Un monde est un premier film exceptionnel. En lice pour les Oscars, cette fiction belge, hyper réaliste, nous immerge à hauteur d’enfant, comme rarement, dans la violence des cours de récré. Explications avec Laura Wandel, sa réalisatrice…
![Laura Wandel : « L’enfance, c’est toute une poésie, mais c’est aussi toute une cruauté » 1 Capture d’écran 2022 01 26 à 10.44.34](https://www.causette.fr/wp-content/uploads/2022/01/Capture-d’écran-2022-01-26-à-10.44.34-962x1024.jpg)
Causette : Pourquoi avoir choisi l’enfance comme sujet et l’école comme lieu exclusif de votre premier long-métrage ?
Laura Wandel : Parce que, dans un certain sens, l’enfant représente l’adulte futur. C’est à ce moment-là que l’on se construit, beaucoup de choses se jouent alors. Pareil pour l’école, où l’on ne fait pas qu’apprendre à lire et à écrire. On y explore également le rapport à l’autre… C’est pourquoi j’ai choisi de ne pas trop montrer de séquences en classe et de privilégier celles dans la cour. Et c’est aussi la raison pour laquelle j’ai voulu centrer mon récit sur une petite fille de 6–7 ans, qui entre en primaire. Vous savez, en Belgique, la primaire accueille les enfants de 6 à 12 ans. Donc, les moments où ils se retrouvent ensemble dans la cour sont assez confrontants ! En fait, ce sont leurs premiers moments d’intégration, et ils sont vécus de façon intense… Oui, ce qui se joue dans cet espace, c’est la base de l’humanité : chercher sa place au sein de la communauté. Au fond, la cour de récré fonctionne comme une microsociété, avec ses territoires, ses alliances, ses rejets… qu’on va reproduire tout au long de notre vie !
Un monde raconte le parcours d’émancipation d’une enfant, Nora, ce qui est assez rare au cinéma. Pourquoi était-ce si important
que ce soit une petite fille ?
L. W. : Sans doute parce que j’ai été moi-même une petite fille ! Difficile de ne pas remarquer que les garçons qui jouent au foot, dans la cour de l’école, ont tendance à prendre toute la place. Hier comme aujourd’hui. Donc, quelque chose se joue là, d’emblée, dont je voulais parler. Mais surtout, ce qui m’intéressait à travers le personnage de Nora, c’était de montrer une petite fille qui semblait fragile, a priori, et qui allait se révéler extrêmement forte. Histoire de confronter les spectateurs à leurs a priori ! Eh oui, on pense que c’est elle qui va se faire harceler au départ, or non, finalement, c’est son grand frère…
Précisément, et c’est là que se niche toute la tension de votre film, Nora se retrouve piégée dans un terrible conflit de loyauté, tiraillée entre son frère qui lui demande de ne rien dire, son père qui l’incite à réagir et son besoin de s’intégrer. Que vouliez-vous raconter à travers ce lien fraternel ?
L. W. : Le lien spécifique qui unit Nora à son frère, et qui la définit aux yeux des autres au départ, me permet de poser une question que l’on s’est tous et toutes posée : qu’est-ce qu’on est prêt à lâcher pour s’intégrer ? En l’occurrence, Nora est solidaire de son frère dans un pre- mier temps, puis elle évolue. Il ne s’agit pas de porter un jugement ici, mon film n’est pas un tribunal, juste de montrer que lorsque l’être humain est en danger, il peut devenir dur. De fait, l’enfance, c’est toute
une poésie, mais c’est aussi toute une cruauté.