Interviewé ce mercredi matin sur France Info, le délégué général de Renaissance (ex-LaREM) Stanislas Guerini a défendu le choix d'investir Jérôme Peyrat pour les législatives en Dordogne, malgré sa condamnation pour violences conjugales. Avant de se rétracter et de désinvestir Peyrat.
Il aura fallu moins d'une journée, après la justification hasardeuse et outrancière de Stanislas Guerini, pour que Renaissance renonce à la candidature pour le moins controversée de Jérôme Peyrat aux élections législatives dans la 4ème circonscription de la Dordogne. Peu après 17h, l'ex-parti LaREM annonçait avoir convenu « ensemble » avec l'édile condamné pour violences conjugales qu'il se retire de la course. Chronique d'une position intenable.
« C'est très difficile de répondre en une seconde à cette question-là. » Ce mercredi matin sur Franceinfo, Stanislas Guerini, délégué général de Renaissance n'a pourtant pas bénéficié d'une seconde mais bien de trois minutes et quinze secondes – un temps plutôt long dans une interview politique en matinale – pour s'expliquer sur une affaire « complexe », selon lui. Il faut dire que la candidature de Jérôme Peyrat pour la majorité présidentielle Ensemble ! en Dordogne fait tâche : le maire de La Roque-Gageac, ancien conseiller politique d'Emmanuel Macron, a été condamné en septembre 2020 à une amende de 3000 euros avec sursis pour des faits de violences conjugales. Une condamnation qui n'avait pas manqué de faire réagir sur les réseaux sociaux, depuis son investiture début mai.
Une comparaison déplacée
Pour justifier ce choix, le ténor de Renaissance n'a pas hésité à faire usage à la radio du « et en même temps » caractéristique du président de la République. De quoi révéler une dissonance entre la communication de l'exécutif sur l'égalité entre les femmes et les hommes, à nouveau érigée en grande cause du deuxième quinquennat Macron, et la mise en pratique, à l'heure des investitures, des valeurs affichées. Stanislas Guerini ne souhaite pas, par ses propos, « donner l'impression qu'on pourrait empêcher la libération de la parole des femmes et empêcher la judiciarisation des affaires quand il y a des violences intra-conjugales »… « Et en même temps, je veux que l'on puisse regarder les choses dans leur complexité et les choses sont un peu plus complexes qu'un jugement en une seconde chrono sur un réseau social », a‑t-il ajouté, brandissant le sursis de l'amende, le fait que Jérôme Peyrat n'a pas été condamné à l'inéligibilité et surtout que « son ex-compagne a également été condamnée dans cette même affaire ».
Mais les choses sont en effet encore plus « complexes » que ce que pense le délégué général de Renaissance. Ce n'est pas dans cette même affaire que l'ex-épouse de Jérôme Peyrat a été condamnée. Mais pour des faits bien différents. Elle a écopé quelques semaines après la condamnation de l'élu d'une amende de 800 euros et d'une interdiction d'entrer en contact avec lui, ses parents et ses enfants pour des « appels téléphoniques malveillants réitérés », indique Mediapart. « Il faut regarder les choses dans le détail, dans leur complexité, il y a eu une dispute, deux condamnations de part et d'autre », a encore répété Stanislas Guerini au cours de l'entretien, mettant donc sur le même plan une condamnation pour des faits de violence physique et une pour « appels téléphoniques malveillants réitérés ». Une comparaison bien étonnante pour une majorité qui se veut exemplaire sur le sujet des violences sexistes et sexuelles.
C'est après une dispute en voiture, le 30 décembre 2019, au cours de laquelle l'élu a giflé son ex-compagne, qu'elle a porté plainte contre lui, avant qu'il ne soit jugé coupable par le tribunal correctionnel d'Angoulême. « Je conduisais, elle a arraché mes lunettes, j’ai essayé de la maîtriser, elle a reçu un coup au menton, je n’ai pas cherché à la frapper », a‑t-il raconté à Libération. La plaignante l'a, elle, accusé de l'avoir frappée au visage et d'avoir essayé de l'étrangler au cours de la dispute, rapportait France Bleu à l'époque du jugement. Elle avait reçu une incapacité totale de travail (ITT) de 14 jours. Le certificat médical des urgences, obtenu par Mediapart, fait état d'une douleur au niveau de la mâchoire « avec limitation de l’ouverture de bouche », « un hématome de la face vestibulaire de la lèvre inférieure droite », ainsi que d'« un syndrome de stress et d’anxiété post-traumatique à surveiller pendant une période minimale de trois mois ».
Toutes ses confuses
Stanislas Guerini n'en démord pas, affirmant que s'il avait « la conviction ou même le soupçon qu'on ait affaire à quelqu'un qui peut être violent ou même coupable de violences sur les femmes, jamais [il] n'aurai[t]accepté cette investiture-là », allant jusqu'à qualifier Jérôme Peyrat d'« honnête homme ». Pour se sortir de la polémique, Guerini renvoie la responsabilité de la potentielle élection du condamné sur le dos des citoyen·nes : l'édile « se soumettra au jugement des électeurs », cherche-t-il à conclure. Mais les militant·es féministes ne l'entendent pas de cette oreille. L'Observatoire des violences sexistes et sexuelles en politique, lancé il y a quelques mois après le mouvement #MeTooPolitique, a écrit dès la fin de l'interview politique une lettre ouverte à Emmanuel Macron avec comme mot d'ordre : « #PasdePeyrat ».
Elle aura payé. En même temps qu'il annonce le largage de Peyrat, Guerini présente ses confuses à la presse : « Je mesure que les propos que j'ai tenus ce matin sur France inter […] ont pu heurter et blesser. Je veux réaffirmer ici avec force un engagement total de la majorité présidentielle pour soutenir la libération de la parole des femmes sur les faits de violences, afin que la justice puisse faire son travail. Je ne remets en aucun cas en cause une décision de justice, qui mène un travail indépendant. » Un rétropédalage en règle.