
Un vent de liberté souffle sur les vulves du monde entier. Avec la libération de la parole post #MeToo, on a vu les langues se délier. Sur les agressions sexuelles subies par les femmes, bien sûr. Mais aussi, dans le même temps, sur leur sexualité. En un an, pour notre plus grande joie, ont fleuri des dizaines de podcasts, de livres, de programmes courts pour la télévision, de festivals pour célébrer le sexe des femmes sous toutes les coutures. À notre tour de mettre en lumière celles qui les font et nous permettent, grâce à leur talent, de diffuser la bonne parole. Petit tour d’horizon de ces « sexploratrices » qui nous autorisent à reprendre le contrôle de nos corps et de notre liberté.
Clit Revolution : hasta siempre !
Elles ont manifesté avec un clitoris géant devant la Trump Tower, à New York, collé des serviettes hygiéniques sur le ministère de la Santé à Rabat, au Maroc, chanté fesses nues avec une queue de yegua (« jument », un équivalent de « chienne ») sur les places de Santiago, au Chili. Rien ne semble refroidir Elvire Duvelle-Charles et Sarah Constantin quand il s’agit de défendre le droit des femmes à vivre la sexualité qu’elles veulent. C’est à ces deux journalistes, réalisatrices et activistes, amies dans le civil, que l’on doit la série documentaire Clit Revolution, diffusée sur France.tv Slash depuis mars. Ses autrices y rencontrent des militantes – aussi bien l’artiste Sophia Wallace que des lycéennes kényanes luttant contre l’excision – avec qui elles se filment en train de mener des actions dans l’espace public.

Leurs chemins se croisent fin 2012, au sein de Femen, mouvement féministe connu pour ses actions seins nus contre le patriarcat. Elles vivront un temps dans le squat du groupe et militeront ensemble cinq années durant. En 2015, l’une fait notamment partie des activistes apparues avec des banderoles « Heil Le Pen » pendant un rassemblement du FN, quand l’autre participe à un « comité d’accueil » Femen de Dominique Strauss-Kahn à son procès pour l’affaire du Carlton de Lille.
En parallèle, les deux trentenaires officient dans la même rédaction : (feu) L’Autre JT, de France 4. En 2016, elles tournent le clip CLIT-Saint-Valentin, parodie savoureuse de la chanson misogyne du rappeur Orelsan : 300 000 vues. La même année, elles décident de créer leur propre série vidéo pour y parler de sexualité. « On s’est rendu compte qu’on n’avait aucun problème à défendre des idées féministes dans la rue, mais qu’on n’osait pas remettre en question les normes phallocentrées dans notre intimité », explique Elvire Duvelle-Charles. Un pilote est tourné, un compte Instagram où diffuser la bonne parole créé. La plateforme numérique progressiste de France Télévisions accepte le projet en juin 2018. Elles en ressortent changées, jusque dans leur sexualité. « Ça ouvre les chakras du cul », admet Sarah Constantin. Pour leur « communauté », aussi. Sur Instagram, il leur arrive que des femmes leur écrivent qu’elles ont connu, grâce à leurs bonnes œuvres, leur premier orgasme. Amen.
Dans leur radar : Jüne, l’autrice du compte Instagram @jouissance.club, « parce que c’est le Kamasutra 2023 ».
Anouk Perry : la gonzo du cul
Elle a débarqué l’été 2018 dans nos oreilles avec un ovni audio : Qui m’a filé la chlamydia ?, podcast en cinq épisodes diffusé sur la plateforme Nouvelles Écoutes. Anouk Perry a mené une enquête quasi policière pour retrouver la personne qui lui a transmis son IST (infection sexuellement transmissible). Une prouesse du journalisme gonzo, saluée par de nombreux médias, dont le très sérieux Figaro Santé. Anouk cherche un·e « coupable » parmi les participant·es d’un « plan à cinq ». Mais qui est donc cette jeune femme de 25 ans parvenue à faire évoquer une partouze dans la presse quotidienne nationale de droite ? « Proche des milieux sex-positive depuis l’adolescence », Anouk Perry a fait ses armes en tant que rédactrice sexualité pour le site Madmoizelle avant de se lancer dans la grande aventure du podcast à son compte. Si elle ne parle que de fesses – ses autres marottes sont, entre autres, le paranormal et les histoires crousti-embarrassantes –, elle s’est fait un nom grâce à sa façon d’aborder la « chose » sans tabou.

« Dans mes créations, il y a clairement l’envie de donner une image détendue de la sexualité, mais comme j’ai à cœur de ne pas tomber dans l’injonction à une sexualité débridée, je ne théorise jamais, observe Anouk. Le sex-positive est un angle de mes podcasts, comme l’est la perspective féministe, sans que j’aie à mettre les mots dessus. » Un travail auréolé du prix Scam du podcast documentaire, qui lui a été remis en octobre pour J’ai assisté à un gang bang – La délicatesse des gang bangs. Oui, Anouk Perry a osé assister à une scène de sexe à plusieurs organisée par une entreprise spécialisée pour voir si la femme au centre de l’attention de ces messieurs était réellement la « reine de la soirée ». Vous pouvez actuellement suivre sa série de reportages mensuels Le Tour de France du cul, conçue pour mettre en lumière « des initiatives sex-positives en dehors de l’entre-soi bobo parisien ». Dans le premier épisode, elle est allée au planning familial de Marseille et a rencontré Shérine, une Marseillaise de 42 ans, qui n’a découvert la sérénité sexuelle que tardivement.
Dans son radar :[…]