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Transphobie ordi­naire : une péti­tion pour inter­pel­ler les médias

Suite à la dif­fu­sion du sujet « Mon fils de huit ans est une fille » dans l’émission Sept à huit sur TF1 le 13 sep­tembre der­nier, de nom­breuses voix se sont à nou­veau éle­vées pour dénon­cer le mau­vais trai­te­ment des per­sonnes trans dans les médias. Un jeune homme a même lan­cé une péti­tion « pour le res­pect des per­sonnes trans­genres dans les médias ». Qu’il s’agisse de mal­adresses ou de trans­pho­bie, les médias ont encore beau­coup à apprendre sur le sujet.

« Mon fils de huit ans est une fille » titrait le por­trait de la semaine de l’émission heb­do­ma­daire Sept à Huit, dif­fu­sé le 13 sep­tembre der­nier sur TF1. Pendant neuf minutes, Chrystelle raconte à la jour­na­liste Audrey Crespo-​Mara, le che­mi­ne­ment de sa fille, Lilie, née assi­gnée au mau­vais genre. Elle témoigne éga­le­ment de son com­bat contre l’administration fran­çaise pour qu’elle recon­naisse la tran­si­den­ti­té de sa fille. L’amour mater­nel qui se dégage de ses mots est poi­gnant. Mais lorsque Lilie appa­rait à l’écran, bou­clettes dorées et large sou­rire, la ques­tion de la jour­na­liste fuse : « T’es pas un petit gar­çon ? » « Non », répond Lilie du tac au tac. Ce qui n’empêche pas Audrey Crespo-​Mara d’appuyer sa demande : « T’es sûr ? »

Un trai­te­ment média­tique trans­phobe aux yeux de Maxence Tisserand, jeune homme trans­genre de 21 ans. Il décide alors lan­cer une péti­tion sur change.org, qui a récol­té à ce jour quelques 7 400 signa­tures, « pour le res­pect des per­sonnes trans­genres dans les médias ». Lui-​même vic­time de trans­pho­bie depuis ses 16 ans, il met en garde contre les consé­quences néga­tives des mes­sages véhi­cu­lés par le repor­tage niant le genre de l’enfant. 

« En uti­li­sant son dead­name [pré­nom attri­bué à une per­sonne trans­genre à sa nais­sance, nldr] à de mul­tiples reprises, Audrey Crespo-​Mara ne prend pas en compte le sou­hait de Lilie de ne plus être asso­ciée à ce pré­nom », observe Maxence, inter­viewé par Causette. S’agit-il d’une mal­adresse ? Pas vrai­ment, quand on entend la jour­na­liste cor­ri­ger la mère de Lilie, qui dit « ma fille »et se voit rétor­quer « votre fils ».

Pour Maxence Tisserand, ne pas gen­rer cor­rec­te­ment Lilie, c’est ne pas la prendre au sérieux. « Audrey Crespo-​Mara a dû se dire qu’elle n’était pas assez grande pour savoir ce qu’elle veut, dénonce-​t-​il.Alors qu’ils existe des mil­liers d’enfants cer­tains d’être nés dans un corps qui n’est pas le leur. » 

Si la socié­té de pro­duc­tion de Sept à huit n’est pas reve­nue vers nous suite à notre demande d’interview, Audrey Crespo-​Mara a, elle, été ques­tion­née le 16 sep­tembre par 20 Minutes au sujet de cette séquence. Tout en expli­quant que ni Lillie ni sa mère n’ont été cho­quées par l’interview, la jour­na­liste mégenre à nou­veau la petite fille (« le petit gar­çon de 8 ans est convain­cu d’être une petite fille enfer­mée dans un corps de gar­çon ») et assume le faire puisque « citer le pré­nom Baptiste, qui est encore celui de l’enfant à l’état-civil, ne [lui] semble pas indélicat. »

« Open-​bar » de sensationnalisme

De quoi aga­cer Rachel Garrat-​Valcarcel, co-​présidente de l’association des jour­na­listes LGBT (AJL), elle-​même jour­na­liste chez 20 Minutes. « Audrey Crespo-​Mara réitère dans cette inter­view ses pro­pos trans­phobes, dénonce la jour­na­liste. C’est un retour en arrière qui ne me sur­prend guère. Les pro­grès en matière de lutte contre la trans­pho­bie dans les médias ne sont pas linéaires, on avance par à‑coups. » Et de men­tion­ner des articles sur le sui­cide d’une jeune femme trans la semaine der­nière à Montpellier, qui mégen­raient allè­gre­ment là encore, la per­sonne. « Il y a sou­vent chez mes confrères et consoeurs jour­na­listes une envie de sen­sa­tion­nel, analyse-​t-​elle. Et appa­rem­ment, en matière de sen­sa­tion­nel, la tran­si­den­ti­té, c’est open-​bar. La lutte pour les droits et le res­pect des per­sonnes LGBT com­porte une poli­tique de visi­bi­li­té car plus on nous voit, plus il est dif­fi­cile de nous reje­ter. Or, concer­nant la tran­si­den­di­té, il y a un revers de la médaille : le risque de fétichisation. »

Depuis 2015, l’AJL pro­pose en libre accès sur son site une charte* « les médias contre l’homophobie », pro­po­sant des règles de bonne conduite en matière de trai­te­ment des thé­ma­tiques LGBT, des per­sonnes concer­nées et des jour­na­listes LGBT au sein des rédac­tions. Concernant la tran­si­den­ti­té, l’AJL pré­co­nise de « veiller à res­pec­ter le genre social des per­sonnes trans (et non s’en tenir au genre légal) » ; « ne pas réduire la tran­si­den­ti­té aux opé­ra­tions chi­rur­gi­cales de réas­si­gna­tion sexuelle » et d’éviter « les cli­chés, les blagues de mau­vais goût et le sen­sa­tion­na­lisme ». Rachel Garrat-​Valcarel tacle : « Les res­sources existent, il suf­fit juste que la cor­po­ra­tion fasse son tra­vail de recherches sur le sujet comme elle le fait sur d'autres. »

  • * Causette en est signa­taire, comme une cin­quan­taine de titres.

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