Le 13 mai, l’ex-ministre de l’Économie Kouandyk Bichimbaïev a écopé d’une peine de vingt-quatre ans d’enfermement pour avoir commis un féminicide particulièrement violent. Diffusé sur Internet, le procès a déclenché de vifs remous dans la population, qui commence à briser le tabou des violences conjugales.
Depuis plusieurs mois, le Kazakhstan est ébranlé par une sordide affaire de féminicide : Kouandyk Bichimbaïev, ex-ministre de l’Économie, a torturé et tué sa femme en novembre 2023. Le 13 mai, le tribunal de la capitale, Astana, a rendu sa décision et l’a condamné à vingt-quatre ans de prison.
La juge Aïjan Koulbaeva a reconnu l’accusé coupable du “meurtre particulièrement cruel” de Saltanat Noukenova et de “tortures”. Elle a également estimé qu’il présentait “un risque dangereux de récidive”. Une condamnation inédite pour le Kazahkstan. Kouandyk Bichimbaïev n’a pas souhaité faire de déclaration quand la juge lui a demandé s’il avait une question. Comme le précise Le Monde, il a admis être coupable de ce meurtre, mais a affirmé qu’il n’était “pas prémédité”. Il fait toutefois appel, la date du futur procès n’est pas encore connue à ce jour. Un autre accusé, Bakhytjan Baijanov, a été condamné à quatre ans de prison pour avoir aidé à cacher le crime. Kouandyk Bichimbaïev, qui fut aussi conseiller de l’ancien président Noursoultan Nazarbaïev, avait déjà été condamné à dix ans de prison pour corruption avant de bénéficier d’une libération conditionnelle en 2019, grâce à Nazarbaïev.
400 féminicides par an pour 20 millions d'habitant·es
Saltanat Noukenova a été tuée par son mari, à 31 ans, durant la nuit du 8 au 9 novembre dans un restaurant huppé d’Astana qui appartient à l’accusé. Le tueur, ivre, a accusé sa victime d’infidélité avant de la battre à mains nues. Enregistrées par les caméras de surveillance du restaurant, les vidéos de la scène de meurtre ont été présentées lors du procès, qui avait commencé le 24 mars. Diffusée en russe sur la chaîne YouTube de la cour, à la demande de l’accusé, l’audience a été suivie en direct par 2 millions de spectateur·rices et a révélé que la victime subissait des violences physiques et psychologiques depuis le début de leur mariage, un an plus tôt.
D’après les autorités, plus de quatre-vingts féminicides sont recensés annuellement dans ce pays de 20 millions d’habitant·es, les Nations unies évoquant elles le chiffre de quatre cents. En 2017, les violences domestiques ont été transférées du Code pénal au Code administratif : la peine des personnes reconnues coupables a été réduite à une légère amende, au maximum à quelques jours de détention. Les cas de violence domestique ont donc triplé en l’espace de cinq ans.
Le féminicide de Saltanat Noukenova a agi comme un électrochoc dans cette séquence de recrudescence des violences. Les témoignages de victimes se propagent depuis plusieurs mois sur les réseaux sociaux et, le 15 avril, l’actuel président, Kassym-Jomart Tokaïev, a renforcé l’arsenal législatif contre les violences domestiques. Une campagne d’affichage publique appelant les femmes à porter plainte est également en cours et les forces de l’ordre ont annoncé une hausse des arrestations.
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