Témoignages : perdre du poids pour une PMA

99 couple © Ana Harff
© Ana Harff





« Aimer, c’est regar­der ensemble dans la même direc­tion. » La maxime est char­mante. Mais dans la vraie vie, les des­ti­nées amou­reuses sont rare­ment aus­si simples. Chaque mois, Causette donne la parole à un duo sen­ti­men­tal pour com­prendre com­ment les visions diver­gentes de chacun·e n’empêchent pas (tou­jours) le ménage de tour­ner. Voici Coline et Paul, qui ont tra­ver­sé ensemble le choix de Coline de faire réduire la taille de son esto­mac pour perdre du poids afin de pou­voir béné­fi­cier d’une pro­créa­tion médi­ca­le­ment assis­tée.




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Coline

39 ans

« C’est l’envie d’un bébé qui m’a conduite à chan­ger tota­le­ment de sil­houette, il y a deux ans et demi. J’étais mère de deux enfants quand j’ai ren­con­tré mon deuxième mari, en 2010. Il rêvait d’être père et j’ai eu envie de lui faire ce cadeau. Après plu­sieurs mois d’essais infruc­tueux, on s’est lan­cés dans un pro­ces­sus de pro­créa­tion médi­ca­le­ment assis­tée (PMA). Et, même si j’avais réus­si à mener à terme deux gros­sesses mal­gré mes 134 kilos pour 1,76 m, le ser­vice de PMA a exi­gé que je perde du poids. Les régimes, le sport, les com­plé­ments ali­men­taires… j’avais déjà tout essayé. Je suis grosse depuis que je suis petite. J’ai donc déci­dé de pra­ti­quer une sleeve et de me faire enle­ver les deux tiers de l’estomac. À part mon mari, seuls ma mère et mes enfants étaient au cou­rant. J’avais une peur bleue des opé­ra­tions, je connais­sais les dan­gers de ce type d’interventions, mais l’envie de fon­der une famille avec Paul était plus forte que tout.
Le len­de­main de l’opération, j’avais déjà 12 kilos de moins. Mais dans le miroir, je me voyais tou­jours obèse. La psy­cho­logue m’avait pré­ve­nue : vous pou­vez souf­frir de dys­mor­pho­pho­bie et avoir du mal à vous réap­pro­prier ce nou­veau corps. Trois mois après l’opération, j’avais per­du 50 kilos. Pourtant, je conti­nuais à aller dans les rayons grandes tailles. C’est sur­tout dans le regard des gens que j’ai per­çu le chan­ge­ment. Finalement, être gros, c’est un filtre à cons. Des gens qui m’ignoraient au tra­vail se sont mis à me par­ler. Lors des rendez-​vous médi­caux, on ne s’adressait plus à moi comme à une demeu­rée. Aujourd’hui, je peux man­ger des sand­wichs dans la rue sans être jugée. Même si je n’aime tou­jours pas mon corps nu, j’ai gagné confiance en moi. Les hommes se retournent sur moi dans la rue ! Jamais je n’aurais pen­sé vivre ça un jour ! Mon mari m’a aimée grosse et ne m’a jamais deman­dé de chan­ger. Mais je ne me sup­por­tais plus et cela deve­nait com­pli­qué : je cachais les miroirs avec un drap pour ne plus me voir. Il a été d’une grande patience, mais en a for­cé­ment souf­fert. Sexuellement, ça m’a libé­rée. Je me cache moins, j’accepte qu’il me regarde et me caresse, ce qui n’était plus pos­sible avant la sleeve. Il adore mon ventre qu’il appelle “sa petite pâte bri­sée”. À ce jour, nous n’avons tou­jours pas eu de bébé, mais nous conti­nuons à essayer… » 

Paul

42 ans

« Je suis tom­bé amou­reux de ma femme avec ses ron­deurs. Si le milieu médi­cal ne nous avait pas impo­sé cette perte de poids, elle n’aurait peut-​être rien chan­gé et cela m’allait très bien. Cette inter­ven­tion était ris­quée : elle peut entraî­ner des com­pli­ca­tions sérieuses et implique un réel chan­ge­ment en termes d’hygiène de vie. Mais quand Coline a pris la déci­sion de se faire opé­rer, je l’ai sou­te­nue. On peut dif­fi­ci­le­ment s’opposer à ma femme quand elle a une idée en tête [rires]. Une fois la date de l’intervention fixée, j’ai sen­ti son empres­se­ment. Le dégoût qu’elle avait pour son corps s’est accen­tué. Il y avait une urgence à se débar­ras­ser de ces kilos qui l’encombraient. Ils la com­plexaient tel­le­ment qu’elle ne vou­lait plus que je la regarde ni ne la touche. Je m’en accom­mo­dais. Mettre en veilleuse mes envies sexuelles, je peux le faire. La seule chose qui me fait souf­frir dans la vie, c’est de voir ma femme ­mal­heu­reuse. Et là, elle l’était.
Elle a fait preuve d’une extrême volon­té après l’intervention. Elle a radi­ca­le­ment chan­gé son ali­men­ta­tion (le volume d’un de ses repas tient désor­mais dans le creux de sa main) et s’est mise à mar­cher 10 kilo­mètres par jour. Je l’ai aidée à visua­li­ser sa nou­velle sil­houette en la pre­nant en pho­to toutes les semaines et en fai­sant un mon­tage. C’était une façon de l’encourager et de l’aider à gagner confiance en elle. Elle ne réa­li­sait pas sa trans­for­ma­tion. Son cer­veau a mis du temps à l’assi­miler. Ce n’est qu’au bout de trois mois qu’elle a vu que son corps était métamorphosé. 
Avec ses 50 kilos en moins, ma femme est plus joyeuse. Elle aime sor­tir. On va au res­tau­rant, à des concerts, elle éprouve du plai­sir à faire les bou­tiques. Autant de choses qu’elle s’interdisait avant pour évi­ter le regard des autres ou les remarques assas­sines. Elle me disait : “Je ne veux pas te faire honte.” Je suis conster­né de voir à quel point la socié­té condamne la dif­fé­rence et juge les gros. Je n’ai jamais prê­té atten­tion au phy­sique des gens. Je ne dois pas être comme tout le monde… » 

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