M509FT
Claire Simon © dpa picture alliance / Alamy Live News

Claire Simon : "On affiche le corps des femmes dans les maga­zines, mais la réa­li­té, et toutes les emmerdes qui vont avec, on ne les voit jamais"

Avec Notre corps, la docu­men­ta­riste Claire Simon pro­pose une immer­sion puis­sante, au plus près du corps des femmes, dans le ser­vice gyné­co­lo­gique d’un hôpi­tal pari­sien. Interview avec une pion­nière du documentaire.

Causette : En fil­mant le corps des femmes, dans cet hôpi­tal et son ser­vice gyné­co­lo­gique, vous par­cou­rez tous les temps d’une vie, de la nais­sance à la mort, et c’est bou­le­ver­sant. Ce récit en forme d’odyssée était vou­lu ou cela tient du hasard de vos ren­contres ?
Claire Simon :
Oui, c’était vou­lu, je le savais dès le début ! Je vou­lais mon­trer toutes les étapes sur le che­min de la vie. Ce ser­vice gyné­co, qui englobe tout ce que les femmes tra­versent au cours d’une vie, de la PMA au trai­te­ment de l’endomé- triose ou du can­cer, était for­mi­dable pour ça. À l’origine, c’est Kristina Larsen, une pro­duc­trice que je res­pecte beau­coup, qui m’en a par­lé. Comme je l’explique dans le pro­logue, elle venait de pas­ser deux ans à l’hôpital Tenon, à Paris, dans ce ser­vice. J’ai été très tou­chée par sa pro­po­si­tion. Et très vite, en fré­quen­tant l’hôpital, le récit s’est imposé…

Ce qui est très beau dans votre film, c’est que la camé­ra filme les corps au plus près, mais sans jamais don­ner le sen­ti­ment d’être intru­sive ou bru­tale…
C. S. :
D’abord, je tiens à pré­ci­ser que nous étions une équipe fémi­nine. Je ne pou­vais pas ima­gi­ner tour­ner, sur place, avec un gar­çon, c’était impos­sible. Ensuite, bien sûr, j’ai fil­mé avec l’accord de toutes les per­sonnes concer­nées. De fait, le par­ti pris de la mise en scène était de res­ter arri­mée à ces corps. J’y suis allée fran­che­ment, mais avec le plus d’amour pos­sible. Plusieurs choses m’importaient… Montrer leur beau­té, même si ce ne sont pas des corps de maga­zine. Traquer la dou­leur, même si c’est le truc le plus dif­fi­cile à fil­mer. D’ailleurs, j’ai des récits de dou­leur, c’est impor­tant, mais pas de plan ou de séquence où on la voit. Et puis, enfin, je vou­lais fil­mer com­ment le lan­gage se relie aux corps. La méde­cine, c’est mettre des mots pour com­prendre. D’où ces scènes de consul­ta­tions, de face-​à-​face, d’explications entre les méde­cins et les patientes. Oui, le corps, la langue et la langue du corps, c’est ça qui m’intéresse !

Est-​ce la rai­son pour laquelle vous fil­mez l’annonce de votre propre can­cer, tou­jours dans ce même hôpi­tal ? Une scène forte, géné­reuse aus­si, et qui fait sens…
C. S. :
L’ironie de l’histoire, c’est que je vou­lais fil­mer une annonce de can­cer, mais que cela m’avait été refu­sé. Et c’est à ce moment-​là, on en était à plus de la moi­tié du tour­nage, que je suis tom­bée malade. S’il y avait quelqu’un qui pou­vait témoi­gner, c’était bien moi ! Curieusement, j’étais effon­drée, un peu, mais j’ai aus­si pris ça à la légère. Il m’a fal­lu du temps pour prendre conscience de la situa­tion. Sans doute parce que, du fait du tour­nage, je connais­sais le pro­to­cole, j’avais l’impression que je savais…

Pour finir, diriez-​vous que Notre corps est un film inti­miste, poli­tique, ou les deux ?
C. S. :
Politique ! Parce que mon­trer, c’est poli­tique, de toute façon. On affiche le corps des femmes dans les maga­zines, mais la réa­li­té, et toutes les emmerdes qui vont avec, on ne les voit jamais. Il est donc hyper impor­tant de mon­trer tout ce que le patriar­cat juge dégoû­tant et veut cacher. Ce que je fais. Voyez, au der­nier fes­ti­val de Berlin, ils
ont refu­sé de sélec­tion­ner mon film en com­pé­ti­tion au motif que « ses images ris­quaient de cho­quer ». J’étais furieuse, la moi­tié de l’humanité était relé­guée dans une sec­tion parallèle !

Notre corps, de Claire Simon. Sortie le 4 octobre.

Lire aus­si l Camille Cottin : "Même si "Toni en famille" dresse le por­trait d'une femme, cela n'en reste pas moins un film cho­ral plein d'énergie de débor­de­ments de générosité…"

Partager
Articles liés
asmahane wikimedia

Asmahan, diva indomptée

Cette princesse druze à la voix d’or a lutté contre le pouvoir des hommes pour vivre sa féminité et son art. De la Syrie à l’Égypte, elle a chanté l’amour au cinéma et fricoté avec les services secrets britanniques, avant de disparaître...

Inverted wid­get

Turn on the "Inverted back­ground" option for any wid­get, to get an alter­na­tive sty­ling like this.

Accent wid­get

Turn on the "Accent back­ground" option for any wid­get, to get an alter­na­tive sty­ling like this.