Bon, d’accord, elle ne se revendique pas féministe. En revanche, elle revendique une place pour les femmes, pour leur ambition. Ainsi, elle a énormément poussé sa fille, Claude…
Autre surprise : vous avez choisi Catherine Deneuve pour l’incarner. Pourquoi ?
L. D. : C’est vrai que lorsqu’on l’a contactée, sa réaction a été de nous dire “mon Dieu, quelle drôle d’idée !”. Mais le scénario l’a fait rire et, pour mon plus grand bonheur, elle a décidé de me faire confiance. Forcément, au début, c’était impressionnant vu que c’était mon premier film de fiction. Mais Catherine Deneuve est quelqu’un qui adore les trucs nouveaux !
Votre film est imprégné de culture pop, que ce soit au niveau des couleurs, des costumes, des objets ou des chansons. Entre ces deux références pop – Sous mon sein la grenade et La Revanche d’une blonde –, laquelle choisiriez-vous pour le qualifier in fine ?
L. D. : Sous mon sein la grenade. D’abord parce que c’est plus moderne, et puis il y a un truc plus caché que dans le titre La Revanche d’une blonde. Comme pour Bernadette, qu’on a prise pour une oie blanche, une idiote, parce qu’elle était blonde, jolie, issue d’un milieu conservateur et très favorisé… alors qu’elle s’est révélée bien plus intéressante et intelligente que ça !
Bernadette, de Léa Domenach. Sortie le 4 octobre.