98 martin hirsch © J.Faulsimagne
© J.Falsimagne

Martin Hirsch : « En 2029, une poli­tique de dis­cri­mi­na­tion posi­tive est deman­dée pour les hommes »

Pour les dix ans de Causette, Martin Hirsch a accep­té de nous écrire depuis le tur­fu, tel qu’il l’imagine. Bienvenue en 2029.

Chère Causette,

Je suis déso­lé de te déran­ger, mais j’ai besoin de tes conseils avi­sés avant le direc­toire de l’hôpital, qui se tient demain. Nous sommes confron­tés à un pro­blème déli­cat avec la péti­tion adres­sée par nos col­lègues méde­cins qui demandent une poli­tique de dis­cri­mi­na­tion positive. 

Ils ont fait un recen­se­ment. Il n’y a qu’un seul homme au direc­toire, à peine 25 % d’hommes par­mi les chefs de ser­vice. Ils ont fait remon­ter des plaintes de patients en uro­lo­gie qui récla­maient d’être exa­mi­nés par un homme et avaient refu­sé qu’une femme méde­cin pro­cède à l’examen cli­nique pour leur pro­blème prostatique. 

Nous nous deman­dons si ces récla­ma­tions ne sont pas ins­tru­men­ta­li­sées, mais nous sommes obli­gés de les prendre au sérieux. Le pro­blème est pénible, car cela fait suite à une longue déli­bé­ra­tion sur les fresques des salles de garde au cours du der­nier direc­toire. Une délé­ga­tion d’internes s’est plainte de la manière dont les gar­çons étaient mis en scène sur ces fresques dans des posi­tions qu’ils trou­vaient indignes. 

Sur la repré­sen­ta­tion des hommes dans les ins­tances, nous avons essayé de plai­der le fait que 90 % du corps médi­cal étant fémi­nin, il n’était pas anor­mal que les chefs de ser­vice soient éga­le­ment majo­ri­tai­re­ment des femmes. Les débats ont été hou­leux et la solu­tion qui se des­sine est com­plexe. Comme cer­tains col­lègues ont fait valoir qu’avec la télé­mé­de­cine et l’intelligence arti­fi­cielle, le contact direct entre un méde­cin et un malade était de plus en plus rare, il a été pro­po­sé que sur l’écran appa­raissent une fois sur deux le visage d’un homme et le visage d’une femme. Nous avons dû alors sai­sir le comi­té d’éthique de notre hôpi­tal pour savoir s’il était déon­to­lo­gique de pro­cé­der ainsi. 

Merci de tes conseils. J’en pro­fite pour te dire que lors du staff d’hier, nous nous sommes pen­chés sur ton génome, dans le cadre de nos tra­vaux de méde­cine pré­dic­tive. Nous avons mis en évi­dence quelques mala­dies qui, pro­ba­ble­ment, t’attendent pour les trente pro­chaines années. Tu me diras si tu veux savoir ce qu’il en est, ou si tu pré­fères res­ter dans l’ignorance. C’est bien sûr à toi de déci­der. Je t’embrasse. 

Martin Hirsch est direc­teur géné­ral de l’Assistance publique-​Hôpitaux de Paris. Il a publié chez Stock, le 27 février 2019, Comment j’ai tué son père, en réponse aux attaques de l’écrivain Édouard Louis à son encontre dans Qui a tué mon père (éd. Seuil, 2018).

Partager
Articles liés

Inverted wid­get

Turn on the "Inverted back­ground" option for any wid­get, to get an alter­na­tive sty­ling like this.

Accent wid­get

Turn on the "Accent back­ground" option for any wid­get, to get an alter­na­tive sty­ling like this.