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Tu mérites un amour © Les films de la bonne mère

« Tu mérites un amour » : Hafsia Herzi chro­nique un coeur brisé

Dans Tu mérites un amour, son pre­mier film très réus­si, sélec­tion­né à Cannes, Hafsia Herzi nous plonge comme rare­ment au cœur du désar­roi amou­reux. On y suit l’errance mélan­co­lique, sans fard, d’une jeune femme juste après une rupture… 

“Tu mérites un amour décoif­fant, qui te pousse à te lever rapi­de­ment le matin, et qui éloigne tous ces démons qui ne te laissent pas dor­mir […].” Nul hasard si Hafsia Herzi s’est ins­pi­rée d’un poème vibrant de Frida Kahlo pour le titre de son pre­mier long-​métrage. La jeune femme de 32 ans, qui a gran­di dans les quar­tiers nord de Marseille, nour­rit depuis long­temps une pas­sion pour l’artiste et icône mexi­caine. Même cas­cade de longs che­veux noirs, même déter­mi­na­tion, même regard mélan­co­lique… Elle sou­rit : « C’est un ami qui m’a fait décou­vrir ce poème. Il m’a bou­le­ver­sée. Frida Kahlo dit la véri­té. » Son film aus­si, qui relate au plus près la tris­tesse de la douce Lila après sa rup­ture avec son petit ami. 

Émouvant ? Oui, car ce cha­grin, bien que très vif, est sai­si sans pathos. Et avec une grande hon­nê­te­té. Mieux encore : il révèle comme jamais Hafsia Herzi. Vulnérable et puis­sante, elle est l’actrice prin­ci­pale, mais aus­si la scé­na­riste et réa­li­sa­trice ins­pi­rée dudit film, qu’elle a auto­pro­duit. « J’ai tou­jours vou­lu pas­ser der­rière la camé­ra. Mais j’ai dû repor­ter Bonnes Mères, mon pre­mier pro­jet… Du coup, un matin, je me suis réveillée en me disant : il faut que je tourne, qu’est-ce que je pour­rais faire en peu de temps et sans argent ? » 

Maladie d’amour 

Bah… Tu mérites un amour, par exemple. Un scé­na­rio ori­gi­nal que cette grande bos­seuse avait gar­dé dans ses archives et qu’elle décide de tour­ner à l’arrache, en 2018, avec une petite équipe ­soli­daire, à rai­son de cinq jours par mois pen­dant trois mois dans un Paris esti­val. Un vrai tour­nant pour cette impul­sive, décou­verte en 2007 dans La Graine et le Mulet, d’Abdellatif Kechiche, puis adou­bée en actrice sen­suelle, belle et rebelle dans nombre de films d’auteur (dont Le Roi de l’évasion, d’Alain Guiraudie ; L’Apollonide : sou­ve­nirs de la mai­son close, de Bertrand Bonello ; ou Sex Doll, de Sylvie Verheyde). Hafsia mène sa barque de bout en bout, cette fois, et affirme d’emblée un autre regard. Le sien : tendre, direct et loin des stéréo­types. « Mon idée, c’était de mon­trer com­ment un cha­grin d’amour peut rendre malade, phy­si­que­ment et men­ta­le­ment. Comment il nous fait perdre confiance en nous, nous fait sen­tir moins que rien, nous rend absents au monde. C’est un sujet peu trai­té au ciné­ma, car il y a une part de honte pour qui l’a vécu », explique-​t-​elle sans ciller. 

De façon un peu trop pré­cise pour ne pas sem­bler per­son­nelle : « Ça n’est pas un film auto­bio­gra­phique, même si j’ai vécu des rela­tions com­pli­quées quand j’avais à peine 20 ans…, reconnaît-​elle. À l’époque, j’étais très can­dide, je pen­sais que lorsqu’on était avec quelqu’un, c’était pour la vie. Et je croyais que tout le monde était comme moi, qu’on ne pou­vait pas tra­hir. Donc quand on jouait avec mes sen­ti­ments ou qu’on me fai­sait des coups, j’étais dévastée. » 

Reste que, avant d’écrire son film, et pour être au plus près de la véri­té, en ancienne bonne élève, elle n’a pas hési­té à aller sur le ter­rain pour mener l’enquête auprès de ses proches, de copains de copains, mais aus­si des com­mer­çants de son quar­tier, cela pen­dant plus d’un an. « Je leur ai sim­ple­ment deman­dé : est-​ce que tu as déjà vécu un cha­grin d’amour ? Puis de me décrire les symp­tômes. Tous avaient une his­toire à racon­ter. C’est là que j’ai com­pris que c’était un sujet uni­ver­sel. » 

“On peut en crever” 

Plusieurs phrases gla­nées en cours de route ont même agi sur elle comme un élec­tro­choc : « L’une des per­sonnes que j’ai inter­ro­gées m’a dit : “Tu sais, on n’en meurt pas, sinon on serait tous morts !” Une deuxième, au contraire, m’a confié qu’elle était tel­le­ment mal qu’elle a fini par consul­ter Internet pour savoir si on pou­vait mou­rir d’amour ! Pour ma part, je crois que l’on peut en cre­ver… » 

Raison pour laquelle elle s’est lan­cée à fond, et sans fard, dans Tu mérites un amour, in fine. Pour « dire aux gens qu’ils ne sont pas seuls : dans ce genre d’épreuve, le par­tage, la géné­ro­si­té, ça peut aider ». De même qu’un poème, conso­la­teur et flam­boyant, de Frida Kahlo ? Elle sou­rit à nou­veau : « Mon cha­grin d’amour est dépas­sé depuis long­temps. » Sa car­rière pro­met­teuse de cinéaste, en revanche, ne fait que commencer. 

Tu mérites un amour, de Hafsia Herzi. Sortie le 11 sep­tembre. 

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