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Maternités : faut-​il un label « bientraitance » ?

Quelque deux cents mater­ni­tés fran­çaises l’ont d’ores et déjà deman­dé. Lancé mi-​octobre par le Conseil natio­nal des gyné­co­logues et obs­té­tri­ciens fran­çais (CNGOF), le label « bien­trai­tance » des mater­ni­tés se veut être une réponse aux vio­lences obs­té­tri­cales dénon­cées avec force depuis des années par les patientes. Transparence sur les taux d’épisiotomies, infor­ma­tion consul­table sur une pla­te­forme vidéo, accom­pa­gne­ment dans le pro­jet de nais­sance… Le CNGOF – qui n’a pas sou­hai­té répondre à nos ques­tions – a lis­té douze cri­tères que devront obser­ver les éta­blis­se­ments label­li­sés. Grande avan­cée ou effet d’annonce ? 

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Anne Évrard

Porte-​parole du Collectif inter­as­so­cia­tif autour de la nais­sance (Ciane)

« Nous avons refu­sé de par­ti­ci­per aux tra­vaux pré­pa­ra­toires à ce label dont nous ne voyions pas l’intérêt. Nous avons pré­fé­ré inté­grer un groupe de tra­vail plu­ri­dis­ci­pli­naire lan­cé, là aus­si, par le CNGOF, en 2017, la com­mis­sion ProBité, pour pou­voir envi­sa­ger sur le long terme des chan­ge­ments de grande ampleur pour sor­tir des vio­lences obs­té­tri­cales. 
Ce qui nous frappe, c’est que la notion de consen­te­ment est la grande absente des cri­tères pro­po­sés par ce label. Par ailleurs, nous n’avons aucune infor­ma­tion sur qui l’attribue et pour com­bien de temps. Apparemment, les mater­ni­tés l’obtiendront en sou­met­tant un dos­sier décla­ra­tif. Qui vien­dra véri­fier la réa­li­té sur place ? Le for­mu­laire de satis­fac­tion de la patiente, lui aus­si, pose ques­tion. Qui va ana­ly­ser les réponses ? Les éven­tuelles plaintes seront-​elles remon­tées ? Quant au “pro­jet de nais­sance modèle pro­po­sé à toutes les patientes”, là encore, on ne com­prend pas. J’ai enten­du des gyné­cos cri­ti­quer de futures mères qui, selon eux, “copient toutes leur pro­jet sur Internet”. Et en réac­tion, la cor­po­ra­tion leur pro­pose un modèle type ? Ça ne va pas dans le sens d’une per­son­na­li­sa­tion et d’une auto­no­mi­sa­tion pré­ten­du­ment souhaitées. » 

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Marie-​Hélène Lahaye

Juriste et blo­gueuse fémi­niste (Marieaccouchela.net)

« Quand on regarde les cri­tères pour obte­nir ce label, c’est assez lamen­table. Transparence sur le taux d’épisiotomies ? Cela signi­fie qu’une mater­ni­té qui ferait 45 % d’épisiotomies pour­rait rece­voir le label du moment qu’elle l’annonce, alors que l’Organisation mon­diale de la san­té recom­mande un taux de 10 %. Des “expli­ca­tions avant la sor­tie de mater­ni­té” en cas d’intervention urgente ? Cela signi­fie qu’il n’y a pas d’obligation à don­ner les infor­ma­tions préa­la­ble­ment à l’accouchement. Le consen­te­ment libre et éclai­ré des femmes n’est donc pas res­pec­té. Une vidéo expli­ca­tive stan­dar­di­sée ? Tout comme le point pré­cé­dent, cela ne répond pas à l’objectif de la loi Kouchner de 2002, qui est l’infor-mation indi­vi­duelle de chaque femme, adap­tée à leur cas per­son­nel, à leurs ques­tions. Ce qui aurait du sens, ce serait de récom­pen­ser les mater­ni­tés à la pointe, qui réa­lisent moins de 1 % d’épisiotomies, par exemple. Ou les mai­sons de nais­sance, qui sont l’idéal de ce qui se fait aujourd’hui, mais qui, mal­heu­reu­se­ment, sont menacées. » 

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Anne-​Marie Curat

Présidente du Conseil natio­nal
de l’ordre des sages-femmes

« Ce label a un mérite : mon­trer, après deux ans de média­ti­sa­tion des vio­lences obs­té­tri­cales en France, que les gyné­co­logues réagissent et sou­haitent faire avan­cer les choses. Par contre, on ne peut que regret­ter que le CNGOF ait construit son label seul, sans consul­ter ni les patientes ni les autres ins­tances repré­sen­ta­tives des métiers de la nais­sance. 
La plu­part des cri­tères du label concernent des pra­tiques qui devraient être la norme dans toutes les mater­ni­tés. En ce qui concerne le cri­tère “confort du nouveau-​né”, qui évoque une “aide à l’allaitement pour les femmes qui le sou­haitent” et le “res­pect des rythmes de som­meil dans l’organisation des soins”, il est beau­coup moins ambi­tieux que le label IHAB (Initiative hôpi­tal ami des bébés) déjà exis­tant. Cette cer­ti­fi­ca­tion exi­geante a été mise en place il y a presque trente ans, selon les recom­man­da­tions de l’OMS. 
Reste que le sec­teur de la péri­na­ta­li­té est en grande souf­france en France. Les professionnel·les ne prennent pas assez de temps avec les patientes, condi­tion sine qua non de bien­trai­tance, et ce, parce que les mater­ni­tés sont sur­boo­kées. Nous réité­rons donc notre appel au minis­tère de la Santé de mener des états géné­raux de la péri­na­ta­li­té, dont le pre­mier enjeu devrait être de redé­fi­nir les rôles de cha­cun : les sages-​femmes sont inté­gra­le­ment aptes à accom­pa­gner la dimen­sion phy­sio­lo­gique de l’accouchement, les méde­cins doivent se concen­trer sur la dimen­sion patho­lo­gique si elle advient. » 

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Sylvie Pauthier

Gynécologue-​obstétricienne
à la mater­ni­té du Belvédère* 
(Mont-​Saint-​Aignan, Seine-Maritime)

« Ce label est un outil de défense des mater­ni­tés, et donc des femmes, face aux admi­nis­tra­tions toutes puis­santes qui ne cessent de ser­rer la vis. La moi­tié des mater­ni­tés fran­çaises a dis­pa­ru en vingt ans et, en trente ans, 40 % du per­son­nel. La label­li­sa­tion per­met d’inciter à main­te­nir nos équipes en posant des objec­tifs pré­cis. Par exemple, garan­tir la dis­po­ni­bi­li­té d’une anal­gé­sie démé­di­ca­li­sée – c’est-à-dire d’une alter­na­tive à la péri­du­rale – sous-​entend qu’il faut des soignant·es capables de répondre aux divers besoins des femmes en per­ma­nence, ce qui implique d’être plus présent·es auprès d’elles. Quant aux autres cri­tères, comme l’entretien pré­na­tal ou la vidéo d’information, cela évite que les parents s’en remettent à Internet. Ou au dis­cours unique de soignant·es qui ont aus­si leur propre avis, sur l’allaitement par exemple. Le label per­met enfin de se mettre d’accord sur un même dis­cours, contrô­lé, neutre et cor­rect sur le plan médi­cal. C’est une bonne base pour dis­cu­ter avec les femmes ensuite, en fonc­tion de leurs besoins. » 

* L’une des pre­mières mater­ni­tés à avoir reçu le label “bien­trai­tance”.

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