143 rue du Désert, de Hassen Ferhani, Douce France, de Geoffrey Couanon et Médecin de nuit d'Elie Wajeman.
143 rue du Désert, la reine des sables
Elle est de ces femmes qui intimident, réjouissent et enchantent tout à la fois. Malika n’est pourtant ni une héroïne flamboyante ni une magicienne. Âgée de 74 ans, le corps lourd et le sourire malicieux, elle tient une buvette au bord de la Nationale 1 qui relie Alger à Tamanrasset. Au cœur du désert, en somme. Du Sahara.
De fait, c’est là, dans son café minuscule échoué au milieu de ce grand nulle part, que cette femme seule accueille routiers, migrants, touristes, motards, militaires ou imams de passage. Tandis qu’au-dehors sable et rocailles tapissent un horizon qui semble infini, Malika écoute, conseille ou recadre ses hôtes autour d’un café ou d’une cigarette. Telle une balise dans un océan de solitude.
À quoi tient la puissance inouïe de 143 rue du Désert, sobre documentaire signé Hassen Ferhani, cinéaste algérien tout juste âgé de 35 ans ? À la beauté de ses images bien sûr, qui nous baladent du côté du western, voire d’un road-movie joliment immobile. À l’intelligence de son dispositif, aussi, qui donne à voir l’Algérie dans toute sa diversité (et ses errances) à travers un espace d’à peine 20 m2. Et… à Malika, évidemment. Mieux qu’une héroïne ou une magicienne : une reine.
Voir la bande annonce du film :
Douce France, la banlieue en campagne
Ici, c’est chez eux ! C’est l’un des messages – forts – que retiendront Jennyfer, Amina et Sami, trois lycéens de Villepinte, en Seine-Saint-Denis, que ce documentaire bienveillant a choisi de filmer alors qu’ils entreprennent une enquête citoyenne sous la houlette de leur prof d’histoire-géo. Leur sujet ? Le projet de construction d’Europacity*, un mégacomplexe de commerces et de loisirs, qui implique d’urbaniser les terres agricoles proches de chez eux. Entre fascination, doute ou rejet, ces trois élèves de première partent donc à la rencontre d’habitant·es de leur quartier, d’élu·es, de commerçant·es, de promoteur·rices immobiliers mais aussi d’agriculteur·rices. Goûtant, au passage, aux vertus du débat et de la mobilisation… Leur quête va bousculer nombre d’idées reçues. Les leurs comme les nôtres. En clair, ce film s’apparente à un grand bol d’air frais !
Voir la bande annonce du film :
Médecin de nuit, état d'urgence
Attention, en dépit de son titre, le nouveau film d’Elie Wajeman n’a rien à voir avec la crise sanitaire actuelle ! En revanche, ce beau drame nocturne parle bien d’un mal chronique (la solitude) et de son remède (la solidarité). Pour cela, il s’est choisi un personnage magnifique, ambigu à souhait. De fait, Mikaël est un urgentiste parisien capable de soigner avec abnégation celles et ceux que personne ne veut voir, dont une ribambelle de toxicos dans la rue, tout en participant à un trafic d’ordonnances de Subutex avec son cousin pharmacien. Sa vie privée étant tout aussi chaotique, il se donne une nuit pour se reprendre en main. Une nuit que l’on partage volontiers avec lui tant Vincent Macaigne, qui lui prête sa voix cassée et son humanité fourbue, est magnétique. Il n’a jamais été aussi bon. Littéralement.