Ce qui reste, amour aveugle
Il n’est pas une année, depuis les attentats du 11 septembre 2001, où les sujets du fondamentalisme et de la radicalisation ne viennent pas pointer le bout de leur nez dans un film. Celui-là, pourtant, en offre une approche décalée, intime, intrigante. Ce qui reste raconte en effet la relation en dents de scie, entretenue sur cinq ans, entre l’un des terroristes impliqués dans ces attentats et sa fiancée devenue son épouse. Non pour justifier ou réhabiliter qui que ce soit, mais pour interroger l’aveuglement en général, et l’aveuglement amoureux en particulier.
S’inspirant librement de faits et de personnages réels (les prénoms ont été changés), le deuxième long-métrage d’Anne Zohra Berrached se présente comme une analyse sensible de la vie d’un couple… bâtie sur le secret. Pour ce faire, il choisit d’adopter le point de vue de la jeune femme, Asli, Allemande issue d’une famille turque traditionnelle, plutôt que celui du jeune homme, Saeed, charismatique étudiant libanais.
La première partie, filmée à fleur de peau et d’émotions, emprunte donc les codes de la romance, même si nombre de signaux indiquent qu’Asli est moins une femme épanouie qu’une femme tiraillée. Très vite dans le déni. Elle ne dit pas à sa mère, par exemple, qu’elle s’est mariée avec Saeed, pas plus qu’elle ne cherche à savoir pourquoi il se fait payer une formation de pilote aux États-Unis, et par qui. Prise entre son désir de s’affirmer (elle est brillante) et son éducation qui l’enjoint à se taire et à se sacrifier, elle mettra du temps à ouvrir les yeux. Elle ne sera pas la seule… Ce que raconte très bien, en creux, Anne Zohra Berrached.
Ce qui reste, d’Anne Zohra Berrached.
Voir la bande annonce du film :
Rouge, lanceuse d'alerte
Si l’on vous dit « film-dossier », vous allez reculer et vous aurez tort ! Car Rouge est d’abord un récit palpitant. Mieux, il pose fort bien les enjeux (complexes) du combat écologique actuel, à travers des personnages solides, une image soignée et des acteurs épatants (Zita Hanrot, Sami Bouajila, Céline Sallette, Olivier Gourmet). Un peu à la façon d’Erin Brockovich, Farid Bentoumi, son réalisateur, a eu la bonne idée de s’emparer de son sujet (la pollution cachée d’une usine chimique, pilier de l’économie locale dans la région Auvergne-Rhône-Alpes) en suivant la prise de conscience de Nour, la (jeune) infirmière de ladite usine. Doit-elle révéler la vérité, au nom de la santé publique, ou doit-elle se taire comme le lui ordonne son délégué syndical de père, au nom de la préservation des emplois ? Cruel dilemme qui agite, en creux, la question passionnante de l’engagement…
Rouge, de Farid Bentoumi.