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© Reproductive Health Supplies Coalition

À comp­ter du 1er jan­vier 2022, la contra­cep­tion sera gra­tuite pour les femmes jusqu’à 25 ans

Le ministre de la Santé Olivier Véran a annon­cé ce jeu­di 9 sep­tembre l'extension de la gra­tui­té de la prise en charge de la contra­cep­tion et des consul­ta­tions qui l'accompagnent, jusque là réser­vée aux mineures.

« Toutes les contra­cep­tions fémi­nines prises en charge par l’Assurance-maladie, sans dis­tinc­tion », seront acces­sibles gra­tui­te­ment pour toutes les femmes âgées de moins de 25 ans à par­tir du 1er jan­vier 2022. C'est l'annonce faite par Olivier Véran lors de son pas­sage au Télématin de France 2 ce 9 sep­tembre. Le ministre de la Santé a aus­si indi­qué que « le bilan bio­lo­gique qui peut aller avec, la consul­ta­tion de pres­crip­tion et tous les soins qui sont liés à cette contra­cep­tion » seraient éga­le­ment pris en charge. Une mesure esti­mée à 21 mil­lions d'euros par an à la charge de la sécu­ri­té sociale, alors que la gra­tui­té de ces consul­ta­tions et pres­crip­tions médi­cales avait déjà cours pour les mineures.

Le ministre de la Santé indique s'appuyer sur les obser­va­tions des auto­ri­tés scien­ti­fiques s'inquiétant du fait que de nom­breuses jeunes femmes renoncent à recou­rir à une contra­cep­tion pour des rai­sons éco­no­miques. Déjà en 2013, la Haute auto­ri­té de san­té (HAS) pré­ci­sait que « le recours à la contra­cep­tion en géné­ral peut éga­le­ment être frei­né par des contraintes éco­no­miques ». « Les don­nées récentes sur la contra­cep­tion montrent une baisse du recours à la pilule chez les femmes de 20 à 24 ans au cours des 10 der­nières années, ajou­tait l'instance. Cette baisse n’est pas com­pen­sée par l’utilisation d’autres méthodes et pour­rait être attri­buée, du moins en par­tie, à la dégra­da­tion conco­mi­tante de la situa­tion éco­no­mique dans cette tranche d’âge. »

Une réponse à un constat éta­bli depuis longtemps

En mai 2014, l'Ined publiait son rap­port La crise de la pilule en France : vers un nou­veau modèle contra­cep­tif ? à la suite des contro­verses autour des risques de throm­boses liés aux pilules de 3ème et 4ème géné­ra­tions, ayant abou­ti à la fin de leur rem­bour­se­ment en mars 2013. Les jeunes femmes se sont détour­nées, montre l'Ined, de la pilule (qui repré­sen­tait 50% du choix contra­cep­tif en 2010 pour seule­ment 41% en 2013) pour d'autres méthodes, telles que le DIU, le pré­ser­va­tif ou les pilules de 1ère et 2ème générations. 

Or, l'Ined notait, en plus des pré­oc­cu­pa­tions autour des risques liés à l'utilisation de la pilule, des « effet de la crise éco­no­mique sur les pra­tiques contra­cep­tives », dont les pre­mières vic­times seraient les 20–24 ans, c'est-à-dire des jeunes femmes étu­diantes ou débu­tant leur vie active. Malgré le rem­bour­se­ment de cer­tains moyens contra­cep­tifs (pilules de 2ème géné­ra­tion, DIU, implant) et l'équivalent en pro­duits géné­riques de cer­taines pilules de 3ème géné­ra­tion, des freins éco­no­miques résident dans l'accès au soin contra­cep­tif. L'avance du prix d'une consul­ta­tion médi­cale ou le non rem­bour­se­ment du pré­ser­va­tif, « une des prin­ci­pales méthodes de contra­cep­tion uti­li­sée en début de vie sexuelle », en font par­tie. Face à ce constat, l'instance plai­dait que « l’enjeu de la gra­tui­té de l’accès aux méthodes de contra­cep­tion, un des freins de l’accès aux méthodes les plus effi­caces, est donc plus que jamais d’actualité. »

Quid des moyens contra­cep­tifs non pris en charge par l'Assurance maladie ?

Sur le ter­rain, les professionel·les de san­té constatent en effet une désaf­fec­tion pour la pilule. « La pilule néces­site une exi­gence dans la régu­la­ri­té de la prise, observe Laura Faucher, pré­si­dente de l'Association natio­nale des étudiant·es sages-​femmes (Anesf). On me demande donc de plus en plus des patch contra­cep­tifs, mais quand les patientes se rendent compte que cela va leur coû­ter 14 euros par mois car ce dis­po­si­tif n'est pas pris en charge par l'Assurance mala­die, elles se rabattent sur l'implant contra­cep­tif. Or, la meilleure contra­cep­tion, c'est celle que l'on choi­sit. » Isabelle Derrendinger, direc­trice de l'école des sages-​femmes du CHU de Nantes et membre de l'Ordre natio­nal des sages-​femmes, s'inquiète, elle, des jeunes filles qui ne viennent tout bon­ne­ment pas en consul­ta­tion parce qu'elles n'en ont pas les moyens finan­ciers, poin­tant une étude de La Mutuelle des étu­diants (LMDE) qui mon­trait en 2019 que la pro­por­tion d'étudiants renon­çant à consul­ter un méde­cin aug­men­tait au fil des années.

Les sages-​femmes saluent donc l'annonce du ministre de la san­té mais attendent que le cadre de la mesure soit pré­ci­sé. « Si le rem­bour­se­ment ne s’applique qu’aux moyens contra­cep­tifs actuel­le­ment rem­bour­sés pour les moins de 18 ans (cer­taines pilules de 2ème géné­ra­tion, cer­taines pilules pro­ges­ta­tives, les dis­po­si­tifs intra-​utérins, l’implant et les pré­ser­va­tifs externes), ques­tionne l'Anesf, que faisons-​nous des per­sonnes pour qui les patch ou les pilules anti-​acnéiques [qui servent aus­si de contra­cep­tifs, coûtent de 10 à 12 euros par mois et ne sont pas prises en charge par l'Assurance mala­die] sont les moyens qui s'adaptent le mieux à iels et qui n’ont pas les moyens de s’en pro­cu­rer ? » Ce « iels » inclut les hommes trans qui ont tou­jours un uté­rus et pour les­quels l'Anesf veille­ra à ce qu'ils soient inclus dans cet accès à la gra­tui­té de la contraception. 

Les sages-​femmes demandent consul­ta­tion sexuelle universelle

De son côté, l'Ordre des sages-​femmes qui se féli­cite d'une mesure qu'il appelle de ses vœux depuis plu­sieurs années, sou­hai­te­rait que la contra­cep­tion d'urgence en fasse par­tie. Aujourd'hui, elle n'est gra­tuite que pour les mineures et pour les majeures dans les éta­blis­se­ments sco­laires et uni­ver­si­taires. Dans son com­mu­ni­qué, l'Ordre pro­pose une dis­po­si­tion visant à com­plé­ter la gra­tui­té de la contra­cep­tion : « la créa­tion d’une consul­ta­tion sexuelle longue pour tous les ado­les­cents de 15 à 18 ans. L’universalité de cette consul­ta­tion per­met­tra de mieux pro­té­ger les jeunes et d’impliquer davan­tage les hommes, qui sont aujourd’hui trop éloi­gnés de ces pro­blé­ma­tiques. » Au-​delà de l'aspect contra­cep­tif, cette consul­ta­tion uni­ver­selle per­met­trait de palier le manque d'informations sur la san­té sexuelle des jeunes, dans un contexte où les collégien·nes et lycéen·nes ne reçoivent tou­jours pas les heures obli­ga­toires dédiées durant leur sco­la­ri­té. De quoi faire des ravages niveau infec­tions sexuel­le­ment trans­mis­sibles (IST). « En ce moment, la recru­des­cence de la chla­my­dia, qui fait ris­quer l'infertilité, nous pré­oc­cupe beau­coup », pré­cise Isabelle Derrendinger. La sage-​femme estime donc que cette consul­ta­tion uni­ver­selle per­met­trait de res­pon­sa­bi­li­ser les jeunes hommes sur ces sujets. Car pour l'heure, autant au niveau de la charge finan­cière que men­tale, la contra­cep­tion reste une affaire de femmes.

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