muriel robin choque sur le plateau de quelle epoque en evoquant l homophobie du milieu du cinema
Muriel Robin sur le plateau de "Quelle époque", le 16 septembre, sur France 2 ©Capture d'écran France 2

Muriel Robin dénonce l'homophobie dans le ciné­ma : « C'est un moment média­tique rare et impor­tant », estime Iris Brey

Autrice et cri­tique de ciné­ma, Iris Brey est spé­cia­liste des repré­sen­ta­tions de genre et des sexua­li­tés à l’écran. Pour Causette, elle revient sur la récente sor­tie de Muriel Robin, qui a dénon­cé haut et fort, sur le pla­teau de Quelle Époque, l'homophobie qu'elle a subi durant sa carrière.

Causette : Quelle a été votre réac­tion face à la prise de parole de Muriel Robin sur le pla­teau de Quelle Époque ?
Iris Brey : J’ai été très émue. Je dois dire que j’ai même pleu­ré en l’entendant. Il est très rare d’entendre ce genre de véri­té. J’ai trou­vé Muriel Robin très cou­ra­geuse, parce qu’elle a por­té un mes­sage qui convo­quait son inti­mi­té et sa vie per­son­nelle et, à la fois, elle l’a pla­cé dans un sys­tème patriar­cal qu’elle dénonce. C’est un moment média­tique impor­tant, qui est rare et qui raconte tout un sys­tème qui conti­nue de broyer les femmes. Et j’ai été tout autant émue par son dis­cours que sur­prise de la réac­tion de Léa Salamé qui a l’air de décou­vrir la réa­li­té de l’homophobie en France.

Lorsque Muriel Robin affirme qu’il n’y a pas de comédien·ne ouver­te­ment homosexuel·le qui ait fait de grande car­rière au ciné­ma, en France comme à l’étranger, est-​elle dans le vrai ?
I. B. : Oui. Il existe évi­dem­ment des comé­diennes les­biennes. Mais des comé­diennes les­biennes qui soient ban­kable ou connues du grand public, ça n’existe pas.

Dans cette séquence, on voit, vous l’avez dit, Léa Salamé tom­ber des nues face au dis­cours de Muriel Robin. On voit éga­le­ment Pierre Arditi qui semble un peu exas­pé­ré, il souffle, puis rebon­dit ensuite en met­tant cette invi­si­bi­li­té les­bienne sur le compte du « manque d’imagination du ciné­ma fran­çais ». Selon vous, qu’est-ce que ces réac­tions nous racontent ?
I. B. : Elles racontent que la norme n’est jamais inter­ro­gée ! On n’interroge pas le fait que la majo­ri­té des images qui nous entourent sont incar­nées par des actrices ou des acteurs pré­ten­du­ment hété­ro­sexuels, dans des récits hété­ro­nor­més. La réac­tion de Léa Salamé montre une prise de conscience, mais c’est un peu éton­nant de la part d’une per­sonne qui anime la mati­nale [de France Inter, ndlr] depuis plu­sieurs années, qui reçoit régu­liè­re­ment des femmes et qui est au cou­rant des vio­lences qu’elles peuvent vivre. Et je pense que l’attitude de Pierre Arditi tra­duit aus­si une cer­taine exas­pé­ra­tion des hommes qui en ont marre qu’on dise que nous vivons dans un sys­tème patriarcal.

Selon vous, les comédien·nes homosexuel·les qui sont en posi­tion de pou­voir ou qui ont une assise solide dans l’industrie du ciné­ma doivent-​ils prendre le risque de s’outer pour faire évo­luer les choses ? Est-​ce aus­si de leur res­pon­sa­bi­li­té ?
I. B. : C’est une ques­tion extrê­me­ment com­pli­quée, car cha­cun fait ce qu’il peut. Tous nos récits ne sont pas les mêmes. Et on ne sait pas ce qu’il se passe dans leur inti­mi­té ni ce que révé­ler leur homo­sexua­li­té pour­rait avoir comme consé­quences. Donc c’est très com­pli­qué de dire aux gens ce qu’il faut faire. Après, évi­dem­ment, cer­tains sont tel­le­ment ado­rés des Français, ils n’ont aucun pro­blème à jouer dans des gros films ou à avoir des contrats avec des marques de luxe, et on peut pen­ser que, s’ils par­laient de leur homo­sexua­li­té, ça pour­rait pro­vo­quer un chan­ge­ment socié­tal. Mais c’est com­pli­qué de par­ler de res­pon­sa­bi­li­té. Même si oui, il y a une poi­gnée d’acteurs qui pour­rait sans doute faire bou­ger les choses.

Justement, la prise de parole de Muriel Robin peut-​elle faire bou­ger les choses ? Et si oui, com­ment ?
I. B. : Elle fait déjà chan­ger les choses, car elle incarne à quel point ce sys­tème est dévas­ta­teur et peut bri­ser les gens. D’ailleurs, je trouve inté­res­sant qu’au même moment, il y ait aus­si ce docu­men­taire d’Emmanuelle Béart qui sorte sur l’inceste. Il se trouve que ce sont les deux sujets sur les­quels je tra­vaille. Alors on ne peut évi­dem­ment pas les com­pa­rer, mais je trouve signi­fi­ca­tif qu’Emmanuel Béart, qui a 60 ans, et Muriel Robin, 68 ans, en arrivent aujourd’hui à par­ler de leurs his­toires. C’est extrê­me­ment cou­ra­geux de leur part. Et leurs prises de posi­tion pour­ront peut-​être ouvrir la voie à d’autres.
Le fait qu’Emmanuelle Béart dit qu’elle est une per­sonne inces­tée, ça a un impact très fort dans les ima­gi­naires. Ça montre qu’on peut être une grande comé­dienne, avoir incar­né tous types de femmes et, en même temps, avoir une his­toire per­son­nelle char­gée. Pareil pour Muriel Robin : même si on est connue, qu’on rem­plit des Zénith, on ne va pas avoir accès au ciné­ma parce qu’on est les­bienne. C’est inté­res­sant de ce que ça révèle d’une socié­té patriar­cale. Quand Muriel Robin parle de « péné­tra­tion », elle parle du régime sexuel qui nous entoure, où on apprend à dési­rer par la domi­na­tion. La façon dont elle le dit peut paraître bru­tale, mais c’est la réa­li­té. On pour­rait main­te­nant espé­rer que le ciné­ma fasse de la place à d’autres récits.

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