Ile de Nantes
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Comment Nantes entend deve­nir la pre­mière ville non sexiste de France

La com­mune se veut pré­cur­seure en matière de lutte contre les vio­lences sexistes et en faveur de l’égalité femme-​homme, grâce à une approche sys­té­mique du genre dans cha­cune de ses poli­tiques publiques. Reste à savoir si elle sera à la hau­teur des attentes des acteur·trices du riche tis­su asso­cia­tif fémi­niste nan­tais, terre his­to­rique de luttes sociales.

C’est l’histoire d’une pro­messe pour le moins ambi­tieuse. Lors de sa cam­pagne pour les muni­ci­pales de 2020, Johanna Rolland, maire sor­tante, s’engage à « lut­ter contre toutes les formes de dis­cri­mi­na­tions » pour que Nantes devienne « la pre­mière ville non sexiste de France à 10 ans ». Après sa réélec­tion, la muni­ci­pa­li­té PS s’empare alors de ce volet par­ti­cu­liè­re­ment large. Tout juste un an après les der­nières élec­tions muni­ci­pales, nous ren­con­trons Mahaut Bertu, adjointe à l'Égalité, à la ville non-​sexiste et à la lutte contre les dis­cri­mi­na­tions, dans les jar­dins de la mai­rie de Nantes. « Nous avons réa­li­sé qu’en étant à la tête d’une ville, nous avions un cer­tain nombre de leviers à dis­po­si­tion pour, non pas éra­di­quer le sexisme car nous sommes réa­listes, nous n’y arri­ve­rons pas en si peu de temps, mais pour créer un sen­ti­ment col­lec­tif de refus de ces inéga­li­tés femmes-hommes. » 

Objectif : cou­vrir tous les champs d’action de la ville

Un éveil col­lec­tif des consciences et un refus des situa­tions de vio­lence et de dis­cri­mi­na­tion qui nour­rissent de mul­tiples pro­jets sitôt énu­mé­rés. Mahaut Bertu évoque avec enthou­siasme le déve­lop­pe­ment d’un réseau de cafés, bars et lieux de nuit label­li­sés « non sexistes » pour que toute per­sonne qui se sent en insé­cu­ri­té puisse y trou­ver refuge. La Ville veut aus­si repen­ser son urba­nisme pour le rendre plus sécu­ri­sant et accueillant pour les femmes, comme cela se fait par exemple en Suède, avec un accent mis sur l’éclairage public. À cela s’ajoute l’objectif de mailler le ter­ri­toire de dis­tri­bu­teurs de pro­tec­tions pério­diques acces­sibles à tous.tes. Ou encore, for­mer les per­son­nels édu­ca­tifs à favo­ri­ser une pos­ture non gen­rée et dif­fé­ren­ciée entre les élèves, tout en repen­sant l’aménagement des cours d’écoles, pre­miers lieux de socia­bi­li­té que par­tagent les enfants. « Les gar­çons, contrai­re­ment aux filles, ont ten­dance à y prendre beau­coup de place donc il y a des inéga­li­tés qui se creusent dès cet âge », note l’élue. 

La volon­té affi­chée est d’assurer la trans­ver­sa­li­té de l’égalité dans toutes les équipes muni­ci­pales et d’y être attentif·ves dans chaque pro­jet mené. Ça passe notam­ment par l’attribution des sub­ven­tions : « Nous avons la res­pon­sa­bi­li­té de veiller à ce que nos sub­ven­tions accom­pagnent les asso­cia­tions qui vont dans le bon sens. » La jeune délé­guée explique vou­loir notam­ment sou­te­nir autant les clubs spor­tifs fémi­nins que mas­cu­lins, encou­ra­ger la pré­sence de femmes dans les conseils d’administrations et les pro­gram­ma­tions cultu­relles pari­taires dans les musées et festivals.

Convaincre et avan­cer collectivement

Toutefois, certain·es semblent craindre une ambi­tion de façade. Comme Lou*, membre du col­lec­tif des Collages Féministes Nantes : « Je ne peux m’empêcher de pen­ser que Johanna Rolland surfe sur le fait que Nantes est une ville mili­tante, où pleins de col­lec­tifs queer et fémi­nistes se sont créés récem­ment, et qu’elle cherche à plaire à cette nou­velle géné­ra­tion ». Son binôme Charlie* par­tage le même sen­ti­ment, entre scep­ti­cisme et envie d’y croire. « Il peut y avoir de très bonnes idées mais tout est dans la manière de les appli­quer. J’attends de voir le niveau d’implication de la mai­rie, les moyens mis en place, ain­si que le sui­vi sur le long terme des dif­fé­rents projets. »

Mahaut Bertu est très au fait de cette réserve de la part d’un pan de la sphère fémi­niste nan­taise. Notamment après la pre­mière année de ce man­dat qui a été consa­crée à l’écriture des plans d’action alors que les actes concrets se font attendre. La majo­ri­té s’est don­né dix ans pour y arri­ver : « C’est impor­tant que ce ne soit pas un enga­ge­ment d’un seul man­dat, sinon, ce serait de la com­mu­ni­ca­tion. On veut se don­ner une plus vaste pers­pec­tive pour se don­ner les moyens de chan­ger les choses en profondeur. »

« Ce n’est pas une dimen­sion d’affichage, c’est réel­le­ment une poli­tique mise en œuvre avec des moyens », plaide Willy Gibert, direc­teur du Centre d'information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF) de Nantes. Preuve en est selon lui, l’ouverture en novembre 2019 de Citad’elles, un lieu d’accueil pour les femmes vic­times de vio­lences, qui a vu le jour sur l’impulsion de la mai­rie lors du man­dat pré­cé­dent. Unique en France, il a pour par­ti­cu­la­ri­té de réunir dans un même endroit toutes les res­sources néces­saires pour sou­te­nir et accom­pa­gner les vic­times, afin de faci­li­ter leurs démarches et per­mettre une prise en charge glo­bale, tous les jours et à toute heure. Conjointement avec l’association France Victimes, le CIDFF y tient une per­ma­nence de conseil et d’information juri­dique aux côtés d’autres inter­ve­nants, tels que la CAF, des psy­cho­logues, tra­vailleuses sociales, sage-​femme, policier·ères… « La struc­ture a répon­du à une néces­si­té, notam­ment lors du contexte sani­taire de l’année der­nière, puisqu’il y a eu un pic d’activité à ce moment. Ça prouve la per­ti­nence de ce lieu dans un contexte de crise », relève Willy Gibert, qui espère la pour­suite de cette poli­tique de lutte contre les vio­lences sexistes au niveau local. 

Et jus­te­ment, Citad’elles fait des émules. « Depuis le début de mon man­dat, j'accueille des élus et les ser­vices de nom­breuses villes qui s’engagent dans des pro­jets simi­laires », sou­ligne Mahaut Bertu. C’est pour­quoi la ville de Nantes a l’intention d’organiser les pre­mières Assises Nationales contre les vio­lences faites aux femmes, en novembre 2022. L’objectif sera de mettre en lumière le rôle pri­vi­lé­gié que les col­lec­ti­vi­tés ter­ri­to­riales, éche­lon par­fois oublié, peuvent jouer à ce sujet. 

* Les pré­noms des per­sonnes citées ont été modifiés

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