Que se passe-t-il lorsqu’une jeune fille de 1900, élevée dans une société ultra rigide et catholique, vit sa sexualité comme une mystique libératrice ? Foudre, premier film foudroyant de Carmen Jaquier, est à découvrir dare-dare en salles ce mercredi 22 mai…
Et si la sexualité devenait une expression de l’amour de Dieu ? Telle est la question assez transgressive, mais totalement vibratoire, posée par Foudre, le premier long-métrage captivant de Carmen Jaquier.
Nichant son récit au cœur d’une vallée suisse, au tout début du XXe siècle, l’autrice et réalisatrice nous entraîne dans les pas d’Élisabeth, 17 ans. Novice sur le point de prononcer ses vœux, elle doit, contre son gré, retourner dans la ferme familiale à la suite de la mort mystérieuse de sa sœur aînée. Elle se retrouve alors asphyxiée par une vie de labeur, tissée d’injonctions et de superstitions. Car ici, dans cette petite société valaisanne rigide, ultra catholique, on vit dans la peur permanente de l’enfer. Une façon bien commode de contrôler les jeunes filles et leur sexualité… Sauf qu’Élisabeth, d’abord guidée par la découverte prodigieuse du journal intime de sa sœur, puis par son propre désir, va vouloir peu à peu s’affranchir de ces carcans…
Extase mystique autant que physique
Vous l’avez compris : Foudre raconte un parcours d’émancipation, aussi original que transcendant. De fait, si ses premières séquences, austères, semblent nous projeter dans un film d’époque classique, cela ne dure pas. Très vite, la trajectoire de son héroïne s’apparente à une sorte d’épiphanie sensuelle : tandis que sa chair s’éveille, la puissance sensorielle du film s’amplifie. Point d’érotisme torride, violent ou cliché pour autant : ici, tout est doux, calme, confiant, bienveillant, un peu comme dans certains films de Jane Campion. Ainsi, on s’émerveille de la beauté des alpages et forêts qui accueillent Élisabeth et ses jeunes amants, comme de la tendresse qui émane de ces scènes intimes, filmées (magnifiquement) dans la lumière de l’été. A contrario des clairs-obscurs inquiétants qui se déploient à l’intérieur de la ferme familiale ou de l’église du village…
Plénitude de la nature alentour, lorsque le ciel et la terre se rejoignent ; plénitude d’Élisabeth, qui retrouve Dieu – et la liberté – à travers ce retour au corps bouleversant et cette tendresse partagée (qu’elle n’a jamais connue auparavant, toute marque d’affection étant proscrite dans sa famille). L’extase est donc à la fois physique et mystique. Elle est également partageuse puisqu’on se sent peu à peu transporté·e, nous aussi, par l’élan irrépressible d’Élisabeth… et de Lilith Grasmug, sa jeune interprète qui, pour le coup, s’affirme comme la révélation de ce film foudroyant.
Foudre, de Carmen Jaquier.