ÉDITO. On l'a appris en début de semaine : une vaste étude publiée dans la revue scientifique Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS) vient prouver une assertion désormais irréfutable : l’agriculture intensive est bel et bien la principale responsable de l'effondrement des populations d'oiseaux en Europe, qui ont disparu de 25% entre 1980 et 2016 et jusqu'à 60% en ce qui concerne les espèces vivant dans les milieux agricoles. Cela représente 800 millions d'oiseaux manquant à l'appel depuis 1980.
L'étude, « vertigineuse » selon les mots rapportés par Libération d'un de ses co-auteurs, l'écologue et directeur de recherche au CNRS Vincent Devictor, est la synthèse la plus conséquente jamais réalisée, portant sur 20 000 sites de suivi écologique dans 28 pays européens et 170 espèces d'oiseaux différentes. « Les populations d’oiseaux souffrent d’un cocktail de pressions, mais nos travaux concluent que l’effet néfaste dominant est l’augmentation de la quantité d’engrais et de pesticides par hectares ». Pour sauver les oiseaux et l'équilibre de l'écosystème dont ils sont des acteurs indispensables, dit encore Vincent Devictor, il faut d'urgence repenser nos modes de production alimentaire.
En 1962, il y a quarante et un ans, la biologiste américaine Rachel Carson publiait Printemps silencieux, annonçant comme un oiseau de mauvais augure l'effondrement de la biodiversité en raison de l'utilisation de pesticides dans l'agriculture. Soulevant la mobilisation de toute une génération d'écologistes, le Printemps silencieux n'a pourtant pas empêché le développement sans fin de l'utilisation des produits phyto-sanitaires dans les champs du monde entier.
En 2023, nous regardons fasciné·es, à la télévision ou en spectacle, le duo Chanteurs d'oiseaux, composé de Jean Boucault et Johnny Rasse, reproduire les chants d'oiseaux qui peuplent nos forêts, nos campagnes ou nos marais. Magiques, impressionnants de technique, ces deux amis d'enfance nous plongent dans un savoir quasi-disparu et dans une nature en cours de disparition. La mélancolie assaille à entendre ces gardiens du souvenir ornitologue. Et si dans cinquante ans, ces deux-là passaient pour des affabulateurs, des inventeurs de sons à jamais silenciés par notre inconséquence ?