Au programme : une comédie réussie sur la maladie d’Alzheimer et le poignant documentaire d'Aïssa Maïga sur les effets dévastateurs du réchauffement climatique sur un village peul.
"Une vie démente" : maman perd la boule
Peut-on écrire une comédie sur un sujet aussi dur que la maladie d’Alzheimer ? Oui, répondent en chœur Ann Sirot et Raphaël Balboni, les deux jeunes réalisateur et réalisatrice d’Une Vie démente. Et il·elle ont bien raison : leur premier long-métrage, qui associe humour farfelu, esthétique soignée et grande délicatesse, parvient à être profond, touchant et souriant de bout en bout. De l’art du contrepied !
Voyez l’intrigue : ce film belge choisit de suivre le parcours d’Alex et Noémie, un couple de trentenaires qui aimeraient bien mettre un bébé en route. Rien à voir ? Eh si ! Car leurs plans vont être chamboulés par Suzanne, l’élégante et charismatique mère d’Alex, qui semble brusquement perdre les pédales.
Lire aussi : Interview d'Ann Sirot et Raphaël Balboni
Oublis bizarres, dépenses absurdes, visites nocturnes à ses voisins… Suzanne la maman devient peu à peu Suzanne l’enfant. Drôle de parentalité pour Alex et Noémie ! Drôle, Une vie démente l’est d’ailleurs souvent. Notamment lorsque son récit adopte le point de vue de Suzanne, toute à ses « bêtises » tandis que sa belle-fille s’adapte stoïquement et que son fils, lui, panique. Ces divergences génèrent évidemment de nombreux rebondissements (on ne s’ennuie pas une seconde), mais aussi de bonnes questions. Par exemple : faut-il s’arrêter de vivre pour s’occuper de sa mère dépendante ? En clair, Une vie démente est une tragicomédie finement troussée, interprétée et mise en images (l’obsession de la maladie s’incarne de façon très graphique) qui confirme, une fois encore, que l’humour belge est assez… dément d’intelligence.
Une Vie démente, d’Ann Sirot et Raphaël Balboni. Sortie le 10 novembre.
"Marcher sur l'eau" : le prix de l’or bleu
On ne l’attendait pas forcément là. Certes, Aïssa Maïga, actrice engagée, a souvent fait montre d’une conscience affûtée. Mais découvrir qu’elle est aussi, sans crier gare, une documentariste accomplie reste la bonne surprise du mois. Tourné dans le nord du Niger entre 2018 et 2020, Marcher sur l’eau raconte concrètement les effets dévastateurs du réchauffement climatique sur un village peul et le combat de ce dernier pour la construction d’un forage (la région recouvre un lac aquifère dans son sous-sol).
Adoptant le point de vue d’Houlaye, une adolescente qui marche chaque jour pendant des heures pour aller puiser cette eau si rare, ce premier film saisit d’emblée par son sens du cadre. Pourtant, s’il impressionne durablement, c’est d’abord parce qu’il ne verse jamais dans le misérabilisme, quand bien même cette pénurie d’eau a des conséquences dramatiques sur la vie des villageois. Une question de regard, évidemment. Ainsi, lorsqu’Aïssa Maïga montre une poignée de mères parties chercher par-delà les frontières de quoi assurer la survie de leur famille et contraintes de laisser leurs enfants livrés à eux-mêmes pendant de longues semaines, elle le fait sobrement. Sans larmes, sans bruit, sans violons… et c’est poignant. Par ailleurs, elle n’oublie pas de nous donner à voir l’élan magnifique de cette communauté pour obtenir le forage, de même qu’elle prend le temps de nous faire découvrir la richesse des personnalités qui la composent. Doux et dur à la fois, mais toujours aimant, Marcher sur l’eau a l’intelligence, au fond, de privilégier l’humain aux grands discours. Son message n’en est que plus puissant.
Marcher sur l’eau, d’Aïssa Maïga. Sortie le 10 novembre.