Laura Wandel : « L’enfance, c’est toute une poé­sie, mais c’est aus­si toute une cruauté »

Un monde est un pre­mier film excep­tion­nel. En lice pour les Oscars, cette fic­tion belge, hyper réa­liste, nous immerge à hau­teur d’enfant, comme rare­ment, dans la vio­lence des cours de récré. Explications avec Laura Wandel, sa réalisatrice…

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Causette : Pourquoi avoir choi­si l’enfance comme sujet et l’école comme lieu exclu­sif de votre pre­mier long-​métrage ?
Laura Wandel : Parce que, dans un cer­tain sens, l’enfant repré­sente l’adulte futur. C’est à ce moment-​là que l’on se construit, beau­coup de choses se jouent alors. Pareil pour l’école, où l’on ne fait pas qu’apprendre à lire et à écrire. On y explore éga­le­ment le rap­port à l’autre… C’est pour­quoi j’ai choi­si de ne pas trop mon­trer de séquences en classe et de pri­vi­lé­gier celles dans la cour. Et c’est aus­si la rai­son pour laquelle j’ai vou­lu cen­trer mon récit sur une petite fille de 6–7 ans, qui entre en pri­maire. Vous savez, en Belgique, la pri­maire accueille les enfants de 6 à 12 ans. Donc, les moments où ils se retrouvent ensemble dans la cour sont assez confron­tants ! En fait, ce sont leurs pre­miers moments d’intégration, et ils sont vécus de façon intense… Oui, ce qui se joue dans cet espace, c’est la base de l’humanité : cher­cher sa place au sein de la com­mu­nau­té. Au fond, la cour de récré fonc­tionne comme une micro­so­cié­té, avec ses ter­ri­toires, ses alliances, ses rejets… qu’on va repro­duire tout au long de notre vie !

Un monde raconte le par­cours d’émancipation d’une enfant, Nora, ce qui est assez rare au ciné­ma. Pourquoi était-​ce si impor­tant
que ce soit une petite fille ?
L. W. : 
Sans doute parce que j’ai été moi-​même une petite fille ! Difficile de ne pas remar­quer que les gar­çons qui jouent au foot, dans la cour de l’école, ont ten­dance à prendre toute la place. Hier comme aujourd’hui. Donc, quelque chose se joue là, d’emblée, dont je vou­lais par­ler. Mais sur­tout, ce qui m’intéressait à tra­vers le per­son­nage de Nora, c’était de mon­trer une petite fille qui sem­blait fra­gile, a prio­ri, et qui allait se révé­ler extrê­me­ment forte. Histoire de confron­ter les spec­ta­teurs à leurs a prio­ri ! Eh oui, on pense que c’est elle qui va se faire har­ce­ler au départ, or non, fina­le­ment, c’est son grand frère…

Précisément, et c’est là que se niche toute la ten­sion de votre film, Nora se retrouve pié­gée dans un ter­rible conflit de loyau­té, tiraillée entre son frère qui lui demande de ne rien dire, son père qui l’incite à réagir et son besoin de s’intégrer. Que vouliez-​vous racon­ter à tra­vers ce lien fra­ter­nel ? 
L. W. : Le lien spé­ci­fique qui unit Nora à son frère, et qui la défi­nit aux yeux des autres au départ, me per­met de poser une ques­tion que l’on s’est tous et toutes posée : qu’est-ce qu’on est prêt à lâcher pour s’intégrer ? En l’occurrence, Nora est soli­daire de son frère dans un pre- mier temps, puis elle évo­lue. Il ne s’agit pas de por­ter un juge­ment ici, mon film n’est pas un tri­bu­nal, juste de mon­trer que lorsque l’être humain est en dan­ger, il peut deve­nir dur. De fait, l’enfance, c’est toute
une poé­sie, mais c’est aus­si toute une cruauté. 

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