L'étudiante japonaise avait disparu le 5 décembre 2016 de sa résidence de Besançon. Son corps n'a jamais été retrouvé. Le procès en appel de son ancien compagnon, Nicolas Zepeda, auteur présumé de ce féminicide, débute ce lundi matin.
"La famille vient sans aucun espoir, ni de révélation, ni d'aveux, ni de vérité de la part de Nicolas Zepeda. Elle en a fait son deuil, entretenir cet espoir serait extrêmement destructeur", a déclaré sur les marches du tribunal de Vesoul Sylvie Galley, l'avocate de la famille de Narumi Kurosaki. En ce premier jour de procès, l'accusé a à nouveau clamé son innocence : "je conteste avec toutes mes forces les faits qui me sont reprochés", a déclaré Nicolas Zepeda, en français, pour sa première prise de parole devant la cour. "Ça a été un vrai cauchemar. Sept années sont passées (depuis la disparition), je porte Narumi dans mes pensées, je pense à l'énorme chagrin dans sa famille, que j'ai tout le temps avec moi. Je n'ai pas tué Narumi". Le corps de la jeune étudiante n'a jamais été retrouvé.
Arrivée en France dans le cadre d'un séjour universitaire, Narumi Kurosaki, alors âgée de 21 ans, n'a plus été vue depuis le 5 décembre 2016. La veille, son ex petit-ami, Nicolas Zepeda, s'était présenté sans prévenir sur le campus de la jeune japonaise. Le chilien venait de traverser l'Atlantique pour retrouver Narumi Kurosaki, plusieurs semaines après leur rupture. Ce soir là, ils avaient mangé ensemble au restaurant, avant de rejoindre la résidence de Besançon qu'occupait l'étudiante pendant son séjour. Plusieurs autres résident·es ont par la suite déclaré avoir été réveillé·es dans la nuit par des "cris de terreur", sans que personne ne prévienne néanmoins les secours ou la police.
Les jours suivants, des messages avaient été envoyés depuis l'adresse email et le compte Facebook de Narumi Kurosaki. Rien ne prouve cependant que la jeune femme était toujours en vie : Nicolas Zepeda connaissait les identifiants de son ex petite-amie. Selon les enquêteur·ices, le jeune homme aurait sciemment diffusé ces preuves de vie afin de pouvoir reprendre l'avion vers le Chili sans éveiller les soupçons. Rentré en Amérique latine, il se serait par ailleurs réjoui auprès de son cousin que son pays n'entretienne "aucun accord d'extradition avec la France". Pour obtenir son extradition, la juge d'instruction et le procureur s'étaient rendu·es en personne à Santiago.
En première instance, chaque partie avait campé sur ses positions, Nicolas Zepeda n'apportant aucun élément susceptible de déterminer la localisation de Narumi Kurosaki. Humberto Zepeda, le père de l'accusé, a d'ailleurs exprimé le désir de voir son fils innocenté à l'issue de ce "nouveau procès". "Personne ne peut affirmer aujourd'hui avec certitude que Narumi est morte. Scientifiquement, c'est impossible", a‑t-il déclaré à la presse, avant le début de l'audience. "Nous sommes au XXIe siècle. Un pays aussi développé que la France ne peut pas condamner une personne à 28 ans (de réclusion) sur une hypothèse, ce n'est pas possible", a‑t-il ajouté, en référence au verdict prononcé en première instance par la cour d'assises de Besançon, en avril 2022.
Cet appel devant la cour d'assises de Haute-Saône, sept ans après la disparition de l'étudiante, doit servir à apporter "une autre lecture du dossier", d'après Renaud Portejoie, un des avocats de Nicolas Zepeda. Pour ce faire, la défense a fait réaliser une nouvelle expertise psychiatrique et pourrait s'appuyer sur de nouveaux témoins à l'audience. L'accusé aborde lui-même différemment ce nouveau passage aux assises : il n'est plus détenu à l'isolement, et a appris le français en prison, deux facteurs qui devraient l'amener à s'exprimer différemment face aux juges. Assis dans le box des accusé·es ce lundi, c'est en effet en français que Nicolas Zepeda a échangé avec le président de la cour, François Arnaud, qui lui a indiqué qu'il pouvait choisir la langue dans laquelle il voulait s'exprimer. "C'est compris, merci", lui a répondu l'accusé devant une salle comble, dans laquelle ont notamment pris place la mère et les deux soeurs de la victime.
La famille de Narumi Kurosaki refuse de placer trop d'espoirs dans ce nouveau procès. "Si la famille est là aujourd'hui, c'est pour une seule et unique raison : honorer la mémoire de Narumi", a déclaré Sylvie Galley, l'avocate des proches de l'étudiante. De son côté, l'avocat général, Etienne Manteaux, qui portera l'accusation au cours des trois semaines que doit durer ce procès, a tout de même exprimé sa "détermination". Randall Schwerdorffer, avocat du compagnon de Narumi au moment de sa disparition, dit lui aussi garder "l'espoir d'un aveu dans ce second procès", se rappelant d'un Nicolas Zepeda "très chancelant" en première instance.