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Catherine Deneuve incarne Bernadette Chirac. © Warner Bros France

“On l’a prise pour une idiote, elle était bien plus inté­res­sante que ça” : Interview de Léa Domenach, réa­li­sa­trice de “Bernadette”

Bernadette Chirac, fémi­niste ? Bien moins potiche qu’ont vou­lu croire ces mes­sieurs de la poli­tique et des médias, la Bernie ? C’est le pari de la réa­li­sa­trice du film Bernadette, Léa Domenach. Interview.

Causette : Pourquoi et com­ment en vient-​on à choi­sir Bernadette Chirac comme héroïne de son pre­mier film de fic­tion ?
Léa Domenach : En fait, j’ai gran­di avec elle ! J’avais 12 ans quand son mari est arri­vé au pou­voir. Et comme mon père, Nicolas Domenach, est un jour­na­liste poli­tique et qu’il a beau­coup écrit sur Jacques Chirac, j’avais l’impression de les connaître ! Bon, étant de gauche et fémi­niste, c’est sûr que je n’avais pas une bonne image d’elle au départ. Conservatrice, aca­riâtre, rin­garde… Sans doute à cause des Guignols de l’info, que j’ai beau­coup regar­dés et qui étaient quand même ultra miso­gynes ! Et puis, un jour, je suis tom­bée sur le docu­men­taire Bernadette Chirac, mémoire d’une femme libre. Réalisé par Anne Barrère, qui avait été sa conseillère en com­mu­ni­ca­tion des années aupa­ra­vant, il raconte l’histoire d’une revanche. L’histoire d’une femme qui, en gros, décide de mettre un coup de pied dans la four­mi­lière. Tout à coup, quelque chose m’a par­lé à tra­vers elle, quelque chose d’universel, par-​delà les géné­ra­tions. De fait, Bernadette Chirac avait 80 ans au moment de ce tour­nage, et j’ai été sur­prise par son humour et sa liber­té de parole. Très loin de l’idée que je m’en faisais !

Causette : Anne Barrère ayant été sa conseillère en com­mu­ni­ca­tion, vous ne vous êtes pas dit que ce docu­men­taire pou­vait éven­tuel­le­ment, un peu, beau­coup, réécrire l’histoire afin de redo­rer son image ?
L. D. : Bah non, parce que j’ai tra­vaillé après l’avoir regar­dé [rires] ! C’est vrai qu’Anne Barrère aime beau­coup Bernadette Chirac, mais c’est aus­si vrai que lorsqu’elle la filme, il n’y a plus, alors, d’enjeux poli­tiques. Donc, j’ai vou­lu creu­ser là-​dessus. Et en lisant les livres qui lui étaient consa­crés, en regar­dant les images d’archives aus­si, j’ai com­pris, par-​delà les moque­ries et les cari­ca­tures de l’époque, pour­quoi elle avait pu sem­bler aigrie. Elle appar­tient à une géné­ra­tion de femmes, issues d’un milieu pri­vi­lé­gié, qui ont dû arrê­ter de bos­ser alors qu’elles avaient fait les mêmes études que leurs maris. En l’occurrence, Sciences Po pour Bernadette…

Pourquoi avoir opté pour le ton et le rythme de la comé­die, enle­vée et émi­nem­ment sym­pa­thique ?
L. D. : Parce que je vou­lais rire non pas d’elle, mais avec elle. Beaucoup de dia­logues sont vrai­ment d’elle, vous savez !

Vous n’avez pas eu peur que l’on vous reproche une trop grande indul­gence vis-​à-​vis de cette femme de pou­voir… mal­gré tout ?
L. D. : En fait… non ! Je suis tel­le­ment à mille lieues de la pen­sée poli­tique de Chirac que cela ne m’a pas effleu­ré l’esprit. Bernadette, ma Bernadette, est une héroïne de fic­tion. Or, il fal­lait la fil­mer avec empa­thie pour que ça marche. Et puis, sur­tout, mon film n’est pas du tout poli­tique. Enfin si, il l’est parce qu’il est fémi­niste, mais il ne l’est pas au sens de “poli­tique politicienne”.

Précisément, en quoi Bernadette Chirac, ex-​Chodron de Courcel et par­fois dési­gnée comme la “dame aux pièces jaunes”, est-​elle ou a‑t-​elle été fémi­niste selon vous ?
L. D. : Elle ne l’était pas au départ, mais je pense qu’elle l’est deve­nue. Pas comme moi, bien sûr, mais ça n’est pas grave, car moi non plus je ne suis pas fémi­niste comme ma mère (Michèle Fitoussi, jour­na­liste et autrice), c’est une ques­tion de géné­ra­tion ! Je rap­pelle quand même que Bernadette Chirac a été la pre­mière femme conseillère géné­rale en France… Bon, d’accord, elle ne se reven­dique pas fémi­niste. En revanche, elle reven­dique une place pour les femmes, pour leur ambi­tion. Ainsi, elle a énor­mé­ment pous­sé sa fille, Claude…

Autre sur­prise : vous avez choi­si Catherine Deneuve pour l’incarner. Pourquoi ?
L. D. : C’est vrai que lorsqu’on l’a contac­tée, sa réac­tion a été de nous dire “mon Dieu, quelle drôle d’idée !”. Mais le scé­na­rio l’a fait rire et, pour mon plus grand bon­heur, elle a déci­dé de me faire confiance. Forcément, au début, c’était impres­sion­nant vu que c’était mon pre­mier film de fic­tion. Mais Catherine Deneuve est quelqu’un qui adore les trucs nouveaux !

Votre film est impré­gné de culture pop, que ce soit au niveau des cou­leurs, des cos­tumes, des objets ou des chan­sons. Entre ces deux réfé­rences pop – Sous mon sein la gre­nade et La Revanche d’une blonde –, laquelle choisiriez-​vous pour le qua­li­fier in fine ?
L. D. : Sous mon sein la gre­nade. D’abord parce que c’est plus moderne, et puis il y a un truc plus caché que dans le titre La Revanche d’une blonde. Comme pour Bernadette, qu’on a prise pour une oie blanche, une idiote, parce qu’elle était blonde, jolie, issue d’un milieu conser­va­teur et très favo­ri­sé… alors qu’elle s’est révé­lée bien plus inté­res­sante et intel­li­gente que ça !

Bernadette, de Léa Domenach. Sortie le 4 octobre.

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