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©Kushagra Kevat

Au ciné­ma, les actrices ne vieillissent pas, elles dis­pa­raissent des écrans

Seulement 7 % des rôles ont été attri­bués à des actrices fran­çaises de plus de 50 ans dans les films fran­çais sor­tis en 2021.

Comme chaque année depuis sept ans, la com­mis­sion nom­mée « Tunnel de la comé­dienne de 50 ans » de l’association Actrices et acteurs de France asso­ciés (Aafa) s’est appli­quée à rele­ver conscien­cieu­se­ment le nombre de rôles attri­bués aux actrices fran­çaises de plus de 50 ans. Le constat, publié le 4 novembre der­nier, parle de lui-​même : 7 % des rôles leur ont été attri­bués sur l’ensemble des films fran­çais sor­tis en 2021. Tandis que les acteurs fran­çais de plus de 50 ans, ont rem­por­té, eux, 16 % des rôles, soit plus du double.

Le cru 2021 ne fait d’ailleurs pas office de nou­veau­té dans le 7e art. En 2020, 9 % des rôles ont été attri­bués aux actrices fran­çaises de plus de 50 ans, en 2019, 8%, en 2016, 6 % et en 2015, 8%. En somme, rien n’a bou­gé en sept ans. À mesure qu’elles vieillissent, les actrices tournent de moins en moins et les rôles se tarissent. À 50 ans, les actrices fran­çaises entre­raient même dans le fameux tun­nel de l’invisibilisation avec peu de pers­pec­tive d’en sor­tir, autres que celle de jouer des rôles de grands-mères. 

À cette invi­si­bi­li­sa­tion s'ajoutent des inéga­li­tés sala­riales. Selon une étude du Centre natio­nal de la ciné­ma­to­gra­phie et de l'image ani­mée (CNC) réa­li­sée en novembre 2020, l'écart de rému­né­ra­tion entre les acteurs et les actrices est de moins de 10% avant 50 ans, mais se creuse ensuite. La rému­né­ra­tion – comme la repré­sen­ta­tion – des actrices décroche avec l'âge, pas celle des acteurs. 

Déséquilibre

L’Aafa pointe aus­si le dés­équi­libre entre la part des cin­quan­te­naires et plus dans la popu­la­tion fran­çaise et leur repré­sen­ta­tion à l’écran. Les femmes âgées sont très peu repré­sen­tées à l’écran alors même qu’elles repré­sentent une per­sonne majeure sur quatre en France. « La repré­sen­ta­tion à l’écran des hommes de plus de 50 ans est assez proche de leur place dans la socié­té [éga­le­ment une per­sonne majeure sur quatre, ndlr], pour les femmes du même âge, leur repré­sen­ta­tion est trois fois infé­rieure à l’écran », note l’Aafa dans un communiqué.

L’Aafa s’est deman­dé, cette fois, si les réa­li­sa­trices étaient plus enga­gées que les réa­li­sa­teurs dans le choix des actrices de plus de 50 ans. La réponse est sans appel, c’est un non. Là-​aussi, les chiffres res­tent, en effet, sen­si­ble­ment les mêmes : 8,5 % des rôles don­nés par des réa­li­sa­trices ont été attri­bués à des actrices de plus de 50 ans, contre 7 % par des hommes. Un chiffre à mettre cepen­dant en rela­tion avec celui de l’Observatoire euro­péen de l’audiovisuel qui sou­li­gnait mi-​octobre qu’un quart seule­ment des cinéastes européen·nes sont des femmes. « Cependant, on note que les réa­li­sa­trices ne font pas de dis­cri­mi­na­tion, elles montrent à l’image autant d’hommes que de femmes de plus de 50 ans, pointe l’Aafa. Alors que les réa­li­sa­teurs montrent à l’image deux fois plus d’hommes de plus de 50 ans que de femmes du même âge. »

Enjeu de société

Plus lar­ge­ment, les actrices fran­çaises – tout âge confon­du – ont 1 fois et demi moins de chance de tra­vailler au ciné­ma que les hommes, selon l’enquête réa­li­sée par l’Aafa. Et pas­sé 50 ans cet écart se creuse. Elles subissent alors de plein fouet, à la fois le sexisme, mais aus­si l’âgisme de la pro­fes­sion. Pour la comé­dienne et membre de la com­mis­sion de l'Aafa Catherine Piffaretti, si la bas­cule inter­vient à 50 ans, c'est parce qu'il s'agit de l'âge moyen de la méno­pause, celui, donc, auquel les femmes cessent d'être repro­duc­tives. « Continuer de ne pas nous repré­sen­ter, c'est nous dire : “ Vous n'êtes utiles que dans votre rôle sexuel et dési­rable” », affirmait-​elle en juin auprès du média Slate.

Bien sûr, il est tou­jours pos­sible de citer une dizaine de noms d’actrices fran­çaises de plus de 50 ans qui tiennent tou­jours le haut de l’affiche. Mais pour une Sophie Marceau, une Fanny Ardant, une Isabelle Huppert, une Isabelle Adjani ou une Juliette Binoche, com­bien sont celles qui ont dû rac­cro­cher ? Le méca­nisme d’invisibilisation des femmes au ciné­ma est bien rodé : les rares femmes âgées que l’on voit sur grand écran, sont bien sou­vent les mêmes. C’est pour­quoi, pour l’Aafa, « rendre visibles les femmes de plus de 50 ans dans les fic­tions est un enjeu de socié­té, car qui n’est pas repré­sen­té, n’existe pas ».

Lire aus­si I Les inéga­li­tés femmes-​hommes coûtent 118 mil­liards d’euros par an, selon une étude de la Fondation des femmes 

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