UVD still 1 cerdit Arizona Distribution A

"Une vie démente", une comé­die réus­sie sur la mala­die d'Alzheimer

Peut-​on écrire une comé­die sur un sujet aus­si dur que la mala­die d’Alzheimer ? Oui, répondent en chœur Ann Sirot et Raphaël Balboni, les deux réa­li­sa­teurs franco-​belges d’Une Vie démente. Ils ont rai­son : leur pre­mier long métrage, qui asso­cie fan­tai­sie, beau­té visuelle et grande déli­ca­tesse, fait sou­rire autant qu’il émeut. Rencontre avec ce duo détonant…

Une vie démente traite de la mala­die d’Alzheimer, un sujet rare­ment abor­dé au ciné­ma autre­ment que par le biais du docu­men­taire. Pourquoi avoir choi­si la voie de la fic­tion ?
Ann Sirot : Parce que ça n’était pos­sible que comme ça. Déjà, nous n’avions pas du tout l’intention de faire un film auto­bio­gra­phique, même s’il a été pro­pul­sé par une expé­rience per­son­nelle. Et puis sur­tout, nous ne vou­lions pas qu’Une vie démente soit un film spé­ci­fi­que­ment axé sur la mala­die, mais plus une réflexion sur com­ment embras­ser cette pro­blé­ma­tique, et celle de l’existence, sans s’y noyer. C’est la rai­son pour laquelle nous nous sommes atta­chés à racon­ter le tra­jet d’Alex et Noémie, le fils et la belle-​fille de Suzanne, tout autant que celui de cette femme cha­ris­ma­tique qui adopte un com­por­te­ment de plus en plus far­fe­lu…
Raphaël Balboni : Il faut aus­si ajou­ter que c’est la fic­tion qui nous convient le mieux. Nous nous sommes essayés une fois au docu­men­taire, et cela ne nous cor­res­pond pas.

On ne s’attend pas, non plus, à plon­ger dans un uni­vers qui conjugue fan­tai­sie, humour et émo­tion. Pourquoi ce registre si spé­ci­fique – et si jubi­la­toire – de la tra­gi­co­mé­die ?
A.S. : Eh bien, on a fait ce film jus­te­ment pour atteindre ce ton !
R.B. : Oui, la plu­part des films qui traitent de la mala­die sont très tra­giques, mais nous, on ne se retrou­vait pas du tout là-​dedans…
A.S. : On vou­lait rendre jus­tice à ce que l’on avait vécu. Cette expé­rience nous a ame­nés dans des endroits très vibrants.
R.B. : Le fait d’avoir à assu­mer cette situa­tion rela­ti­ve­ment jeunes, à la tren­taine comme Alex et Noémie dans le film, a aus­si joué. C’est peu habi­tuel à cet âge-​là. Nous n’avions pas de mode d’emploi, du coup, par­fois pris de court, nous avons beau­coup ri pen­dant cette période qui nous sem­blait absurde et déca­lée. Il en est res­sor­ti une envie de racon­ter les choses autre­ment, proche de notre réa­li­té, y com­pris dans le fait que l’on pou­vait rire.

Tous vos comé­diens sont d’un natu­rel épous­tou­flant, en par­ti­cu­lier Jo Deseure, Jean Le Peltier et Lucie Debay dans les rôles prin­ci­paux. Votre méthode de tra­vail est très inha­bi­tuelle, racontez-​nous…
R.B. : Nos répé­ti­tions sont fil­mées. Sur ce film, elles se sont éta­lées sur 19 jours, pen­dant un an et demi. Lorsque les comé­diens arrivent, les répliques ne sont pas fixées. Ann et moi, nous avons la trame com­plète en tête, nous savons où nous allons, mais on laisse les comé­diens impro­vi­ser en fonc­tion des situa­tions. Le soir, on visionne, puis l’on réécrit… et l’on fait ça sur chaque scène. En fait, c’est la pré­pa­ra­tion du tour­nage qui nous aide à trou­ver ce côté natu­rel. Disons que ces répé­ti­tions fil­mées nous servent de maquette. Pendant le tour­nage, les comé­diens comme l’équipe tech­nique, ont une marge de manœuvre, une liber­té, mais ils sont éga­le­ment impré­gnés de la mémoire de ces répé­ti­tions.
A.S. : Oui, il y a aus­si des choses magiques qui peuvent arri­ver sur le tournage !

Ce qui est éga­le­ment frap­pant dans votre film, c’est l’empathie et la bien­veillance qui s’en dégagent. Personne ne juge ni n’est jugé, quelle que soit l’attitude adop­tée face à la mala­die…
A.S. : Il était impor­tant, pour nous, de mon­trer la com­plexi­té des situa­tions. Donc on vou­lait que le public soit en empa­thie avec tous les per­son­nages. Pour ce faire, on a orga­ni­sé des petites pro­jos tests, pen­dant le tour­nage, avec des connais­sances. Après la pro­jo, on débat­tait du film pen­dant 3 heures avec eux autour d’un repas, c’était très sym­pa ! Bref, ce qui est appa­ru très vite, c’est la dif­fi­cul­té pour cer­tains d’entrer en empa­thie avec Noémie, la belle-​fille de Suzanne. De fait, elle aime sa belle-​mère mais ne veut pas sacri­fier sa vie de couple, et même sa vie tout court, pour autant. Or la socié­té juge plus dure­ment les femmes, on le sait. Il était donc impor­tant qu’on l’accepte et qu’on la res­pecte dans ses choix. C’était même capi­tal car le film endosse son point de vue. Heureusement, Lucie Debay, qui l’interprète, nous a beau­coup aidés…

Le ciné­ma compte quelques duos fameux de réa­li­sa­teurs, sou­vent consti­tués de frères (les Dardenne ou les Coen), mais peu de couples comme vous. Ça se passe com­ment, concrè­te­ment ?
R.B. : On fait tout à deux, on se com­plète bien. Ann est plus scé­na­riste, et moi davan­tage mon­teur. En fait, il y a un jeu de ping-​pong entre nous tout le long, et de confiance. En dehors de ce film, on a quand même fait 8 courts métrages ensemble !
A.S. : C’est un dia­logue per­ma­nent. Vous remar­que­rez qu’il n’y a jamais de per­son­nage prin­ci­pal dans nos films. Ainsi, dans Une vie démente, ils sont trois à avoir une place pri­mor­diale. Je pense que ce côté poly­pho­nique vient du fait que l’on tra­vaille à deux…

Bande annonce

Une vie démente, de Ann Sirot et Raphaël Balboni. Sortie en salle le 10 novembre.

Vous êtes arrivé.e à la fin de la page, c’est que Causette vous passionne !

Aidez nous à accom­pa­gner les com­bats qui vous animent, en fai­sant un don pour que nous conti­nuions une presse libre et indépendante.

Faites un don
Partager

Cet article vous a plu ? Et si vous vous abonniez ?

Chaque jour, nous explorons l’actualité pour vous apporter des expertises et des clés d’analyse. Notre mission est de vous proposer une information de qualité, engagée sur les sujets qui vous tiennent à cœur (féminismes, droits des femmes, justice sociale, écologie...), dans des formats multiples : reportages inédits, enquêtes exclusives, témoignages percutants, débats d’idées… 
Pour profiter de l’intégralité de nos contenus et faire vivre la presse engagée, abonnez-vous dès maintenant !  

 

Une autre manière de nous soutenir…. le don !

Afin de continuer à vous offrir un journalisme indépendant et de qualité, votre soutien financier nous permet de continuer à enquêter, à démêler et à interroger.
C’est aussi une grande aide pour le développement de notre transition digitale.
Chaque contribution, qu'elle soit grande ou petite, est précieuse. Vous pouvez soutenir Causette.fr en donnant à partir de 1 € .

Articles liés