Dans un nouveau rapport, Amnesty International regrette le laisser-faire du réseau social Twitter face aux violences exercées en ligne à l’encontre des femmes et des personnes non-binaires.
« Twitter ne tient toujours pas ses engagements en matière de protection des utilisateurs et utilisatrices exposés à un risque élevé de violence en ligne » alerte Michael Kleinman, directeur du programme Technologie et Droits humains à Amnesty International États-Unis. Dans son rapport rendu le 7 décembre, Amnesty International déplore la négligence du réseau social à l’égard des femmes et des personnes non-binaires et de la violence qu’elles subissent en ligne. L’ONG rapporte que 40 % des femmes qui utilisent la plateforme plus d’une fois par jour ont été victimes d’abus en ligne.
Des messages tels que « J’espère que tu vas te faire violer » ou encore « Ton travail, c’est de la daube », la podcasteuse Léa Chamboncel – spécialisée dans l’actualité politique – en reçoit, tant en privé qu’en public. Harcelée sur les réseaux à la suite de la publication d’un podcast sur les déchets nucléaires, elle vit depuis un peu plus d’un an plusieurs vagues de harcèlement. « Un jour, j’ai reçu un message qui disait : “on va te retrouver”. J’ai eu peur mais je l’ai pris à la légère, jusqu’à ce que je découvre un tag diffamatoire avec mon nom de famille devant chez moi. » Le harcèlement ayant franchi la barrière du virtuel, Léa décide de porter plainte. Elle confie qu’elle n’aurait pas poussé la porte du commissariat « si le harcèlement avait été uniquement sur Twitter ». Elle n’a d’ailleurs pas pour habitude de signaler les tweets insultants qu’elle reçoit : « Je n’ai pas le réflexe, je supprime directement ou je bloque. » Selon Amnesty International, l’unanimité des femmes qui ne signalent pas les violences en ligne dont elles sont victimes répondent que cela « n’en vaut pas la peine ».
Des préconisations dans le vent
Depuis 2018, l’ONG émet des recommandations adressées à Twitter. Elles ont été condensées dans le rapport Twitter Scorecard en une série de dix préconisations, dont une seule a, pour le moment, été appliquée : « améliorer le processus de recours ». Autrement dit, lorsque les utilisateur·rices signalent un tweet, ils et elles ont davantage d’espace qu’auparavant pour expliquer les circonstances des faits, à la modération Twitter. Amnesty relève également « quelques avancées limitées » en matière « d’amélioration de la transparence autour du processus de modération des contenus ». Réparties en quatre catégories, les recommandations visent la transparence, les mécanismes de déclaration, la procédure d’évaluation des signalements de violations, et les paramètres de confidentialité et de sécurité.
Anaïs Rheims, modératrice de comptes féministes sur les réseaux sociaux a effectivement pu constater que depuis la fin de l’été, les signalements étaient plus rapidement pris en compte par la plateforme. Mais elle déplore que « 9 fois sur 10, les signalements sont refusés car les propos des harceleurs ne vont pas à l’encontre des règles de la communauté ». Pour celle qui modère au quotidien des comptes exposés aux insultes, aux menaces de mort ou encore de viol, comme celui de l’autrice féministe Pauline Harmange, cela semble incongru. Pour elle, il serait nécessaire de former des équipes dédiées à plein temps à ce travail de modération.
Si des campagnes de sensibilisation du public ont été lancées par Twitter, Amnesty International déplore l’échec continuel du réseau social « dans sa mission consistant à proposer des recours pour les préjudices et effets bien réels liés à l’utilisation de sa plateforme pour des femmes ou des groupes marginalisés ».