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Notre journaliste dans sa tentative de « Yugamae », 3e étape du tir. © D.K.

Testé pour vous : le Kyudo, tir à l’arc japonais

Causette vous propose de découvrir le kyudo, art martial très ancien, mêlant sport et spiritualité, à travers le témoignage de notre journaliste qui s’est rendue mercredi 29 septembre au Kyudojo national de Noisiel (Seine-et-Marne). Au programme, une initiation avec Claude Luzet, grand maître du kyudo français et Caroline et Mami, deux pratiquantes régulières.

"Je ne vais vous mentir, lorsque j’ai appris que j’allais tester le kyudo, je m’imaginais déjà en Katniss Everdeen1 du kyudo. Quelques recherches sur internet m’ont permis de revoir mes ambitions à la baisse. J’en ai conclu que j’allais tester du tir à l’arc version zen mais je doutais de sa dimension sportive. Une fois arrivée sur place, j’ai eu l’impression d’avoir complètement quitté Noisiel. C’est un kyudojo dans les règles de l’art, construit sur le modèle de ceux qu’on peut voir au Japon : une salle ouverte sur un jardin, avec, tout au fond, une cible. L’atmosphère est bien plus calme que ce que j’avais imaginé. Je suis accueillie par le sensei (le maître, en japonais), Claude Luzet, accompagné des pratiquantes Caroline et Mami, venues exprès pour moi cet après-midi. Première chose : je dois saluer en m'inclinant à chaque fois que j'entre ou sors du dojo, sur ma droite, en direction de la place des invité·es d’honneur. On s’y fait rapidement. Dans le sas, des arcs entreposés, dont la hauteur dépasse les 2 mètres.

Première étape : La démonstration de Kyudo

Avant de saisir l’arc, la plupart du temps, plus grand que , j’assiste à une démonstration de Caroline et Mami et j’en prends plein les yeux. Elles sont dans leur tenue typique : le kyudo-gi, un haut blanc, à manches courtes, le hakama, une jupe-pantalon longue et le obi, une ceinture épaisse.

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Mami et Caroline derrière, lors de leur démonstration. ©D.K.

Dès leur arrivée, elles dégagent une certaine sérénité. Je suis entrée dans le dojo en sautillant derrière le sensei, les deux kyudokates glissent presque au sol, on n’entend presque rien, juste le bruit des vêtement et du matériel. Elles effectuent tous leurs mouvements jusqu'au tir et c’est captivant, j’oublie même de prendre des photos. Pendant leur passage, le sensei me raconte les fondements de ce sport. Il m’explique que le kyudo signifie en japonais kyu (arc) et do (voie), littéralement, la voie de l’arc. À l’origine, le tir à l’arc est utilisé dans le cadre guerrier par les samurai, mais pas que : « dans les écoles qui enseignaient les cérémonies de la cour impériale et l'étiquette, on apprenait aussi le kyudo, surtout dans sa dimension rituelle, dans une recherche pour la perfection du geste. Notre pratique actuelle mélange le sport et cette quête spirituelle. » La culture japonaise y est omniprésente à travers les influences du taoïsme et du shintoïsme dans le rituel de lancer.

Deuxième étape : En piste! 

C’est enfin mon tour. Là, le sensei m’indique les mouvements de base. Le lâcher de flèche s’effectue en huit étapes. Lorsque Mami et Caroline pratiquaient, tout paraissait si simple et fluide. Compétitrice dans l’âme, je ne me laisse pas aller, j’y vais à fond. Le sensei m’a beaucoup parlé de la dimension « zen » du kyudo. « Ce qui donnera un geste parfait sera la beauté du geste. Chez nous, le plus important ce n’est pas la cible mais l'exécution du mouvement. » Cela rend le kyudo bien plus complexe que ce que j’avais imaginé. Pour que le mouvement soit validé, il faut que les huit étapes se voient. Sur ces huit étapes, trois d’entre-elles m’ont parues vraiment difficiles : lever son arc à 45°, l’orienter vers la cible puis l'étirer au maximum. Tout cela en gardant les épaules basses et alignées, une galère. Heureusement que Caroline est derrière moi pour réaligner mes épaules toutes les 10 secondes. J’ai probablement sous-estimé la dimension sportive du kyudo, mais à la fin de la séance, mes épaules et mon dos sont en miettes. Il faut dire que l'arc, immense, pèse son poids. Le lendemain, mes muscles se souviendront de la douleur ressentie pendant la 6e étape du tir, « kai » qui veut dire union, lorsque l’arc est totalement étiré et que mon corps entier s’est mis à trembler. En tant que débutante, je ne tire pas en direction de la cible mais sur une botte de paille liée, qu’on appelle le makiwara, placée à environ deux mètres de moi. Je suis rassurée, j’avais peur de ne jamais atteindre la réelle cible, qui est tout de même à 30 mètres.

Troisième étape : l’étiquette du Kyudo 

Le mouvement de tir assimilé, je m’attaque à l’étiquette, ce qui fait la spécificité de ce sport. Pour cela, je suis avec Caroline, danseuse de métier, qui me montre tout, de l’entrée du dojo jusqu’à sa sortie. Pendant ce temps, elle me raconte sa découverte du kyudo. « J’ai commencé en 2018 mais très vite, le covid a ralenti ma progression. J’ai tout de suite beaucoup aimé parce qu’au-delà du sport, le kyudo nous inculque des valeurs à appliquer dans notre vie au quotidien. » Je comprends son propos, tous les mouvements sont codifiés, jusqu’à la respiration. Tout est fait pour que l’on puisse garder son calme. Par exemple, lorsqu’on s’incline devant les invité·es d’honneur, on inspire en se baissant, on expire lorsqu'on est incliné·e et on inspire de nouveau en se relevant. J’apprends aussi à prendre soin de mon arc. J'ai commis la bévue de le tenir de façon un peu négligée et me fais recadrer par mon sensei : il ne doit jamais toucher le sol ! Au kyudo, le matériel du pratiquant est propre à lui-même. L’élément le plus personnel c’est le gant, kage en japonais. Le long arc qui caractérise cet art est aussi important. Il peut aussi coûter très cher, jusqu’à 1000 euros pour les arcs en bambou. Pour la séance j’ai un arc qui coûte environ 400 euros. 

À la fin de la séance, je discute avec Mami qui est naturopathe. Elle me raconte comment elle a découvert ce sport dans son pays d’origine, le Japon. « À l’origine, je le pratiquais à l'université et là-bas, il y a pas mal d’ambiance dans les compétitions. Une fois arrivée en France, c’était bien plus calme, plus dans les règles de l’art. » Étonnant contraste, dans le pays d’origine, c’est le côté sportif qui prime et chez nous, c’est la spiritualité. En France, un petit comité d’environ 800 adhérents, intégré à la Fédération de judo, invite les curieux·euses à découvrir toutes les nuances d’un sport qui est presque plus un art finalement. « Si votre but c’est juste de mettre des flèches dans une cible, je pense que le kyudo n’est pas fait pour vous », explique Claude Luzet. Cette spécificité explique aussi la quasi parité chez les adhérent·e·s, il y a environ 40% de femmes pratiquantes.

Je termine ma séance par un exercice filmé. Je manque d’assurance mais je fais de mon mieux. Je lance des petits regards au sensei à chaque fois que j’oublie un mouvement mais je finis tout de même par satisfaire mon sensei d'un jour. « C’est pas trop mal pour une première franchement », lance-t-il à Caroline, qui acquiesce. Sur le chemin du retour, un sourire aux lèvres, je me remémore les mots de Caroline : « Le kyudo influe vraiment sur moi au quotidien, j’aborde les choses avec beaucoup de sérénité depuis. » Une bonne raison de s’y mettre !" 

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