Quatre belles sorties cette semaine : Olga, d’Élie Grappe, Memoria, d’Apichatpong Weerasethakul, Les Magnétiques, de Vincent Maël Cardona et Amants, de Nicole Garcia.
« Olga », d’Élie Grappe
Il y a les films forts, et puis il y a les films puissants. Ceux qui épatent ou résonnent plus longtemps. Olga appartient à la deuxième catégorie. Son sujet, bien sûr, favorise cet élan formidable. Coécrite et réalisée par le jeune Élie Grappe (27 ans et des poussières…), cette première œuvre, primée à Cannes, suit le parcours très physique d’une gymnaste de 14 ans, tiraillée entre la Suisse, où elle s’entraîne pour le championnat européen en vue des JO, et l’Ukraine, où sa mère journaliste couvre les événements d’Euromaïdan.
L’intrigue déploie ses figures, ses arabesques et ses bascules fin 2013-début 2014, oscillant entre la blancheur ouatée d’un hiver helvète et le tumulte violent de la place Maïdan, qu’Olga suit à travers différents réseaux sociaux. On comprend qu’elle ait du mal à se concentrer… On comprend vite, aussi, que l’on est en présence d’un vrai cinéaste et d’un fin portraitiste. Qui filme le corps de son héroïne toujours à la bonne distance (sans l’érotiser, merci !), pour mieux nous permettre de la voir grandir, changer, s’affirmer. Ou qui fait se succéder en souplesse, avec grande maîtrise, les séquences d’entraînement (justes et belles), les images des manifestant·es ukrainien·nes ou les scènes de la vie quotidienne d’Olga. In fine, Élie Grappe parvient à concilier sans fausse note le désir personnel d’une jeune fille avec le cours de l’Histoire. Il a bien mérité sa médaille lui aussi !
Olga, d’Élie Grappe.
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« Memoria », d’Apichatpong Weerasethakul
Attention, dépaysement garanti ! Memoria conte l’histoire d’une femme qui croit devenir folle, hantée par un bruit sourd et percutant. Une femme qui erre seule dans la ville, comme dans la forêt humide et ses montagnes environnantes. Une femme qui tente de se souvenir et qu’on n’oubliera pas de sitôt. De fait, on se laisse vite envoûter par la langueur mystérieuse du nouvel ouvrage d’Apichatpong Weerasethakul, cinéaste thaïlandais chouchou des festivals. Tourné en Colombie, Memoria s’apparente à un rêve éveillé, d’autant plus qu’il enroule ses longs plans-séquences autour de Tilda Swinton, actrice hors normes, donc idéale pour incarner cette quête étrange, hypnotique et profonde…
Memoria, d’Apichatpong Weerasethakul.
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« Les Magnétiques », de Vincent Maël Cardona
Justement primé à la Quinzaine des réalisateurs, cette année à Cannes, ce premier film français est une merveille de sensibilité. Atmosphère, atmosphère… Il nous immerge au tout début des années 1980, à la croisée de l’Ancien Monde et du nouveau, et nous donne à voir le parcours de deux frères que tout oppose. Le plus jeune, romantique et timide, vivant dans l’ombre du premier, charismatique et destroy. Si le récit, visuellement impressionnant, s’accomplit telle une tragédie grecque, il n’en reste pas moins moderne et stimulant. D’abord parce qu’il est porté par de jeunes acteurs et actrices renversant·es. Ensuite parce que la passion de ses deux (anti-)héros pour le punk-rock, musique de colère et de liberté, le galvanise en permanence. Les Magnétiques nous aimante de bout en bout.
Les Magnétiques, de Vincent Maël Cardona.
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« Amants », de Nicole Garcia
Deux amants maudits, un mari cocu : le 9e long-métrage de Nicole Garcia revisite sans détours le schéma classique du triangle amoureux, mais dans sa veine la plus tragique. Romanesque oblige, ses sombres protagonistes agitent toutefois leurs tourments dans un univers de luxe, entre Paris, Genève et océan Indien. Heureusement cette beauté plastique, presque froide et lisse, abrite des fêlures plus intéressantes qu’il n’y paraît. Pas tant du côté de l’héroïne, une femme-objet à peine libérée par un ultime rebondissement, que des personnages masculins, plus ambigus, plus complexes, plus attachants. Nicole Garcia n’a pas son ou sa pareil·le, décidément, pour ausculter la fragilité des hommes blessés ! Elle est bien aidée, cela étant, par les excellents comédiens que sont Pierre Niney et Benoît Magimel.
Amants, de Nicole Garcia.