Un couple qui se cherche, un bon vieux Ken Loach et une variation sur Sissi. Voici les sorties du mercredi 25 octobre.
Le Syndrome des amours passées
Souvent drôle, parfois poignant, toujours pétillant, le nouvel film d’Ann Sirot et Raphaël Bilboni, tandem facétieux, s’apparente à un conte irrésistible de modernité. Partant d’un postulat scientifique (très) incertain, voire tout à fait farfelu, il explore en effet le couple, ses libertés, ses limites et ses injonctions avec une vraie profondeur, mine de rien.
Nous voilà projeté·es aux côtés de Rémi et Sandra, trentenaires sympathiques qui s’aiment et n’arrivent pas à avoir d’enfants alors que tout va bien, apparemment. Comme ça les titille, ils consultent un médecin chercheur, forcément très compétent, qui leur apprend qu’ils sont atteints du “syndrome des amours passées”. Pour guérir, une seule solution : recoucher une fois avec tous et toutes leurs ex, afin de se détacher de leur passé et de se débloquer ! L’une et l’autre rédigent donc une liste… Où l’on comprend que Sandra, très à l’aise avec ce protocole, a eu beaucoup plus de partenaires que Rémi, nettement plus anxieux…
C’est parti pour une ronde de questions, de confrontations et/ou de retrouvailles voluptueuses, toutes plus plaisantes les unes que les autres à regarder car finement pensées, mises en scène et interprétées (par Lucie Debay et Lazare Gousseau dans les deux rôles principaux ; par Nora Hamzawi dans celui de la belle-sœur et Florence Loiret-Caille dans celui de la confidente) ! Les scènes de sexe, chorégraphiées à la façon d’entractes poétiques et musicaux, sont divertissantes à souhait.
Reste que cette fantaisie n’est pas seulement légère et/ou réjouissante. Elle est aussi gentiment transgressive puisqu’elle interroge les injonctions genrées (et pourquoi seuls les garçons auraient le droit de multiplier les aventures, d’abord ?), mais encore l’hétéronormativité et ses deux piliers, à savoir faire des enfants et être fidèle. On ne sait trop, pour finir, si Sandra et Rémi parviennent à réinventer l’amour (vaste chantier). Ce dont on est sûr·es, en revanche, c’est que Le Syndrome des amours passées bouscule les codes de la comédie romantique jusqu’à son happy ending. Et ça, c’est drôlement bien joué.
Le Syndrome des amours passées, de Ann Sirot et Raphaël Balboni.
The Old Oak
C’est aussi pour ça qu’on l’aime, ce vieux coco de Ken Loach ! Parce qu’il ne lâche jamais, pas plus aujourd’hui, à l’âge vénérable de 87 ans, qu’hier quand il fustigeait l’ultralibéralisme de Margaret Thatcher. Même si d’aucuns affirment que The Old Oak, son nouveau film, sera son dernier, il exhale bel et bien, comme les autres, cette tendresse brûlante pour les damné·es de la terre. Celle-là même qui a forgé son style, réaliste et rugueux. Sauf que cette fois-ci, le cinéaste doublement palmé d’or à Cannes (pour Le Vent se lève, en 2006 et pour Moi, Daniel Blake, en 2016) nous entraîne dans un pub – dénommé The Old Oak, autrement dit Le Vieux chêne en français –, situé dans une bourgade cabossée du nord de l’Angleterre.
C’est là que se retrouvent les vieux mineurs et/ou chômeurs du cru, qui peinent à survivre, et un groupe de réfugiés syriens, accueillis avec la plus grande méfiance (pour ne pas dire rejet et xénophobie). Pourtant, une amitié aussi touchante que pudique va se nouer entre le propriétaire vieillissant du pub, qui croit encore aux vertus de la solidarité, et une jeune photographe syrienne. Un trait d’union – et un goût pour la transmission – qui va contaminer peu à peu l’ensemble de ces laissés-pour-compte. OK, la fable est aussi belle que naïve ! Mais elle sonne juste… et c’est aussi pour ça qu’on l’aime, ce vieux chêne anglais inébranlable.
The Old Oak, de Ken Loach.
Sissi & moi
Respirez un bon coup : même si le deuxième long-métrage de la réalisatrice allemande Frauke Finsterwalder s’inspire des mémoires de la comtesse Irma Sztáray, qui fut la dernière dame de compagnie de l’Impératrice d’Autriche jusqu’à sa mort tragique à Genève en 1898, il se situe à mille lieues des kitscheries télévisuelles qui, autrefois, ont révélé la toute jeune Romy Schneider. Ouf ! D’ailleurs, son truc à lui, c’est plutôt le tempo rock de la Marie-Antoinette de Sofia Coppola, anachronismes compris, et une humeur baroque (Sissi y est dépeinte à la fois en despote et en femme libre) qu’il déploie en deux parties.
L’une est solaire et bohème (filmée à Corfou), tandis que l’autre est entravée et austère (retour en Bavière). Forcément, on se laisse séduire par la première, tout en lumières méditerranéennes, d’autant qu’elle adopte le point de vue d’Irma, godiche génialement campée par une Sandra Hüller hilarante. C’est après que les choses se gâtent, la bascule de la comédie vers le drame éteignant le récit, de plus en plus pesant et convenu. Dommage ! Il faut reconnaître, cela dit, que cette nouvelle tentative de déboulonnage avait peu de chance de surpasser l’admirable Corsage, biopic d’une Sissi post#MeToo sorti en salle il y a à peine un an. Trop de Sissi déconstruites finissent par tuer l’envie, si, si…
Sissi & moi, de Frauke Finsterwalder.