Voilà trente ans que le sociologue Julien Damon travaille sur un sujet volontiers moqué ou ignoré, mais ô combien crucial : les toilettes. Dans son passionnant ouvrage, Toilettes publiques – Essai sur les commodités urbaines, paru le 22 mars, il montre comment le « petit coin », révélateur des inégalités qui traversent nos sociétés, est au coeur des grands enjeux contemporains.

Causette : Pourquoi travailler sur les toilettes publiques ? De quoi sont-elles le nom ?
Julien Damon : J’ai commencé à m’y intéresser en travaillant sur la question des sans-abri, mais le sujet n’est pas à regarder par le seul prisme de ceux qui ne disposent pas de toilettes. Les toilettes publiques, les commodités urbaines, sont un révélateur extraordinaire des disparités et des inégalités de nos sociétés contemporaines, notamment entre les hommes et les femmes – mais pas seulement.
C’est aussi un moyen de regarder les transformations sociales et les sujets écologiques. Aujourd’hui, dans le monde occidental, nous avons très majoritairement des toilettes à chasse d'eau – pour être plus précis, à chasse d’eau potable – connectées à des grands réseaux de distribution d'eau, ce qui pose des questions environnementales. Les pays du sud regardent quand même avec étrangeté, parfois même avec douleur, le fait que nous utilisions de l’eau potable [entre 3 et 10 litres par passage, soit plus d’un milliard de mètres cubes annuels pour la France, ndlr], qui est rare, pour y faire passer nos excrétions. Donc il y a des innovations qui[…]