On vous propose : un documentaire poignant, Un visa pour la liberté : Mr Gay Syria, sur des Syriens gays fuyant leur pays et Nitram, un film australien qui revient sur la tuerie de Port Arthur (1996).
Le prix de la liberté
La démarche est inédite, le résultat, troublant. Pour son premier long-métrage documentaire, la réalisatrice turque Ayse Toprak a choisi de braquer sa caméra, discrète et empathique, sur la communauté gay syrienne exilée à Istanbul. Des hommes, jeunes pour la plupart, qui ont dû fuir leur pays à cause de la guerre, mais aussi à cause de la très violente homophobie qui y règne. Double peine, donc. Est-ce à dire qu’ils se sentent plus en sécurité en Turquie ? Rien n’est moins sûr ! D’ailleurs, ils ne rêvent que d’une chose : obtenir un visa pour rejoindre l’Europe…
Toujours digne, constellé de moments souriants et de séquences plus brutales, ce doc intrigue autant qu’il émeut. D’abord parce qu’il construit son récit autour d’un événement presque irréel au vu du contexte : l’organisation d’un concours de beauté, Mr Gay Syria, à Istanbul, première étape pour participer ensuite au Mr Gay World à Malte (un sésame pour l’Europe et la liberté, incidemment…). Et ensuite parce qu’il s’appuie sur des personnages très attachants. En premier lieu, Hussein, 24 ans, véritable fil rouge de ce portrait de groupe doux-amer. Ayant traversé la frontière avec sa petite famille, il entame une double vie en Turquie : coiffeur la semaine, très impliqué dans la communauté queer d’Istanbul, et père aimant le week-end, lorsqu’il rend visite à sa fille et à sa femme (à laquelle il a été marié de force en Syrie).
Précisément, si le film d’Ayse Toprak touche autant, c’est parce qu’il réussit à donner un visage et une voix à ces vies d’ordinaire déshumanisées, levant ainsi, on l’espère, bien des préjugés.
Un visa pour la liberté : Mr Gay Syria, d’Ayse Toprak. Sortie le 11 mai.
Autopsie d’un massacre
On ne s’attend pas à une telle retenue de la part de Justin Kurzel, auteur d’un Macbeth assez grandiloquent ! Reste que le cinéaste australien voit juste en portant un regard distancié, presque clinique, sur le parcours vertigineux de son nouveau personnage. Il s’inspire de celui de Martin Bryant, auteur de la tuerie de Port Arthur (Tasmanie) qui fit trente-cinq morts et vingt-trois blessés en 1996. Aucune fascination ne peut donc être de mise… Certes, la langueur pastel de son récit, qui nous mène juste avant le massacre, peut dérouter. Reste ce sentiment glaçant de menace permanente et la douceur malaisante, impénétrable, de Caleb Landry Jones dans le rôle de Nitram (palindrome de Martin)… Une prestation soufflante, saluée par le prix d’interprétation masculine au dernier Festival de Cannes.
Nitram, de Justin Kurzel. Sortie le 11 mai.