En Italie, les Sardines disent Bella Ciao à Salvini

Le 14 décembre 2019, un énorme banc de Sardines a enva­hi la place Saint-​Jean-​de-​Latran, à Rome, pour s’opposer au popu­lisme et au racisme de Matteo Salvini. Joyeux, citoyen et enga­gé, ce mou­ve­ment, né à Bologne un mois plus tôt, espère être un rem­part à son par­ti, la Ligue, lors des élec­tions régio­nales d’Émilie-Romagne, en jan­vier 2020.

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© Valentina Piccini et Jean-​Marc Caimi pour Causette

« ROOOOMAAAA ! », crie-​t-​il dans le micro, ce 14 décembre après-​midi, per­ché sur l’estrade ins­tal­lée place Saint-​Jean-​de-​Latran, à Rome. Un ins­tant, on se croi­rait au concert d’une rock star, entrée fra­cas­sante sous les ton­nerres d’applaudissements d’une foule com­pacte. En un mois, Mattia Santori a beau­coup chan­gé. En deve­nant la figure de proue du mou­ve­ment des Sardines, qu’il a créé avec trois ami·es – Giulia Trappoloni, Roberto Morotti et Andrea Garreffa –, presque sans y pen­ser, comme ça, pour voir, le tren­te­naire ano­nyme de Bologne a dû s’affirmer. 

Tout a com­men­cé comme un pari, lan­cé sur Facebook début novembre 2019. Chiche, mon­trons à Matteo Salvini, chef de la Ligue, que nous pou­vons être plus nombreux·euses que les sou­tiens du par­ti d’extrême droite à nous réunir contre « son popu­lisme, sa vul­ga­ri­té et sa poli­tique de la haine et de la divi­sion ». Ce mou­ve­ment, qui prend le nom de Sardines, parce que le qua­tuor bolo­gnais invite les gens à se ser­rer sur les places des grandes villes « comme des sar­dines en boîtes », est un para­doxe en soi : il inter­vient au moment où Matteo Salvini a retrou­vé les rangs de l’opposition. En sep­tembre, le popu­liste décom­plexé a en effet cla­qué la porte du gou­ver­ne­ment de coa­li­tion Ligue-​Mouvement 5 étoiles, dont il était ministre de l’Intérieur, parce que le pré­sident de la République lui a refu­sé « les pleins pou­voirs ». Mais ses vitu­pé­ra­tions aux relents fas­ci­sants n’en demeurent pas moins dan­ge­reuses. Le 27 octobre, les élec­tions régio­nales par­tielles en Ombrie ont por­té la Ligue au pou­voir. Et les son­dages montrent que l’Émilie-Romagne, région tra­di­tion­nel­le­ment « rouge », pour­rait, elle aus­si, bas­cu­ler en « bleu Ligue » à l’issue des élec­tions régio­nales qui, pour elle, auront lieu le 26 jan­vier 2020.

“Cette his­toire a pris un tour­nant inat­ten­du, parce que les cer­veaux se sont remis à fonc­tion­ner et la démo­cra­tie a été réactivée” 

Mattia Santori, figure de proue du mou­ve­ment des Sardines

Les quatre ami·es de Bologne, capi­tale de l’Émilie-Romagne, décident alors de prendre le tau­reau par les cornes. Et leur appel dépasse lar­ge­ment leurs espé­rances. Le 14 novembre, sur la Grande Place, à Bologne, ce ne sont pas six mille per­sonnes, comme escomp­tées, qui se tiennent ser­rées les unes contre les autres pour dire non à la Ligue en Émilie-​Romagne, mais bien quinze mille. Deux règles simples : venir sans aucun signe de rat­ta­che­ment à un par­ti ou à une orga­ni­sa­tion quel­conque et ne jamais être offen­sant ni insul­tant, his­toire de contras­ter avec la vio­lence ver­bale usuelle de Salvini. Puis tout s’enchaîne, très vite. En quelques semaines, la conta­gion se pro­page dans tout le pays. Modène, Rimini, Florence, Sorrente, Turin, Naples… Des cen­taines de mil­liers de per­sonnes enva­hissent leurs places avec de joyeuses sar­dines bri­co­lées dans du car­ton sur les­quelles on grif­fonne des slo­gans anti­ra­cistes et entonnent en chœur Bella Ciao, l’hymne de la résis­tance ita­lienne. Enfin, aujourd’hui, « la majo­ri­té jusque-​là silen­cieuse » se réveille et « reprend la place Saint-​Jean », dixit[…]

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