Pallier l’invisibilisation des femmes, personnes trans et non-binaires dans le monde de la musique. C’est l’objectif de la plateforme Majeur·e·s, sorte d’annuaire 2.0 mis en ligne à la fin du mois de mai par l’association shesaid.so France.
Il n'y avait pas que des concerts à Nuit sonore cette année. La dernière édition du festival lyonnais de musique électronique, qui s'est déroulée du 25 au 29 mai, a été le lieu du lancement officiel de la plateforme Majeur·e·s. Ce site, créé par l'association shesaid.so France qui se bat pour plus d'égalité dans le monde de la musique, se veut un annuaire des femmes, personnes trans et non-binaires évoluant justement dans cette industrie, mais très souvent invisibilisé·es. Il suffit simplement de s'inscrire gratuitement en ligne pour se constituer un profil ou avoir accès à déjà plus de 400 fiches de professionnel·les du milieu. Claire Morel, la présidente de shesaid.so France, revient pour Causette sur la génèse d'une telle plateforme.
Causette : Comment est née l’idée de lancer la plateforme Majeur·e·s ?
Claire Morel : Au début de la création de shesaid.so, on voulait constituer une grosse grille Excel avec les noms des femmes, des personnes trans et non-binaires travaillant dans l’industrie de la musique. L’idée était de trouver facilement les contacts de personnes que l’on pourrait recommander pour X ou Y raison. C’est un peu tombé en jachère. Mais l’année dernière, Marie-Anne Robert, aujourd’hui à la tête de Sony Music France, nous a mis en contact avec Spotify France car l’entreprise était intéressée par notre projet. Ce qui a permis de le remettre sur les rails.
Causette : Quel est son but ?
C.M. : Beaucoup de personnes évoluent dans le monde de la musique et occupent des métiers très différents. Mais les femmes, les personnes trans et non-binaires se retrouvent presque systématiquement à des postes « supports ». Ils et elles vont être chef·fes de projet, assistant·es marketing, attaché·es presse et pas forcément aux cœurs des métiers : la direction artistique, la programmation de festivals, la direction des labels… Ces rôles sont encore très masculins. Il existe une division très genrée du travail dans la musique.
On souhaitait donc, avec cette plateforme, faire remonter ces talents à la surface et les recommander grâce à un espace dédié. Il était surtout important pour nous de rendre compte de leurs compétences, car comme elles sont dans des rôles « supports », ces personnes apprennent beaucoup et doivent développer de multiples compétences, mais elles restent finalement cantonnées à leur poste. C’est grâce à ces petites mains de l’industrie que tout tient debout et qu’un projet fonctionne. Il s’effondrerait sans elles.
Causette : Certains postes dans le monde de la musique sont encore presque exclusivement occupés par des hommes cis ?
C.M. : Ça change doucement mais on est encore loin du compte. En plus des postes à responsabilité, les métiers techniques sont aussi très masculins. Or, il existe des femmes ingé son, par exemple, mais il faut les connaître. Avec Majeur·e·s, on voulait répondre à cette réflexion que l’on peut nous faire : « Je voulais embaucher une femme mais je n’en ai pas trouvé ! »
On souhaite aussi faire connaître ces talents à une autre génération qui arrive ou à des personnes qui voudraient se reconvertir dans ces métiers-là, pour leur montrer que des femmes exercent ces fonctions. Tout est une question de « role models ».
Causette : Quels sont les profils que vous avez sur le site ?
C.M. : Plus de 400 profils sont en ligne et représentent la diversité du milieu de la musique. Nous avons des chef·fes de projet, des chargé·es de production, des programmateurs·trices, des ingé son… Ces personnes évoluent dans tous les genres musicaux et ne se trouvent pas toutes à Paris. On souhaitait aussi montrer que des initiatives dans le monde de la musique existent partout en France.
Causette : Avez-vous des premiers retours des acteur·rices du milieu concernant la plateforme ?
C.M. : Il est encore un peu tôt. Tous les organismes professionnels, comme la Sacem, ont salué l’initiative, car c’est un outil dont ils avaient besoin, mais sans avoir pris le temps de le mettre en place. On note un enthousiasme général quand on parle du projet, notamment de la part des salles de spectacles, quand elles veulent trouver des techniciennes, sortir de leur réseau… On espère que cet outil va monter en puissance. Maintenant, il est à la disposition de toute l’industrie de la musique en France… Aux hommes qui occupent des postes à responsabilité de s’en emparer et de s’y intéresser.