La Belgique a voté définitivement vendredi un projet de réforme du droit pénal sexuel : renforcement des peines pour viol, nouvelle définition du consentement, apparition de la notion pénale d'inceste et décriminalisation des personnes venant en aide aux prostituées sont les principaux changements introduits par la loi.
« Sur le plan du travail sexuel, il s’agit d’une réforme historique » a affirmé vendredi dernier Vincent Van Quickenborne (Open VLD, libéraux), le ministre belge de la Justice, au moment où le parlement belge adoptait un texte de loi dépoussiérant le code pénal en matière de crimes et délits sexuels. La réforme du « droit pénal sexuel » a obtenu le soutien de la majorité parlementaire rejointe par DéFI (centre), tandis que la N‑VA (droite), le Vlaams Belang (extrême droite) et le PTB (extrême gauche) se sont abstenus.
C’est par ce premier volet que le gouvernement d’Alexandre de Croo (Open VLD) a amorcé le processus de modernisation de l'ensemble du code pénal belge. Un choix revendiqué par Vincent Van Quickenborne, qui a fait de la lutte contre les infractions sexuelles l’un des engagements phares de son ministère. Dans le texte voté, la volonté de mieux protéger les femmes se traduit par les modifications suivantes : l’alourdissement des peines dans les condamnations pour viol (de 5 à 10 ans de prison au préalable, l'incarcération passe à 15 voire 20 ans), l’apparition du terme inceste et de la définition du consentement qui doit « être donné librement » et « ne peut pas être déduit de la simple absence de résistance de la victime ». Il est désormais précisé qu’il ne peut y avoir de consentement si « l’acte à caractère sexuel a été commis en profitant de la situation de vulnérabilité due à un état de peur, à l’influence de l’alcool, de stupéfiants, et substances psychotropes ou de toute autre substance (…) altérant le libre arbitre. » Une modification législative décidée alors que le pays a connu ces derniers mois avec #BalanceTonBar une grande mobilisation des féministes contre les violences sexuelles dans le milieu de la nuit, notamment commises après intoxication au GHB.
On constate également une mise à jour de certains principes datant de 1867, date de la création du code pénal belge moderne : la notion d'« attentat à la pudeur » disparaît et les délits et crimes sexuels sont désormais classés comme infractions contre les personnes et non plus contre « l'ordre des famille et la moralité publique ».
Travail du sexe, un vrai métier
Par ailleurs, l'autre volet de la réforme n'est pas répressif mais au contraire permissif. Allant dans le sens des requêtes formulées depuis de nombreuses années par de nombreuses associations de travailleuses du sexe ainsi que des organisations internationales telles qu’Amnesty International et Onu Sida, la réforme dépénalise complètement la prostitution indépendante et abroge la discrimination de statut de celle-ci. La Belgique observait jusqu’ici une « politique de tolérance ». Comprendre : les travailleur·euses du sexe possédaient le droit d’exercer mais des lois – perçues comme abolitionnistes aux yeux des associations de prostitué·es – criminalisaient toute tierce partie qui leur accordait leur aide quant à la gestion (banque, assurance, avocat·e…) de leur activité, qui n'était pas reconnue comme un métier. Ce cadre juridique fragilisait dans les faits les travailleur·euses du sexe, dans l'incapacité par exemple de faire reconnaître une maladie professionnelle pour une activité sans existence officielle. Iels étaient également confronté·es à la difficulté de louer un logement sans preuves de rentrées financières ou encore à l'impossibilité de cotiser aux prestations sociales (retraite, chômage, mutuelle). Conséquence : les travailleur·euses du sexe exercent généralement bien après l'âge légal du départ à la retraite.
En reconnaissant désormais la prostitution indépendante comme un métier, la Belgique, dans le même temps, décriminalise les tiers aidants, tout en continuant à condamner le proxénétisme. Le travail du sexe pour une entreprise, dans la situation par exemple où des prostituées se réuniraient en collectif, fera quant à lui l’objet d'un encadrement légal dans une phase ultérieure.
La Belgique est le premier pays d’Europe (et deuxième au monde, après la Nouvelle-Zélande) à opérer cette décriminalisation, réalisée avec l’apport de nombreuses associations de terrains écoutées durant les travaux préparatoires. Une grande première saluée notamment par l’Union des Travailleur·ses du sexe Organisé·es pour l'Indépendance (Utsopi), qui a loué « une démarche courageuse » et se réjouit de cette avancée pour l'obtention des droits sociaux.
Les avantages concrets que devraient permettre cette loi, qui entrera en vigueur début juin, sont à préciser a posteriori. Dans deux ans, la Chambre des représentants évaluera d'ailleurs l'application des nouvelles dispositions, ainsi que l'instaure l'article 83 : « [l'évaluation] doit inclure au moins la traite des êtres humains, le soutien aux personnes prostituées, (…), la défense des droits économiques et sociaux des travailleurs et l'accès à la santé. »
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