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Elles bougent : pour que les femmes arrêtent d'être mino­ri­taires dans le milieu de la tech

L'association Elles bougent, qui milite pour l'égalité pro­fes­sion­nelle, a orga­ni­sé une jour­née dans 30 entre­prises fran­çaises pour faire décou­vrir les métiers du numé­rique. Reportage avec des col­lé­giennes de Seine-​Saint-​Denis chez Veolia. 

Alors que Le Monde publiait hier un papier sur la faible pré­sence des femmes dans le sec­teur du numé­rique, selon lequel « pour expli­quer ce phé­no­mène, il faut remon­ter jusqu’au lycée », c’est un public consti­tué d’une quin­zaine de col­lé­giennes que Myriam Mahrez, res­pon­sable de la diver­si­té et de l'inclusion chez Veolia, conjure ce 7 avril matin de « conti­nuer à faire des maths et de la science, quel que soit votre niveau, pour ne vous fer­mer aucune porte après le bac ».  

Organisée à Aubervilliers (Seine-​Saint-​Denis), au siège de l'entreprise de ges­tion du cycle de l’eau, des déchets et de l’énergie, la ren­contre est réa­li­sée en par­te­na­riat avec Elles bougent pour le numé­rique. Amel Kefif, la direc­trice géné­rale de l’association qui a enclen­ché une soixan­taine d’opérations met­tant en lien étu­diantes et pro­fes­sion­nelles de la tech un peu par­tout en France en cette nou­velle édi­tion de la jour­née Elles bougent pour le numé­rique, se dit convain­cue de la néces­si­té d’une telle action : « On observe mal­gré tout cer­tains reculs dans le milieu, qui s'expliquent entre autres par un manque de figures de réfé­rence fémi­nines ». Bien qu’il s’agisse d’un sec­teur en pleine expan­sion, la pro­por­tion de femmes dans les métiers du numé­rique est reve­nue aujourd’hui au même niveau qu’en 2012, soit autour de 17% à peine.

Veolia, par­te­naire d’Elles bougent depuis 2016, est une entre­prise connue de ces étu­diantes du col­lège Elsa Triolet (Saint-​Denis) car son logo orne « les camions pou­belles et les fac­tures d’eau ». Dans cette grande salle à l’architecture épu­rée, l’assemblée, un mélange de 4ème et de 3ème, écoute atten­ti­ve­ment les inter­ve­nantes. Elles sont cheffes de pro­jet, ingé­nieure en cyber­sé­cu­ri­té, desi­gneuse… et tra­vaillent au quo­ti­dien entou­rées d'algorithmes et de data. Ces « mar­raines », comme on les appelle ici, font le tour des dif­fé­rentes acti­vi­tés de Veolia (ges­tion de l’eau, de l’énergie et des déchets) en met­tant l’accent sur l’intérêt que cela repré­sente de les cou­pler à des outils numé­riques, afin de cer­ner au mieux les détails des consommations. 

Les gar­çons lais­sés à la porte

En plus d’une pan­carte abor­dant un oui vert et non rouge de part et d’autre afin de réagir aux débats, les jeunes filles ont reçu un petit car­net et notent stu­dieu­se­ment ce que racontent les pro­fes­sion­nelles. Au point que Myriam s’interrompt pour pré­ci­ser, tout en louant leur assi­dui­té, que le PowerPoint leur sera trans­mis et qu’elles n’ont dès lors aucune obli­ga­tion de tout retranscrire. 

La principale-​adjointe du col­lège, qui encadre l’activité, explique que le par­te­na­riat existe depuis deux ans et que les jeunes sont demandeur·euses de ce genre de sor­tie. L’établissement aime­rait pro­po­ser une for­ma­tion plus four­nie en infor­ma­tique mais manque cruel­le­ment de maté­riel : à peine une tren­taine d’ordinateurs pour plus de 500 élèves. Signe de cet engoue­ment, deux gar­çons s’étaient ins­crits à l’atelier de ce matin, auquel les élèves par­ti­cipent de façon volon­taire. Mais Amel Kefif s’est mon­trée caté­go­rique : « C’est “Elles” bougent ». L’argument pour conser­ver la non-​mixité ? Il suf­fit d’un gar­çon pour muse­ler les élans des filles. Les concer­nées semblent d’ailleurs contentes de res­ter entre elles. « C’est mieux comme ça, il y en a marre des mecs », affirme un petit groupe.

Après avoir bien débrie­fé sur leurs postes chez Veolia, les mar­raines reviennent sur les côtés plus per­son­nels de leurs par­cours. Même si Yosr, dont le pré­nom épi­cène a joué quelques tours à ses col­lègues quand elle débar­quait dans une nou­velle boîte, recon­naît qu’elle a dû « davan­tage faire ses preuves qu’un homme », elles louent toutes le sec­teur du numé­rique : amu­sant, plein de décou­vertes, riche en d’offres d’emploi et où, l’ancienneté fai­sant, on peut gagner faci­le­ment 80 000 euros par an. Sur ces chiffres allé­chants et une petite pause qui vien­dra à bout des der­nières vien­noi­se­ries res­ca­pées du buf­fet du petit-​déjeuner, le groupe est divi­sé en trois pour la deuxième par­tie de l’activité, l’atelier « Dessine moi une appli­ca­tion mobile ». Le but est d'imaginer une inter­face pro­po­sant des ser­vices en lien avec les thé­ma­tiques de Veolia. 

Brainstormer l'app

Un peu timides durant la pré­sen­ta­tion magis­trale, n’osant ni trop poser des ques­tions ni trop y répondre, les col­lé­giennes révèlent leur plein poten­tiel durant cette deuxième par­tie. Selena et Majda ont plein d'idées pour une appli­ca­tion qui encou­ra­ge­rait la valo­ri­sa­tion des déchets. Ces filles issues de la frange la plus juvé­nile de la gen’Z ne connais­saient pas les noms exacts des métiers du numé­rique avant ce matin mais en maî­trisent les codes sur le bout des doigts. « On ferait des pro­fils comme sur Netflix », « Tu vois le jeu Pou1 ? », brainstorment-​elles sur le tableau, avant de se lan­cer dans des cro­quis détaillés.

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Le qua­tuor de l'application dédiée au tri pro­pose une famille entiè­re­ment fémi­nine dans son prototype. 

À la ques­tion de savoir si cette courte immer­sion dans l’univers des métiers du numé­rique a lan­cé des voca­tions, Majda, bien qu’elle semble ado­rer l’exercice, répond qu’elle ne se voit pas bos­ser devant un bureau. Selena, comme Nour, se dit « Pourquoi pas ? » Peut-​être qu’elle vien­dra faire son stage d’observation ici l’année pro­chaine, Veolia s’engage en tout cas à accueillir régu­liè­re­ment des col­lé­giennes. « Je vais faire ça plus tard, c’est bon j’ai déci­dé » déclare une Toni sûre d’elle face à sa créa­tion, qu’elle juge très réus­sie (« C’est bon, arrête de te la racon­ter », assène sa voi­sine) : la page d’accueil de son appli­ca­tion per­met­tant de mieux gérer sa consom­ma­tion d’eau. Cette der­nière s’appelera « Cons’eau » comme l’explique tant bien que mal quelques minutes plus tard sa cama­rade en plein fou rire devant le demi-cercle.

Après des applau­dis­se­ments four­nis et avant qu’un bus affré­té par Elles bougent ne les ramènent à l'école, les col­lé­giennes reçoivent une petite gourde. Verte, comme le côté du pan­neau qu’elles ont affi­ché quand Myriam leur a deman­dé si elles avaient pas­sé une bonne matinée. 

  1. Animal de com­pa­gnie vir­tuel, dis­po­nible sur smart­phone[]
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